Travailler quand on vit avec le VIH, n’est pas la moindre des choses. Quand la maladie se fait plus difficile à vivre, il est parfois nécessaire d’adapter son temps de travail, de revoir sa fiche de poste. Tout cela est prévu dans le Code du travail. Le travailleur séropositif peut bénéficier de divers aménagements en vue d’adapter son activité professionnelle à sa pathologie, dans le secteur privé comme dans le public.
Si la décision finale relève du « pouvoir de décision de l’employeur », les procédures existantes impliquent la médecine du travail, et le cadre juridique comme la jurisprudence exigent une réelle recherche de solutions intermédiaires et adaptées.
A aucun moment l’employeur n’est sensé avoir connaissance de la nature de la pathologie, la médecine du travail étant tenue au secret médical.
En pratique, les dispositions juridiques sur ce point sont trop souvent bafouées, au nom du sacro-saint « intérêt de l’entreprise » ou par méconnaissance des handicaps évolutifs type VIH.
I – L’aménagement des conditions de travail pour cause de maladie
Ces règles s’appliquent de façon identique dans les secteurs privés et publics.
A. Adaptation du poste à votre état de santé
L’initiative d’une demande d’adaptation de son poste de travail lié à son état de santé peut venir du salarié comme de l’employeur.
Si c’est l’employeur qui la demande, cela peut constituer un élément d’appréciation de la RQTH : en l’espèce, le handicap a des conséquences sur le poste de travail et la réduction des possibilités d’emploi est confirmée.
- Dans le secteur privé
L’inaptitude à exercer son travail doit être constatée par le médecin du travail, qui se prononce après deux examens médicaux et une étude du poste et des conditions de travail. S’il propose des mesures de mutation ou de transformation, il est tenu au secret professionnel et n’a pas à préciser les causes de ses propositions à l’employeur.
L’employeur doit tenir compte de cet avis et adapter ou changer l’emploi en fonction de l’état de santé, si nécessaire avec une formation. Il doit explorer toutes les possibilités de reclassement, dans toutes les entités du groupe. Un refus doit être motivé, et c’est en dernier lieu l’inspecteur du travail qui tranche, après avis du médecin inspecteur régional du travail.
La jurisprudence impose à l’employeur une recherche « effective », le cas échéant, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Si à l’issue d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise, le salarié n’est ni reclassé, ni licencié, le salaire correspondant lui est dû, sauf CDD. En cas d’impossibilité (« intérêt de l’entreprise »), le contrat de travail peut être rompu.
Attention : si le préavis ne peut pas être effectué, l’indemnité compensatrice de préavis n’est pas due, sauf dispositions conventionnelles particulières.
- Dans le secteur public
Les circulaires du 6/7/1989 et du 5/3/1990 prévoient que « lorsque l’état de santé de l’intéressé le permet, le maintien en activité professionnelle peut être bénéfique pour son état psychologique et doit alors être recherché dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service ».
Comme dans le privé, une solution de reclassement ou d’aménagement des conditions de travail doit être recherchée. L’employeur peut changer de fonction si le maintient au poste initial n’est plus possible en raison de l’état physique. Ce reclassement ne doit pas être un prétexte pour une mise « au placard », et il est possible de le refuser.
Si la hiérarchie est dans l’impossibilité d’aménager le poste initial ou de proposer un poste qui convient, le contrat de travail est rompu, c’est le licenciement.
B. Le mi-temps thérapeutique.
Il n’est possible qu’après un arrêt total de travail. Dans le cadre d’une visite médicale de reprise, suite à un certain nombre d’absences, le médecin du travail peut émettre un avis d’aptitude sous conditions d’aménagements, dont le mi-temps thérapeutique.
Attention : la visite médicale de reprise est organisée par l’employeur, le salarié peut la demander, mais la refuser peut constituer une faute grave.
