Sous la pression du parlement européen et de la société civile, la commission européenne (CE) a rendu public hier, mercredi 21 avril 2010, les documents de travail des accords sur la contrefaçon (ACTA). On peut se féliciter que les négociateurs du traité fassent enfin preuve d’un minimum de transparence en communiquant enfin ces textes. Cependant, leur contenu confirme clairement que nos inquiétudes, quant aux conséquences de ce traité sur l’accès aux médicaments génériques dans les pays en développement, sont belles et bien fondées.
Depuis 2008, le traité ACTA est négocié dans la plus grande opacité par les pays industrialisés et quelques pays en développement [[La France et les autres pays membres de l’Union Européenne, la Commission Européenne, les Etats Unis, le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, Singapour, le Mexique et le Maroc.]]. Le 10 mars dernier, le parlement européen votait une résolution à une écrasante majorité appelant la commission européenne à faire preuve de transparence sur ACTA, envoyant ainsi un message clair quant à l’absence de démocratie autour de ce traité depuis le début des négociations.
Si les textes n’ont été rendus public qu’hier, des fuites de documents officiels attestaient déjà du fait que ce traité aurait, s’il est signé, des conséquences désastreuses sur l’accès aux traitements génériques dans les pays en développement.
En effet, sous couvert de lutter contre la contrefaçon, le traité propose aux futurs pays signataires de systématiser les saisies aux frontières de marchandises « violant le droit des brevets ». Ainsi, une cargaison de médicaments génériques en provenance d’Inde et à destination d’un pays d’Afrique, en transit dans un pays européen où le médicament est breveté (contrairement aux pays exportateur et importateur) pourrait être retenu à la frontière et détruite. Des mesures sensées permettre de « prévenir » la contrefaçon viseraient même à ce que les pays signataires d’ACTA mettent en place un certain nombre de sanctions « dissuasives » en cas de transgression du droit des brevets (par exemple : destruction de stocks, renvois de stock aux génériqueurs à leurs frais, calcul du « manque à gagner » pour les détenteurs du brevet, et poursuites judiciaires). Par ces sanctions « dissuasives » et la disparition de la présomption d’innocence, la production de génériques se verrait fortement entravée.
De plus, le chapitre 5 du traité (Institutional arrangements) révèle que ACTA serait doté d’un comité de direction et de surveillance. Ce comité aurait notamment pour mission d’appuyer les instances internationales et de plaider pour le renforcement des standards de propriété intellectuelle. Cela pose une fois de plus la question de la position d’ACTA par rapport aux instances internationales déjà existantes comme l’OMC (Organisation mondiale du commerce), l’OMD (Organisation mondiale des douanes) et surtout de l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle).
La lutte contre les médicaments de mauvaise qualité n’a rien à voir avec la propriété intellectuelle. La meilleure façon de lutter contre le problème de mauvaise qualité, c’est de permettre l’accès universel aux traitements (notamment en développant l’usage des génériques) et d’aider aux renforcements des moyens des autorités sanitaires dans les pays.
L’utilisation par les détenteurs de droits de propriété intellectuelle de ce prétexte pour servir leur agenda politique est honteuse.
Act Up-Paris exige de la commission européenne et de la France : qu’elles renoncent immédiatement à ce nouveau traité criminel qui entravera encore plus l’accès aux médicaments à bas prix, à l’heure où les mécanismes multilatéraux de financements ne peuvent plus faire face aux besoins des pays en développement dans leur lutte pour juguler les trois pandémies les plus meurtrières, le sida, la tuberculose et le paludisme.