La conférence de l’International Aids Society 2009 à Cap Town a su se montrer à la hauteur de sa grande soeur la conférence Internationale bisannuelle. ChercheurEs et scientifiques se sont uniEs aux activismes pour dénoncer l’égoïsme criminel des gouvernements des pays riches.
Les scientifiques pour l’accès aux soins
En choisissant l’Afrique du Sud pour y organiser leur 5e conférence, les responsables de l’IAS inscrivaient les discussions scientifiques dans un cadre éminemment politique : la question de l’accès universel aux soins. Cette volonté s’est manifestée clairement dès la cérémonie d’ouverture, chaque intervenantE posant le sujet comme décisif. C’est évidemment attendu de la part d’une activiste comme Vuyiseka Dubula, secrétaire générale de TAC, qui blâme autant les pays du G8 que les pays d’Afrique pour avoir rompu leurs promesses en matière de financement des soins, et qui s’inquiète de l’accès aux traitements de seconde ligne : « Je veux qu’on me garantisse que je pourrai avoir des médicaments de seconde ligne quand j’en aurai besoin ». C’est aussi habituel chez Stephen Lewis, ancien envoyé spécial de l’ONU en Afrique pour le VIH/sida, qui, dans une intervention appelée « les chercheurEs comme activistes » rappelle les centaines de milliards de dollars payés par le G8 pour « garantir les bénéfices » d’un petit groupe de banquiers, alors que ces mêmes pays riches sont incapables de consentir à la moindre augmentation significative de leur contribution à la lutte contre les pandémies.
Mais une telle virulence est plus inédite chez les scientifiques qui se sont expriméEs. Le coprésident de cette conférence, Julio Montagnier s’en prend avec force aux pays riches. Pour lui, le fossé entre le Nord et le Sud, des milliers de mortEs quotidiennes, « absurdes et évitables », tout cela est insupportable. La conférence, rappelle-t-il se déroule au moment où on fête les 40 ans de la mission Appollo, et des premiers pas de l’Homme sur la lune « symbole de la détermination de la science et de la volonté des Hommes à progresser ». Pourquoi, demande-t-il, ne faisons-nous pas preuve de la même détermination pour sauver des vies ? Le symbole le plus évident de cette volonté activiste des scientifiques présentEs est sans nul doute le geste de la prix Nobel Françoise Barré-Sinoussi, qui a revêtu le teeshirt de TAC à la fin de son exposé (voir le « prix de la capote rose »). Au cours de cette conférence, nous avons fait la promotion de la campagne Remind the Gap, que de nombreuses associations supplémentaires ont rejoint, mais aussi 500 chercheurSEs, médecins et autres professionnelLEs de santé. Combien en faut-il d’autres aux leaderEs du G8, Nicolas Sarkozy en tête, pour comprendre enfin ?
Dedans et dehors : manifestations
Une conférence de ce genre est aussi l’occasion de porter les revendications activistes dans l’espace public. Avant la cérémonie d’ouverture, TAC organisait une manifestation pour exiger du gouvernement sud-africain l’accélération des mesures du plan national de lutte contre le VIH, et dénoncer les promesses non tenues des pays riches et des gouvernantEs d’Afrique. Plus de deux milles personnes se sont rassemblées aux limites du centre ville, portant toutes le tee-shirt rouge, où est inscrit, sur le devant, en grand « HIV POSITIVE ». L’occupation de l’espace est exemplaire. Des groupes, très délimités, défilent les uns derrière les autres, laissant un intervalle de plusieurs mètres pour allonger le cortège, en chantant et en dansant. La masse rouge se déplace pendant une heure jusqu’au centre de conférence, juste avant la cérémonie d’ouverture. L’effet est impressionnant.
Au sein même de la conférence, nous avons organisé avec TAC une manifestation dans le hall d’exposition, autour des stands des laboratoires pharmaceutiques, pour dénoncer leur politique tarifaire, notamment en matière de médicaments de seconde ligne. Dans la foulée, ;nous tenions une conférence de presse dans laquelle un membre de MSF, Vuyiesika Dubula de TAC, Rolake Odetoyinbo (Treatment Action Movement- Nigeria) ont pu témoigner et porter leurs revendications : les résistances aux antirétroviraux s’accroissent dramatiquement, les médicaments de seconde ligne et les examens de charge virale sont inaccessibles, alors qu’ils sont vitaux. Le témoignage du co-président d’Act Up-Paris, sur les standards de soins en France et son expérience personnelle du passage aux traitements en seconde ligne, a permis de mesurer l’écart insoutenable entre le Nord et le Sud.
Le dernier jour, enfin, nous participions à la manifestation au sein de la conférence, organisée par TAC et ARASA, concernant les financements de la lutte contre le sida. Les militantEs ont jeté du haut de la passerelle du premier étage des milliers de faux billets à l’effigie de gouvernantEs du Nord comme du Sud, rappelant les dépenses faites par les unEs et les autres, qui pour un avion, qui de l’armement, qui pour sauver les banques, tout cela se chiffrant en centaine de millions de dollars. Comment justifier que ces mêmes dirigeantEs refusent de dépenser des sommes équivalentes pour sauver des vies ?
L’activisme n’est pas en récession
Le gouvernement français a pu utiliser la crise, non seulement pour justifier la rupture des promesses d’un accès universel aux traitements, mais aussi pour essayer de diviser les activistes du monde entier. « Si nous dépensons trop d’argent pour l’Afrique, nous n’en aurons pas assez pour répondre aux problèmes sociaux posés par la crise en France. » Ce chantage implicite s’avère inefficace. Au Cap, militantEs du Sud et du Nord ont renforcé leur partenariat pour élaborer des actions à la hauteur de notre colère commune, et de l’urgence de la situation. Le sida n’est pas en récession, comme le dit un slogan de TAC ; l’activisme non plus. Il sort même renforcé de cette conférence, où il a gagné aussi les scientifiques.