RéuniEs à la Haye en mars 2010, les membres du Ca du Fonds Mondial, ses expertEs, ainsi que des spécialistes de l’OMS ont planché sur trois scénarii dans la perspective de la reconstitution des fonds du Fonds Mondial, prévue les 4 et 5 octobre à New York.
Tous les trois ans, se réunissent les principaLESux donateurRICEs pour annoncer leur contribution pour les trois prochaines années au premier bailleur international de traitements. Les principaux contributeurs au Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme sont les pays riches. Le secteur privé ne contribue qu’à moins de 5 %. Depuis sa création, il y a un peu moins de dix ans, le Fonds Mondial a permis de mettre sous traitements plus de 5 millions de personnes malades du sida. Ce mécanisme a fait ses preuves, et a largement prouvé que l’accès aux traitements dans les pays du Sud était possible.
Le 1er scénario à 13 milliards de dollars ne permettrait pas de mettre beaucoup plus de malades sous traitements. Il suffirait à peine à couvrir le coût de la continuité de traitements pour les malades qui sont déjà soignéEs. Le 2ème scénario 2, à 17 milliards, permettrait une légère augmentation des mises sous traitements, mais qui resterait insuffisante. Seul le 3ème scénario à 20 milliards, permettrait à la fois une augmentation des mises sous traitements, et l’application des nouvelles recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui préconisent de traiter plus tôt (avant de passer sous la barre des 300 CD4 et non plus en-dessous de 200) et d’éliminer des combinaisons les molécules les plus toxiques (stavudine, notamment).
Or, les indications fournies aujourd’hui par le Fonds Mondial laissent percevoir, à moins de deux semaines de la reconstitution, qu’il ne sera pas possible de réaliser le 3ème scénario. En effet, cela équivaudrait à ce que tous les pays doublent leur contribution. Lors de la reconstitution du Fonds à Berlin en 2007, les pays riches avaient ensemble annoncé pour la période 2008-2010, une contribution au Fonds Mondial à hauteur de 10 milliards de dollars. Une somme qui s’est d’ailleurs révélée insuffisante. Des coupes ont dû être opérées lors des réunions des Conseils d’administration à New Delhi (novembre 2008) et à Addis Abeba (novembre 2009). Il en sera probablement de même à Sofia (en décembre 2010).
La France a annoncé une très légère augmentation, de façon à dépasser la barre psychologique du milliard d’euros sur trois ans. L’Allemagne envisage de ne plus financer le Fonds Mondial à partir de l’année prochaine. De nombreux pays menacent de réduire leur participation, et à l’heure actuelle, aucun n’a annoncé qu’il doublait sa contribution.
Le Fonds Mondial est en pleine négociation avec les pays riches, on le sait. C’est la raison invoquée pour justifier le probable échec de la reconstitution. Il est pourtant essentiel que Michel Kazatchkine utilise son accès aux médias pour dénoncer les graves risques d’un sous-financement. Mais il semblerait que M. Kazatchkine soit déjà en campagne pour sa réélection à la tête du Fonds Mondial en juin prochain.
La reconstitution du Fonds Mondial cette année va marquer l’histoire de la lutte contre le sida. Pour la première fois depuis la création du Fonds, les pays riches vont sans doute faire le choix de laisser mourir des millions de personnes en toute connaissance de cause, plutôt que de financer le Fonds Mondial à hauteur décente. La France va débloquer en six ans pour les trois grandes pandémies réunies qui font 15 000 mortEs par jour ce qu’elle a débloqué en quelques mois pour une potentielle pandémie de grippe A. Tout cela prouve bien que pour la France, il y a une hiérarchie entre la vie de millions d’africainNEs, sud-américainNEs et asiatiques, et de françaisES. Cela prouve également que la lutte contre le sida est toujours bel et bien une question de volonté politique.