Il est certain que l’intitulé de cette conférence parle de rétrovirus, pas forcément de VIH. Est-ce pour cela que nous avons eu droit, cette année à une plénière sur un nouveau venu, le XMRV ou xenotropic murine leukemia virus-related virus ? Il s’agit d’un nouveau rétrovirus auquel on attribue la responsabilité des cancers de la prostate. Comme une immense protestation des puristes du VIH, une coupure de courant est intervenue au moment de la première présentation orale sur le même sujet. Un complot des défenseurs de l’exception sida ? Ce serait oublier un autre virus, sujet du jour, qui ne nous laisse pas indifférents depuis un bon moment déjà, bien au contraire, l’hépatite C et son virus pas rétro du tout.
Hepatite C, frapper avant d’entrer ?
L’autre plénière du matin, nous la devons à un spécialiste mondialement connu de l’hépatite C, Charles Rice. Face au piétinement des solutions thérapeutiques s’adressant aux porteurs d’hépatite, ce chercheur de l’université Rockefeller à New-York nous a gratifié d’un topo approfondi sur ce que l’on sait des mécanismes d’entrée du virus de l’hépatite C dans leurs cibles de prédilection, les cellules hépatiques. C’est que ce mécanisme fait l’objet de toutes les recherches actuelles, d’une part parce qu’il est encore très mal connu, d’autre part, parce qu’il pourrait bien servir de cible thérapeutique pour prendre le relais des antiprotéases qui peinent à déboucher efficacement. Mais si tout n’est pas connu sur ce mécanisme, c’est bien parce qu’il est particulièrement complexe. Pour faire simple, le VHC profite de l’acquisition des lipoprotéines par les cellules hépatiques pour se glisser dans la porte, en quelque sorte. Mais il existe, semble-t-il, un autre mécanisme permettant au virus de passer d’une cellule hépatique à sa voisine dès lors qu’elles sont attachées l’une à l’autre. Ce n’est donc pas un mécanisme d’entrée qu’il faut cibler, mais deux ! D’où la difficulté. Malgré cela, bon nombre d’équipes sont sur la piste de possibles thérapies mais, pour l’instant encore, dans les tubes à essais de leurs laboratoires.
Vpu, la protéine qui largue les amarres
Ce qui est toujours étonnant avec l’étude du VIH c’est qu’il a permis aux biologistes de découvrir toute une famille de mécanismes extraordinaires dont sont pourvus nous petites cellules pour bloquer les invasions virales. Et ce qui est terrible, c’est que la mise en évidence de ces mécanismes est due aux recherches sur les effets des protéines dites accessoires du VIH systématiquement capables d’enrayer l’artillerie de leur cible. Il en est ainsi d’un mécanisme découvert il y a peu dont il a été question à la dernière CROI et qui fait maintenant l’objet de nombreuses recherches. Ce mécanisme, c’est la protéine « Tetherin », du verbe to tether, attacher. Et son grain de sable, c’est Vpu. Le mécanisme est simple, tetherine est une sorte d’amarre qui attache solidement à la membrane les particules virales en train de quitter la cellule infectée qui les a produites. Si elles ne sont pas libérées, elles ne peuvent pas aller propager l’infection plus loin. Et Vpu est la protéine virale qui empêche l’expression en surface de tetherine. Sauf que Vpu est une particularité du VIH, le virus humain. Des chercheurs ont donc été voir du côté des singes qui ont aussi une tetherine pour analyser son évolution génétique ainsi que de celle des virus. Ils ont ainsi trouvé que c’est la protéine Nef qui joue ce rôle dans le virus des singes et que c’est la protéine gp41 de l’enveloppe qui en tient lieu pour VIH-2. Des renseignements utiles pour mettre au point une solution thérapeutique car il serait aisé au virus de remplacer un mécanisme par un autre en mutant.
Traversée à l’abri
Une collaboration entre plusieurs équipes universitaires américaines a débouché sur un résultat original. On sait depuis plusieurs années grâce à des travaux tant français (Institut Pasteur) qu’américains que les cellules infectées par le VIH peuvent transmettre du virus et donc infecter d’autres cellules en se mettant en contact avec elles. Les chercheurs ont testé quelle protection ce type de transmission abrité pouvait conférer au virus face aux antirétroviraux. Et là, surprise, les essais menés montrent qu’en présence d’antirétroviraux en quantité suffisante pour bloquer l’infection de nouvelles cellules par du virus libre, la transmission et donc l’infection de cellules par contact peut se poursuivre. Même si ce processus n’est pas d’une grande efficacité numéraire, cela permettrait tout de même de constituer un réservoir viral insensible aux thérapies. Mais avant cela il faut que ces travaux soient confirmés par d’autres résultats.
Entre inné et acquis
De nombreux travaux sur le rôle des lymphocytes NK dans le contrôle de la réplication virale ont été présentés dans diverses sessions. Il faut se souvenir que ces cellules de l’immunité font partie de l’immunité innée puisque leur mode de défense n’est habituellement pas le fait d’un apprentissage comme c’est le cas des lymphocytes T. En revanche, les cellules NK possèdent aussi des mécanismes de collaboration avec l’immunité acquise, en particulier avec les anticorps. L’arme des cellules NK étant la cytotoxicité, autrement dit la capacité à tuer ses cellules cibles, il s’agit alors de mécanismes immunitaires complexes où l’utilisation d’anticorps spécifiques permet aux cellules NK de détecter la corruption des cellules infectées par le VIH et de les détruire. On parle alors de cytotoxicité induite par des anticorps. Ce type d’études est surtout mené, comme d’autres recherches sur les mécanismes de l’immunité contre le VIH, dans le but de mieux maîtriser le type de réponse qu’on doit induire avec un vaccin pour obtenir une réponse efficace et durable contre le virus du sida.
Epilogue
A 18h nous avons quitté pour la dernière fois l’immense hall du Moscone Conference Center de San Francisco. Cette 17e CROI fut une conférence par bien des points surprenante et parfois dérangeante mais certainement aussi riche et passionnante qu’à son habitude.
La prochaine édition de la CROI aura lieu en 2011 à Boston, du 27 février au 3 mars. D’ici là, d’autres rendez-vous rassembleront les chercheurs : la conférence francophone à Casablanca le mois prochain et surtout le grand rendez-vous mondial de Vienne, AIDS 2010, du 18 au 23 juillet.