Lorsque le médecin traitant prescrit une reprise d’emploi à mi-temps, le salarié doit transmettre le dossier rempli au médecin du travail, ainsi qu’une demande de mi-temps thérapeutique. Ce dernier se prononce et voit avec l’employeur quelles sont les possibilités d’aménagement. Le médecin du travail est aussi tenu au secret professionnel, il pourra signifier à l’employeur que la demande de mi-temps thérapeutique entre dans le cadre des «30 Affections longue durée (ALD)». Le dossier de demande doit être le plus complet possible sur tous les aspects de la pathologie et plus particulièrement la nécessité d’un emploi à temps partiel, dans le cadre du traitement.
Parallèlement, une demande doit être envoyée au médecin conseil de la CPAM qui se met alors en rapport avec le médecin du travail. La CPAM peut avoir besoin d’un examen avant de statuer, elle convoque le salarié dans ce cas. Aucun accord n’est possible sans l’avis favorable du médecin du travail et de la CPAM. L’employeur est tenu de verser une rémunération en fonction des heures travaillées, la CPAM versant des indemnités journalières pour les périodes non travaillées. La CPAM est libre d’accepter ou non le mitemps thérapeutique, c’est elle qui décide de l’attribution des indemnités, en fixe le montant et la durée de versement. Il convient donc de la contacter pour connaître sa position sur ce point.
Le mi-temps thérapeutique est accordé pour une durée maximale d’un an, non renouvelable. Au terme de cette année, si la reprise à temps plein n’est pas possible, une orientation vers une solution différente, telle que l’invalidité peut être proposée.
Attention : l’employeur peut refuser la reprise à temps partiel, le refus doit être légitime, en pratique il est souvent motivé par « l’intérêt de l’entreprise ». Il ne faut pas hésiter pas à impliquer les organisations syndicales, le CHSCT et l’inspection du travail. Si malgré cela l’employeur refuse, il est possible d’envisager un Congé Longue Durée (CLD).
II – L’aménagement du temps de présence pour maladie
A. Les arrêts de travail dans le secteur privé.
Le fait d’avertir son employeur et la CPAM sous 48 heures, est obligatoire sous peine de perdre ses droits, c’est-à-dire un licenciement pour faute grave, est possible au motif d’abandon de poste, ou d’absence injustifiée. Il en est de même en cas de prolongation. Après une absence d’au moins 21 jours, une visite médicale de reprise est obligatoire.
Un licenciement ne peut avoir lieu pendant un arrêt maladie, même pendant la période d’essai, sauf pour une cause étrangère à la maladie. Une absence prolongée ou des absences répétées pour maladie peuvent justifier la rupture du contrat de travail si l’employeur peut démontrer que le remplacement définitif est nécessaire.
Pendant un arrêt maladie, le contrat de travail est suspendu : ce n’est plus l’employeur qui rémunère, mais la CPAM qui verse des prestations à hauteur de 80 % du salaire. Les règles de maintien de salaire varient selon les conventions collectives et/ou les accords salariaux.
B. Les congés maladie dans la fonction publique
- Agents titulaires
- Le congé ordinaire de maladie (CMO)
Ils peuvent atteindre 12 mois sur une période d’un an (« année médicale »). Il est possible de bénéficier d’un congé de 3 mois à plein traitement et de 9 mois à demi traitement. Les indemnités de résidence et supplément familial de traitement continuent d’ête versés. S’ajoutent les éventuelles indemnités journalières de la mutuelle.
Si, après 6 mois consécutifs, la reprise du travail n’est pas possible, le Comité Médical est saisi pour avis sur les demandes de prolongation pour les 6 mois restant à courir.
Attention : il n’est pas possible de refuser la contre-visite, sous peine d’interruption du versement de la rémunération.
- Le congé de longue maladie (CLM)
Il est possible d’en bénéficier pour une durée maximale de 3 ans en cas de maladie présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée, nécessitant un traitement et des soins prolongés.
Le salaire esty versé intégralement pendant un an et la moitié pendant les deux années suivantes, en restant titulaire du poste.
La totalité des suppléments pour charge de famille, l’indemnité de résidence et vos éventuelles indemnités mutualistes restent versés.
Un second CLM ne peut être pris qu’en cas de reprise du travail pendant un an.
