Nous disposons aujourd’hui, via les médias et l’informatique, d’un nombre important de sources d’information concernant la recherche clinique dans presque tous les domaines. Cet état de fait n’a pas toujours existé.
Au moment de l’apparition du VIH, année 1985, le rapport médecin-patient était sans doute un rapport de confiance, face à une maladie grave, mais la personne atteinte était totalement dépendante de la parole médicale.
Rapidement, les choses ont évolué. Les séropositifs se sont emparés de leur maladie, ils ont exigé de comprendre les traitements, d’en mesurer le poids et le temps. Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. Un rapport particulier s’est établi entre les patients (et leurs associations) et les équipes de chercheurs, avec ceux qui ont mis en place au fil du temps les essais thérapeutiques initiés par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS) en France, et les grands laboratoires pharmaceutiques. C’est ainsi que sont nées les publications régulières d’Act Up-Paris : Action, Protocoles, le 1er guide sur les essais cliniques, les Glossaires, les Guides des droits sociaux et nos RéPI qui se suivent depuis plus de 10 ans.
Cette démarche se résumait facilement : INFORMATION = POUVOIR
Participer aux premiers essais était, pour beaucoup, la certitude d’avoir un traitement, sans préjuger à l’avance de son efficacité, d’être pris en charge avec un suivi médical meilleur que le commun des patients séropositifs. Etre inclus dans un essai était, à cette époque, une chance parfois inespérée.
Une évolution s’est faite devant les contraintes des essais, les effets « indésirables » des antirétroviraux, et pour accepter toutes ces difficultés à vivre au quotidien, les personnes participant à cette recherche clinique ont eu un besoin impératif de la comprendre. C’est ainsi qu’ont été élaborées les notices ou lettres d’information et les consentements éclairés présentés, avant l’inclusion dans un essai, à toute personne, par le clinicien qui la suit. Avec le temps, ces notices ont beaucoup évolué, et leur langage est devenu plus accessible à toute population pressentie (adultes de tous pays, enfants, adolescents, parents).
Les pré-requis pour entrer dans un essai
Le contenu du consentement éclairé est devenu incontournable, en effet il comprend désormais :
– Les références et les noms des investigateurs, de l’organisme dont ils dépendent.
– Un résumé du protocole, les traitements proposés, les avantages et les risques si les médicaments sont nouveaux.
– Les contraintes de l’essai, son calendrier.
– Les droits des personnes, en particulier le droit de réfléchir avant de décider de participer à la recherche, le droit de rechercher des informations complémentaires, le droit à la confidentialité, le droit de se retirer de l’essai sans remettre en cause les soins indispensables liés à la maladie.
– Le droit d’être informé tout au long de l’essai, de sa progression, du rythme des inclusions, de toute modification du protocole, du suivi à la fin de l’essai.
– Le devenir des prélèvements biologiques, constituants des biothèques.
– Le droit, à la fin de l’essai, d’en connaître les résultats à titre personnel et pour l’ensemble des participants. Ce moment est capital, il a fallu l’attendre parfois très longtemps, des semaines, des mois, voire des années. Un investigateur doit prendre le temps d’expliquer à son patient quelles sont les réponses obtenues, quel progrès et quel espoir sont à portée du monde médical. A côté de cette information donnée directement à la fin d’un essai, nous recevons, en même temps que la communauté scientifique internationale, à l’occasion de colloques, de congrès, de parutions de journaux spécialisés, les analyses et commentaires définitifs de chaque essai mené aussi bien en Europe, aux Etats Unis que dans les pays en développement.
Quand le patient devient participant
Un bel exemple de communication de l’information au grand public se situe en 1993. Il concernait l’essai franco-britannique Concorde, réalisé sous l’égide de l’ANRS et du MRC (Clinical trials Unit). Cet essai, qui montrait que l’administration de l’AZT, seul antirétroviral disponible à l’époque, en administration précoce ou retardée, n’amenait pas de différence de survie entre les deux groupes de participants, ni d’information nouvelle sur l’efficacité de l’AZT lorsque la maladie est symptomatique. L’essai comprenait 2 groupes dont un avec AZT, l’autre avec placebo, en double aveugle. A la fin de l’essai, les personnes apprenaient n’avoir absorbé qu’une simple poudre de lactose, pendant 2 ans ! Dès qu’un traitement de référence a pu servir à l’évaluation des nouvelles molécules, les patients et leurs associations ont refusé l’existence du bras placebo dans tous les essais conçus par la suite.
A l’époque, cette annonce largement diffusée avait créé un grand découragement dans la communauté sida. D’autres essais, largement médiatisés eux aussi, comme Delta, puis l’essai ANRS 024-ACTG 076 sur la réduction de la transmission materno-fœtale, furent par contre à l’origine de grands espoirs.
Une information en perpétuelle évolution
Au fil des années, nous avons pu annoncer chaque essai, qu’il soit promu par l’industrie pharmaceutique ou par les organismes d’état (l’ANRS particulièrement), sa mise en place, puis son déroulement, parfois l’arrêt prématuré. Puis le relais essentiel des résultats vers les personnes concernées et la communauté scientifique.
Nous avons ainsi appris l’efficacité des multithérapies, la nécessité de repenser l’approche vaccinale (essai RV 144 en Thaïlande), l’abandon progressif de l’interleukine 2 ou IL-2 (SILCAAT, ESPRIT et ETOILE), l’apport capital des dosages des antirétroviraux, (les essais COPHAR), la simplification des traitements (MONOI et MONET), comment traiter la primo-infection, la co-infection VIH/hépatites, la prise en charge des maladies opportunistes, quand commencer un traitement, et enfin ne pas oublier les essais internationaux PENTA qui concernent les enfants.
Toute cette information, nous sommes aller la chercher en France et à l’étranger, en continu, auprès des organismes officiels (AFSSaPS, Inserm, etc.) et des grands laboratoires pharmaceutiques. Il a fallu la diffuser et la rendre compréhensible à tous. Aujourd’hui encore, les militants et militantes d’Act Up-Paris suivent les différentes conférences nationales et internationales pour rapporter et transmettre un savoir qui ne cesse d’évoluer. Act Up a joué un rôle capital dans ce processus d’information, seule ou au sein du TRT-5. La mission est loin d’être terminée, les pays en développement attendent, la situation économique mondiale devient dramatique. Ce fut une longue bataille, la parole et l’écrit restent nos armes.