Des traitements pour touTEs.
Les progrès dans l’accès aux traitements ne doivent pas faire oublier que seul un tiers des personnes séropositives bénéficie aujourd’hui d’antirétroviraux et que des efforts supplémentaires doivent impérativement être faits si l’on veut qu’aucune vie ne soit sacrifiée. Les pays en développement sont plus que jamais mobilisés et les projets de qualité soumis au Fonds mondial ne cessent d’augmenter. Il ne tient qu’aux pays riches de tenir leurs engagements et de faire le choix d’un accès au soin pour toutEs.
Or, contrairement à cette volonté affichée des pays du G8, ces états ne cessent de vouloir réduire leur engagement financier ou de multiplier les dispositions freinant et mettant en péril la production et la circulation des génériques, et l’accès aux traitements pour touTEs.
C’est d’abord le Fonds mondial, pivot dans cet accès au traitement pour les pays en développement : en vue de la conférence de reconstitution de ses fonds qui se déroule en novembre prochain à New York — et à l’occasion
duquel les pays donateurs devront s’engager sur trois ans financièrement (annoncer leur contribution pour 2011, 2012 et 2013), son conseil d’administration, qui s’est réuni le 28 avril dernier a statué sur des propositions visant à modifier les règles de fonctionnement du Fonds Mondial. Un grand nombre des pays donateurs auraient souhaité que soit plafonnée dès maintenant leur contribution pour l’année à venir. Ils ont également plaidé pour qu’une liste des pays prioritaires soit dressée, et que les pays intermédiaires, comme la Chine, ne soient plus financé. Ils ont obtenu gain de cause. Afin d’obtenir le vote des pays en développement, ils ont menacé de reporter le lancement du Round 10, ce qui aurait été dramatique pour des pays qui ont un besoin urgent de voir l’un de leurs programmes financé (comme le Cameroun, la RDC, le Burkina Faso par exemple).
Chacune de ces remises en cause financière met en péril la poursuite de programmes en cours et suspend l’avenir sanitaire des pays présentant leurs projets. C’est à la mobilisation des associations et activistes de lutte contre le sida que l’on doit d’avoir obtenu de la France qu’elle se positionne contre le plafonnement des contributions et du Conseil d’administration qu’elle ne s’oppose pas au lancement du Round 10. Rappelons qu’aucune nécessité économique ne contraint les états donateurs à un désengagement financier ; pour le financement de l’année dernière, seulement 0,2% du plan de sauvetage bancaire du G8 aurait suffi à permettre à l’ensemble des projets d’être financés. L’accès au traitement pour touTEs est bien une affaire de choix politique. Mais les pays donateurs ont clairement exprimé leur volonté de remettre en question le fonctionnement du Fonds Mondial, qui a été basé, depuis sa création, sur le principe de financer tous les demandes ambitieuses et de qualité qui se
présentaient à elle, et non de rationner ses financements et de dresser une liste des pays prioritaires par rapport aux autres.
Qu’adviendra-t-il des pays jugés “moins prioritaires” si dans dix ans, en l’absence de financement de programmes de prévention par le Fonds Mondial, la prévalence à VIH a triplé ? Retarder l’accès aux traitements aujourd’hui ne coûtera pas moins cher aux pays développé dans quelques années.
Aussi, visant à privilégier les profits de ses laboratoires, ce sont ensuite l’ensemble des accords de libre-échange bilatéraux (FTA, Free Trade Agreement) négociés par les pays riches avec les états producteurs de génériques ou dépendants des génériques pour leurs malades qui compromettent gravement l’accès aux traitements. Les Etats-Unis ont
été les pionniers en la matière, en signant un certain nombre d’accords avec les pays d’Amérique centrale, Asie du sud-est. Aujourd’hui, et depuis quelques années, c’est au tour de l’Union Européenne de négocier des accords, notamment avec l’Inde.
– Les accords négociés actuellement entre la commission européenne et le gouvernement indien, qui visent à augmenter les standards de propriété intellectuelle, la saisie de génériques au frontière, en encourageant les
douanes à saisir des médicaments, vont freiner radicalement la production de génériques, en particulier sur les nouvelles molécules. Cela constitue une véritable bombe à retardement pour tous les malades qui seront en échappement thérapeutique, et une façon de priver les malades des pays pauvres de traitements moins nocifs.
– Enfin, ce renforcement des normes en matière de propriété intellectuelle et de pouvoir donné aux douanes, comme dans les accords ACTA, compromet fortement la circulation des génériques et donc le bon fonctionnement de tous les programmes d’accès au soin. En jouant volontairement sur un amalgame entre médicaments génériques et contrefaçon, ils suppriment la présomption d’innocence aux douanes et autorisent les saisies aux frontières. C’est ainsi que des stocks entiers de médicaments financés par UNITAID en provenance d’Inde et à destination de pays d’Afrique et Amérique latine, ont été mis sous séquestre par les douanes avant toute vérification et sur simple suspicion de contrefaçon. Ces médicaments pourront, à terme, être renvoyés au pays producteur aux frais de celui-ci.
L’accès aux traitements des pays en développement est aujourd’hui gravement et directement mis en péril par les décisions des pays riches : par leur désengagement financier, et par les mesures de protection des profits de son industrie pharmaceutique, les pays riches doivent assumer d’engager leur responsabilité quant à la vie de millions de personnes.