Paris, lundi 13 septembre 2010 – Les représentants d’Act Up Paris, April et La Quadrature du Net ont rencontré vendredi 10 septembre matin un responsable français des négociations de l’ACTA.
Il en ressort de graves inquiétudes sur un contournement durable du processus démocratique instauré par cet accord « anti-contrefaçon ». Qu’il s’agisse de l’accès aux médicaments des pays les plus pauvres, de la libre communication sur Internet et de la protection du logiciel libre, les modifications récentes ne changent rien à la dangerosité de l’ACTA. Ironiquement, l’espoir de voir rejeter cet accord illégitime est désormais suspendu à la capacité de l’Europe à défendre son camembert, son parmesan et son champagne…
Alors que les négociations de l’ACTA semblent toucher à leur fin, notre rencontre à Bercy avec Jean-Philippe Müller[[De la Direction du Trésor, en charge de l’ACTA pour Bercy avec Patrice Guyot]] renforce notre opposition totale à l’accord, tant sur le fond que sur la forme.
Sur la forme, il est alarmant de constater que les articles 5 et 6 — finalisés contrairement à la majeure partie du texte ––— prévoient la création d’un « comité ACTA » qui pourra proposer des amendements modifiant le texte de l’accord après sa signature sous réserve de leur acceptation ultérieure par les parties. Un tel procédé pourrait revenir à créer un processus législatif parallèle, contournant l’opinion publique et la démocratie.
Sur le fond, des modifications du texte semblent avoir été apportées dans le but de rassurer l’opinion publique, enlevant notamment toute mention aux brevets de la partie sur les mesures aux frontières[[Section 2]] et la responsabilité des intermédiaires techniques du chapitre Internet[[Article 2.18]]. En pratique, des sanctions civiles et pénales visant les intermédiaires font toujours peser une insécurité juridique majeure sur les opérateurs et utilisateurs d’Internet et sur les producteurs de médicaments génériques. Les auteurs et utilisateurs de logiciels libres sont quant à eux plus que jamais menacés par de nouvelles dispositions sanctuarisant les menottes numériques[[Article 2.18.5]] [[Plus d’information sur le site de l’April ]].
Ironiquement, le sort de l’ACTA semble désormais suspendu au principal point de dissension entre les USA et l’UE, question ô combien politique de la définition du périmètre de l’accord. L’Europe semble insister pour que les indications géographiques – Appellations d’Origine Contrôlée concernant notamment camembert, parmesan et champagne – soient protégées par l’ACTA, alors que les USA s’y opposent catégoriquement. Jean-Philippe Müller, s’appuyant sur les propos du Commissaire De Gucht[[‘Another area where discussions are disappointing for EU interests relates to which intellectual property rights will be covered by the agreement. The EU has a wide and diversified basis of right-holders. A farmer producing products with geographical indications, or a textile company creating designs, are also victims of counterfeiting and also need to be covered by better enforcement rules. The problem is that several of our partners insist that only copyright and trademarks ‘deserve’ to be included in ACTA. We strongly disagree and will continue to firmly push for these offensive EU interests to be respected. […] However, if at the end of the process the EU is faced with a Treaty without much concrete added value for our right holders, or with a Treaty trying to establish that there are 1st and 2nd category intellectual property rights, we should be ready to re-consider our participation in the agreement’ Voir le procès-verbal de son intervention ]], a ainsi indiqué que si les Européens n’obtenaient pas gain de cause sur ce point, ils pourraient quitter la table des négociations.
Il semble que la défense par l’Europe du camembert normand soit aujourd’hui le meilleur moyen de garantir que nos libertés ne soient pas injustement remises en cause par cet accord illégitime.