L’infection par le VIH se traduit par un risque accru de développer certains cancers, tout particulièrement des lymphomes. Des travaux récents pointent vers une meilleure compréhension des mécanismes sous-jacents où les macrophages joueraient un rôle-clé. Un pas en avant pour développer un outil diagnostique, voire un traitement ?
Opportuniste or not opportuniste
Les lymphomes regroupent différentes pathologies dont la maladie de Hodgkin et ceux dits non hodgkiniens. Avec le sarcome de Kaposi et le cancer du col de l’utérus, les lymphomes non hodgkiniens restent des cancers classant sida, c’est-à-dire qu’ils signent l’évolution de l’infection par le VIH vers le stade sida. Par contre, la maladie de Hodgkin n’est pas une manifestation du sida, mais peut affecter aussi les personnes séropositives. De façon générale, on parle de lymphome lié au sida quand un lymphome se développe lorsque le stade sida de l’infection est atteint. Dans ce contexte, ce lymphome est beaucoup plus agressif et de moins bon pronostic que dans la population non infectée par le VIH.
Par des chemins de traverse
Malgré une diminution du nombre de cas grâce aux traitements antirétroviraux, ces derniers n’ont pas réussi à juguler l’apparition des lymphomes non hodgkiniens et le risque de développer un tel cancer en cas de séropositivité est à peu près 60 fois plus élevé qu’en absence d’infection par le VIH. L’origine de ces lymphomes agressifs est principalement le lymphocyte de type B (Cellules productrices d’anticorps associées à l’immunité dite humorale, par rapport aux lymphocytes T responsables de l’immunité cellulaire.) et le virus n’a pas été retrouvé dans les cellules cancéreuses correspondantes, ce qui suggère un mécanisme indirect de promotion de ces tumeurs par le VIH.
Pistes nouvelles
Des travaux récemment publiés ou présentés à la dernière conférence annuelle de l’association américaine de recherche sur le cancer révèlent des pistes qui pourraient à terme déboucher sur une nouvelle approche pour traiter ces tumeurs liées au VIH ou, à défaut, pour les dépister suffisamment tôt. Ces pistes concernent les macrophages et les molécules effectrices qu’ils produisent.
Une cible qui revient au centre
Brièvement, les chercheurs ont découvert ces dernières années que ce sont les macrophages infectés par le VIH qui seraient la clef. Les macrophages se retrouvent très souvent dans les masses tumorales, quel que soit le type de tumeur. Comme les lymphocytes T CD4, les macrophages sont capables d’être infectés par le VIH, avec cette particularité d’être plus résistants au VIH. Ils constituent aussi un réservoir peu sensible aux traitements antirétroviraux. De plus, le VIH est produit continûment par les macrophages avec pour conséquence un effet sur la production d’effecteurs par ces cellules. Parmi ceux-ci, des molécules sécrétées assurent le recrutement d’autres cellules liées à l’inflammation, ce qui peut favoriser le développement tumoral. La situation ressemblerait à ce qui se passe dans la démence associée au VIH où les macrophages infectés qui ont infiltré le cerveau agissent localement par la production d’effecteurs divers exacerbée par le virus. Dans ce dernier cas, le résultat est la destruction de neurones et non la multiplication d’une population cellulaire comme dans le cas des lymphomes.
La voie du sang
Plus précisément, quels sont ces effecteurs ? Les travaux les plus récents pointent vers des cytokines[[Molécules protéiques solubles produites en réponse à un signal activateur et assurant la communication entre les différentes cellules de l’organisme (stimulation ou inhibition des phénomènes immunitaires par exemple).]] particulières comme les interleukines 6 et 10, cette dernière pouvant stimuler directement les lymphocytes B, mais aussi des facteurs de croissance comme celui dérivé de l’endothélium vasculaire, le VEGF qui est capable de favoriser indirectement la croissance tumorale en permettant l’irrigation de la masse cancéreuse par des vaisseaux sanguins. Plusieurs travaux révèlent aussi une présence élevée de ces effecteurs dans la circulation sanguine deux ans ou plus avant le diagnostic de lymphome lié au sida.
Science fiction ?
A-t-on ainsi trouvé un ou des marqueurs précoces de développement de ce type de cancer ? Si tel est le cas, les chercheurs n’hésitent pas à proposer que ceux-ci soient investigués en même temps que le suivi classique (nombre de CD4, etc.) sous traitement antirétroviral. Il « suffirait » de changer le traitement antirétroviral pour arriver à une formule de marqueurs normale. Evidemment, nous n’en sommes pas là aujourd’hui, mais ces pistes intéressantes vont certainement déboucher sur la mise en place de protocoles d’essais cliniques visant à évaluer leur pertinence. Côté traitement, il faudra aussi être patient : si l’on arrive à diminuer le réservoir des macrophages, il sera peut-être alors possible de réduire l’apparition des lymphomes, mais un tel traitement reste encore à trouver.