- Le congé de longue durée (CLD)
Il est donné en cas de tuberculose, maladie mentale, cancer, poliomyélite oou sida, mais uniquement à l’issue d’une première année de CLM, englobée dans le CLD.
La durée maximale est de 5 ans par affection au cours de la carrière, 3 ans à plein traitement, 2 ans à demi traitement. Si la maladie est contractée dans l’exercice de ses fonctions, le plein traitement est versé pendant 5 ans et le demi traitement pendant 3 ans.
A l’issue du CLD, une mise en disponibilité, est possible afin de reporter le retour sur le poste, ou une mise à la retraite pour invalidité, s’il n’est pas possible de reprendre ses fonctions.
Le temps passé en CMO, CLM ou CLD est décompté comme temps travaillé. Il est pris en compte pour l’avancement et la retraite. Pour ces types de congés, la plupart des mutuelles de la fonction publique complète le demi traitement par des allocations journalières, non imposables, qui permettent, dans la plupart des cas, de conserver environ 75 % de son traitement net (hors primes).
Les CLM et CLD sont accordés par période de 3 à 6 mois renouvelables. Avant la fin de la période, il faut donc demander soit la prolongation, soit la réintégration, (même procédure que pour la demande) et il faut s’y prendre tôt, vu les délais, pour ne pas risquer une rupture de paiement du traitement.
- Pour obtenir un CLM ou un CLD
La demande doit être adressée au supérieur accompagnée d’un dossier médical détaillé adressé directement au comité médical départemental, sous pli confidentiel.
L’administration transmet la demande au comité médical départemental pour avis, et fait effectuer une expertise, en cas de contestation. Le dossier est soumis au comité médical supérieur. L’administration prend ensuite une décision qui n’est contestable que par voie de recours administratif.
Les conclusions du rapport de l’expert avant la réunion du comité médical, ainsi que la date à laquelle le comité médical examinera le dossier afin que le demandeur puisse prévenir le médecin de son choix pour qu’il puisse y assister. Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, la procédure est illégale, il est alors possible d’en demander le réexamen.
Attention : l’examen de la demande prend 2 mois, pendant lesquels il faut être couvert par un arrêt maladie ordinaire.
Pour contester un refus, l’appel se fait devant le comité médical supérieur dans le délai d’un mois après la notification de l’avis médical.
Par ailleurs, si l’état de santé est de nature à compromettre le bon fonctionnement du service, l’administration saisit alors le comité médical et peut demander un examen médical. C’est une procédure exceptionnelle limitée aux situations d’urgence.
S’agissant de réintégration, en cas de congé ordinaire de 12 mois consécutifs, de CLM ou de CLD, la reprise de ses fonctions ne se fait qu’après un examen d’aptitude physique.
Un reclassement peut être proposé ou un aménagement des conditions d’emploi, notamment par mi-temps thérapeutique (durée maximale d’un an sur la carrière) si l’état de santé le nécessite.
- Les congés maladies des agents non titulaires
La durée de congé maladie rémunéré varie selon son ancienneté. Le plein traitement : est de un mois après quatre mois de services puis du demi traitement pendant un mois ; de deux mois après deux ans de services puis du demi traitement pendant deux mois ; de trois mois après trois ans de services puis du demi traitement pendant trois mois.
Un congé de grave maladie est accordé en cas de pathologie invalidante, nécessitant des soins prolongés, et provoquant une incapacité. Il est accordé par périodes de 3 à 6 mois, et après 3 ans d’ancienneté minimum. L’employeur peut mandater un médecin pour effectuer une contre-visite, qui peut être contestée. Le salaire est maintenu les 12 premiers mois, puis réduit de moitié les 24 mois suivants.
Si vous n’avez pas droit à un arrêt de travail rémunéré, vous êtes placé en congé sans traitement pour maladie si l’incapacité de travail est temporaire, ou licencié si l’incapacité de travail est permanente.
Sur toutes ces questions, n’hésitez pas à contacter et impliquer les organisations syndicales, le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), les associations et la Direction départementale du travail et de l’emploi (DDTE).