2010 aurait dû être l’année de l’accès universel aux traitements pour tous les malades du sida, de la tuberculose et du paludisme comme s’y étaient engagés les pays du G8 en 2005.
Pour commencer cette année, le ministre français des affaires étrangères et européennes, Bernard Kouchner, effectuera, à partir d’aujourd’hui, une visite expresse dans cinq des pays les plus touchés par le VIH/sida en Afrique centrale et Afrique de l’ouest : le Rwanda, la République démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire.
Nous, associations de lutte contre le sida en France ou dans les pays concernés par cette visite officielle, déplorons l’absence de la thématique du VIH/sida dans le déplacement du ministre.
Situation épidémiologique en République démocratique du Congo
En République démocratique du Congo, les chiffres officiels qui donnent une prévalence de près de 3% sous-estiment la réalité ; les acteurs de terrain quant à eux parlent d’une prévalence que tournerait autour du 10%.
L’épidémie de VIH s’accompagne d’un nombre très grand de cas de tuberculose. La RDC fait d’ailleurs partie de la liste des 22 pays les plus touchés dans le monde par la tuberculose (cette liste comprend près de 90% des cas de tuberculose dans le monde[[Source : Organisation Mondiale de la Santé]]). Elle y tient le dixième rang.
Accès aux traitements en RDC
Parmi les personnes dépistées séropositives au VIH, moins de 10% de celles qui en ont besoin [[c’est-à-dire, selon les critères de l’OMS, celles dont le nombre de CD4 est en dessous de 200 – recommandations contestées car elles contrastent avec les recommandations dans les pays du nord, de l’OMS, de mettre les personnes sous traitement le plus rapidement possible]] ont aujourd’hui accès aux traitements antirétroviraux. Ceux-ci sont fournis à 95% par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Or, le Fonds mondial traverse depuis 2 ans une crise de financements liée à la non tenue des promesses des pays donateurs d’augmenter leurs contributions pour répondre aux besoins croissants des pays en développement. Ce manque de financement met aujourd’hui en péril de nombreux programmes, de prévention, de dépistage et d’accès aux traitements.
« Après avoir incité à l’accès au dépistage, que faire lorsqu’il n’y a plus de traitements disponibles pour mettre les personnes séropositives sous traitements ? »
Epidémie du VIH et violation des droits humains
Alors que l’avenir de la MONUC [[Mission de l’Organisation des Nations Unies en RD Congo]] est à l’agenda du déplacement de Bernard Kouchner, il est impossible d’ignorer l’impact du conflit au Kivu sur la situation épidémiologique en RDC. En effet, l’explosion de l’épidémie s’est avérée être en grande partie liée aux violences sexuelles faites aux femmes par les groupes armés. Aujourd’hui, selon des études menées localement à l’est du pays, quatre femmes violées sur dix seraient contaminées par le VIH/sida. La prévalence chez les soldats et combattants dans la région des grands lacs s’élèverait à 60%[[Selon le Dr Omba Ka Londa, chercheur en santé publique à l’Université libre de Bruxelles.]].
Que fait la France en soutien aux actions de santé publique en RDC ?
En mars 2009 à Kinshasa, lors de sa tournée éclaire de 48h en Afrique, à l’occasion de laquelle il avait fait la promotion des intérêts économiques de la France sur le continent, le président Sarkozy, n’avait à aucun moment abordé la question du sida.
L’absence de cette question à l’agenda politique des relations franco-congolaises reflète la faiblesse de l’engagement de la France en matière de santé publique en RDC (budget général de 20,000$ par an).
Par ailleurs le seul projet qui était mené sur les violences sexuelles par la France s’arrête et ne sera pas renouvelé.
A plusieurs reprises Bernard Kouchner a montré sa préoccupation face à la situation des femmes au Kivu. Le 22 décembre dernier, devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, il soulignait : « en particulier les femmes font l’objet d’exactions insupportables […] cette situation catastrophique, qui perdure depuis plus de dix ans, est une honte pour le système des Nations unies, que nous représentons tous ».
Nous demandons à Bernard Kouchner qu’à l’occasion de ce déplacement, il rencontre les associations de malades du sida, et profite de ses échanges avec le président Joseph Kabila Kabange pour lui rappeler son engagement de consacrer 1,5% du budget de l’Etat à la lutte contre le sida, et 6,6% à la santé. Pour répondre à cette urgence, les bailleurs internationaux, les coopérations bilatérales, dont la France, et l’Etat congolais doivent tenir leurs engagements et démultiplier leurs efforts.