Lundi a eu lieu une session intitulée « Changer les lois discriminatoires de votre pays : comment mener un plaidoyer à l’échelle nationale pour l’abolition des restrictions de voyage et de séjour pour les personnes séropositives » qui a regroupé plaideurs, experts et activistes pour mener un état des lieux des législations en place mais également pour échanger autour des campagnes récentes.
Aujourd’hui encore, dans 64 pays, des législations limitent l’entrée et le séjour des personnes séropositives, certains, comme Singapour refusant toute délivrance de visa, d’autres à l’image de la Russie allant jusqu’à expulser de façon systématique les personnes séropositives.
Pourtant depuis 1987, l’Organisation Mondiale de la Santé a reconnu que ces restrictions n’étaient justifiées par aucun principe de santé publique et ne contribuait en rien à enrayer l’épidémie. Pire, ces législations, uniquement fondées sur des préjugés discriminatoires, renforcent la stigmatisation des séropositifs. Elles constituent un obstacle à la continuité des traitements – les personnes étant réduites à ne pas emporter leurs médicaments pour pouvoir voyager vers ces pays ou à ne pas se traiter sur place de peur d’être expulsées.
Depuis quelques années, grâce à des actions conjointes sur le plan international et national, les activistes peuvent se réjouir d’avancées majeures.
En Namibie, comme nous l’a raconté Michaela Clayton d’Arasa (Aids and rights Alliance for Southern Africa), les militants de la lutte contre le sida ont profité d’une conjoncture politique favorable pour exiger l’abrogation de la loi, une campagne intense de quelques mois a pu suffire. En revanche, Nancy Ordover du Global Health Council a rappelé qu’aux Etats-Unis, les organisations de lutte contre le sida et de défense des migrants, regroupées dans une coalition derrière le slogan « remove the ban ! » (Abrogez la loi !), ont mené un combat qui a duré plus de dix ans. Finalement le 4 janvier dernier, Barack Obama a annoncé que toutes les restrictions de voyage étaient abolies, ce qui constitue une victoire majeure pour le respect des droits humains des personnes séropositives. Notons également que la Chine a annoncé une mesure similaire en avril dernier.
Ces décisions prises par des pays emblématiques sont de nature à entraîner un mouvement global. Le travail de plaidoyer des associations peut se réclamer des recommandations internationales en matière des droits humains mais pour convaincre les responsables politiques, il peut également s’appuyer sur des arguments pragmatiques – la situation de la majorité des pays montre l’absence de législation restrictive n’a aucun effet néfaste sur l’évolution de l’épidémie – et financiers – le retard aux soins qu’entraînent ces lois est souvent très coûteux pour les systèmes de santé.
Cette session aura également donné la démonstration que la question des restrictions de voyage doit s’inscrire dans un combat plus global pour la défense des droits des migrants séropositifs. Ainsi la possibilité voyager librement pour les personnes séropositives n’est qu’une facette d’un droit plus large à circuler et à immigrer sans avoir à subir de mesures administratives liées à son statut sérologique et en préservant l’accès au dépistage et au traitement.
Cette lutte devrait prendre une importance croissante dans les deux prochaines années en prévision de la prochaine conférence internationale qui aura lieu à Washington, sa localisation étant à elle seule une célébration des combats gagnés dans les dernières années.