Les traitements antirétroviraux (ARV) ont révolutionné la vie des malades atteints du sida. Mais ces nouveaux traitements s’accompagnent de nombreux effets secondaires (nausées, diarrhées, vomissements, douleurs musculaires), qui rendent leurs vies difficiles. L’une des réponses qu’ont trouvées les malades pour soulager ces maux est l’usage du cannabis. Aujourd’hui, cependant, ce traitement est inaccessible en France. En niant l’efficacité de cette thérapeutique, les instances médicales et politiques refusent aux malades l’amélioration de leur confort de vie.
Les arguments des détracteurs du cannabis thérapeutique, l’Académie de médecine au premier chef, sont dépassés et archaïques. Ils dénoncent la variabilité des espèces de marijuana qui ne permet pas d’obtenir une concentration fixe en THC (molécule active du cannabis), et donc de connaître la dose thérapeutique. Ils réfutent ses effets pharmacologiques, les qualifiant d’une intensité modeste et assortie de nombreux effets secondaires. Ces propos sont dénués de sens, a fortiori lorsqu’ils se doublent du discours selon lequel le cannabis pourrait conduire à d’autres drogues, théorie réfutée par l’ensemble de professionnels de l’addictologie. En effet, de nombreuses études internationales ont maintes fois prouvé l’efficacité pharmacologique du cannabis pour différentes pathologies (VIH, épilepsie, sclérose en plaques, glaucome, douleurs, vomissements, etc.). L’étude de Jong et coll., en 2005, par exemple, a démontré que les patients sous ARV consommateurs de cannabis avaient moins de nausées et surtout respectaient mieux l’observance de leur traitement. Quand on connaît les dégâts sur la santé des malades que peuvent engendrer les ruptures de traitement, ce seul argument devrait suffire à rendre accessible l’usage du cannabis thérapeutique.
Des pays tels les Pays-Bas, l’Allemagne, Israël, le Canada ou encore 13 États des États-Unis ont mis sur pied un système de distribution contrôlée du cannabis permettant son usage thérapeutique. Ce dispositif permet d’assurer un dosage constant en THC. Il ouvre également la voie à la recherche sur une forme alternative de consommation de THC, pour éviter l’inhalation, source de cancers.
Mais en France, l’ignorance des décideurs et surtout leur idéologie prennent le pas sur un débat dépassionné et étayé. Ce faisant, c’est la vie des malades qui est mise en danger. À l’heure actuelle, les malades pour qui les traitements plus conventionnels ne fonctionnent pas sont obligés d’aller chercher dans la rue la solution thérapeutique à laquelle ils ont droit et que leur état de santé nécessite, au risque de s’y faire agresser, voler, manipuler. Outre que cet état de fait entretient le trafic et le commerce parallèle, il met les malades dans une situation de plus grande fragilité économique et sociale. Ils sont appréhendés, fouillés, incarcérés, jugés et souvent condamnés au détriment de leur vie professionnelle et sociale, au détriment de leur santé.
Nous, malades, nous n’avons pas choisi les effets secondaires de nos traitements, ni l’inefficacité des traitements autres que le cannabis. L’usage du THC à visée thérapeutique constitue indéniablement une réponse et nous exigeons de pouvoir en bénéficier. Que les décideurs tirent les leçons du passé. La morale et l’ignorance ont freiné pendant des années l’accès aux morphiniques dans la pharmacopée, ainsi que la distribution de seringues pour limiter les contaminations par le sida. Aujourd’hui, les mêmes freins bloquent l’usage du cannabis à visée thérapeutique.
Il est grand temps qu’en France également, les malades aient accès au cannabis à visée thérapeutique. Act Up-Paris en a fait une de ses priorités.