La réduction des nouvelles contaminations reste l’enjeu majeur de la lutte contre le sida dans le monde comme en France. Cet objectif repose sur un effort accru en matière de prévention, mais aussi sur la santé des personnes séropositives, et donc sur la qualité de leur prise en charge médicale[[C’est ce qu’ont récemment réaffirmé deux chercheurs, France Lert et Gilles Pialoux, dans un rapport que leur a commandé par le ministère de la santé : « Prévention et réduction des risques dans les groupes à haut risque vis-à-vis du VIH et des IST »]]. Or, aujourd’hui, les besoins de suivi et de soins des séropositifs sont menacés par une logique économique peu soucieuse des conséquences à long terme sur la santé des personnes comme sur la santé publique. TRT-5, collectif de 10 associations de lutte contre le VIH/sida[[TRT-5 réunit des représentants de dix associations de lutte contre le VIH/sida impliquées sur les enjeux thérapeutiques et de recherche. Créé en 1992, il poursuit l’objectif de faire valoir les besoins des personnes vivant avec le VIH auprès des acteurs du système de recherche et de prise en charge médicale.]], s’inquiète des conséquences que les réformes successives du système hospitalier font peser sur la prise en charge globale et multidisciplinaire des personnes vivant avec le VIH.
Au sein de l’AP-HP, circulent depuis quelques mois des annonces persistantes, parfois démenties, souvent confirmées, de réorganisations imminentes et importantes des services prenant en charge des personnes vivant avec le VIH. Ces projets s’ajoutent à l’annonce de suppressions de 3 à 4000 postes, voire plus, d’ici à 2012. Ces mesures sont annoncées sans la moindre concertation avec les premiers concernés, les malades, mais pas non plus avec le personnel hospitalier. Elles n’offrent pas la moindre garantie de réponse aux besoins de santé des franciliens et inquiètent particulièrement l’ensemble des associations membres du TRT-5 ainsi que leurs partenaires[[Réunis au sein d’un collectif informel d’associations et de groupes de patients et de lutte contre le sida : Act Up-Paris, Actif Santé, AIDES, le Comité des Patients Citoyens (CoPaCi), Sidaction et l’UNALS.]]. La continuité de la prise en charge, nécessaire aux personnes vivant avec le VIH, risque de ne pas être assurée. Pire, les personnes concernées sont simplement oubliées et livrées à elles-mêmes.
Nous rappelons que selon les recommandations du groupe d’experts français[[Rapport du Groupe d’Experts 2008 sur la prise en charge médicale des patients infectés par le VIH, sous la direction du Pr Patrick Yeni.]], la prise en charge des personnes vivant avec le VIH doit être globale. Elle doit prendre en compte la personne dans son ensemble et s’organise au sein d’un même service avec une équipe pluridisciplinaire : médecins infectiologues, assistants sociaux, psychologues, diététiciens, sexologues, intervenants en éducation thérapeutique, infirmières… Mais la prise en charge globale s’organise aussi avec l’ensemble des services de l’hôpital. Les complications de tous ordres (osseuses, cancéreuses, cardiovasculaires, hépatiques, neurologiques…) se multiplient avec l’allongement de la vie des personnes séropositives, elles nécessitent des prises en charge médicales de pointe par des services spécialisés.
Telles qu’elles sont envisagées – concentration des patients dans des services ambulatoires surchargés, réduction drastique des capacités d’hospitalisation et des effectifs de personnels soignants – les réorganisations de l’offre de soins en Île-de-France nous semblent de nature à mettre en danger la prise en charge coordonnée des personnes séropositives. Les risques prévisibles qu’elles encourent peuvent avoir des conséquences potentiellement graves, tant au niveau individuel (nomadisme forcé, ruptures de soins) que collectif (augmentation du nombre de « perdus de vue »). La fermeture brutale et sans préavis du service de l’hôpital Saint-Joseph en 2008 nous en a fourni la démonstration[[
Voir le site du Collectif des Patients Citoyens (CoPaCi)
]].
Nous ne pouvons donc pas entendre les arguments de rentabilité sur lesquels s’appuient les restructurations annoncées, car elles seraient préjudiciables aux conditions de travail du personnel soignant et non soignant et donc à l’organisation d’une prise en charge globale, et finalement, à la qualité de vie des personnes séropositives. Elles ne sont qu’une hypothèque sur le devenir de la santé des malades et sont préjudiciables à long terme en matière de dépenses de santé et de santé publique.
C’est pourquoi TRT-5 demande :
– un moratoire sur les projets en cours ;
– la mise en place d’un calendrier de concertation permettant d’aboutir à des Etats généraux de la prise en charge du VIH en Île-de-France,s associant les autorités sanitaires nationales et locales, les personnes malades et les associations qui les représentent, et les professionnels de santé – soignants et non soignants ;
– la définition des conditions d’une prise en charge hospitalière de qualité, équitablement répartie sur le territoire régional ;
– l’élaboration d’un cahier des charges garantissant une prise en charge globale de qualité des personnes vivant avec le VIH en Ile-de-France.