Cet essai mené au Centre Hépato-Billiaire de l’Hôpital Paul Brousse visait à démontrer la faisabilité de la transplantation hépatique chez des personnes co-infectées VIH-VHC.
Essai ANRS CO0 08
Les différents objectifs étaient d’étudier la survie à un an et à deux ans après la transplantation hépatique, les interactions entre le VHC et le VIH, l’influence du VIH sur la récidive virale C, d’analyser le problème d’interactions médicamenteuses entre les immunosuppresseurs et les antirétroviraux, notamment les anti-protéases, d’étudier le statut immunologique des participants (analyse du déficit immunitaire et de l’immunité antivirale) et enfin d’étudier le suivi psychologique et la qualité de vie de ces personnes. 15 personnes y ont participé et ont été suivies pendant 24 mois.
C’était à la fois une étude de faisabilité chez ces personnes, et également une étude virologique, pharmacologique et clinique mise en place dans le cadre de la loi Huriet. L’équipe du Pr. Samuel avait démarré les greffes, et 7 personnes en avaient déjà bénéficié avant l’essai Thevic. Depuis, l’équipe a transplanté une cinquantaine de personnes co-infectées VIH-VHC, et une dizaine de personnes VIH-VHB.
Résultats
Au niveau de la co-infection VIH-VHB, les résultats sont excellents. Des protocoles de prophylaxie de la réinfection virale B ont été mis en place et sont extrêmement efficaces, avec des molécules telles que le ténofovir et la lamivudine, et des immunoglobulines anti-hépatite B qui permettent d’éviter la réinfection virale B. Résultat : toutes les personnes VIH-VHB qui ont été greffées, sont toutes vivantes. C’est très positif.
Concernant la co-infection avec le VHC, c’est plus dur. Les bonnes nouvelles après la greffe concernent l’absence de progression de la maladie due au VIH. Les CD4 sont stables, voire montent. Il n’a pas d’échappement virologique particulier. Il y a eu un cas de maladie opportuniste sur 5 ans, qui a bien été contrôlé. Par contre, deux problèmes peuvent survenir : d’une part la réinfection du greffon par l’hépatite C, dans ce cas elle est plus rapide et parfois plus sévère que chez les personnes mono-infectées ; d’autre part, chez les personnes sous AZT, ddI, voire d4T, des interférences très importantes dans le foie sont apparues, entre le virus et les antirétroviraux, aboutissant parfois à des stéatoses (Présence de graisse dans le foie, voir Protocoles 61 de mai 2010) et des hépatites qui progressaient plus vite.
Suite à ces résultats, l’équipe de Paul Brousse a donc éliminé ces molécules, et a décidé de changer les traitements antirétroviraux pour éviter de retrouver de la graisse dans le foie. Le point noir concerne donc ces hépatites qui, chez certaines personnes, sont plus sévères que ce qui était à craindre. Plus de malades ont donc été traités avec la bithérapie interféron + ribavirine, mais il y a eu des décès et les résultats de survie sont inférieurs à ceux obtenus avec des personnes mono-infectées : 70 % à 3 ans. Les mono-infectées peuvent bénéficier de stratégies de traitements antirétroviraux plus agressives. Il faut encore attendre que les gens récupèrent de la greffe, et ensuite il faut discuter de l’opportunité de suivre un traitement anti-VHC. Ce n’est pas facile car cela s’ajoute aux traitements VIH, aux immunosuppresseurs, etc. cela fait beaucoup de médicaments. En règle général, la greffe pour personnes co-infectées est plus lourde, et il faut bien en être conscient avant. Il y a eu des erreurs au début, mais sur la question des antirétroviraux, cela s’est amélioré, on détecte mieux les récidives hépatite C.
Perspectives
Il est vrai qu’il n’y a pas encore de recul sur les thérapies futures, mais si on obtient des résultats favorables sur les essais de phase III[[Ces molécules sont aujourd’hui en passe d’obtenir une AMM pour l’indication de mono-infection, car une fois de plus les personnes co-infectées ont été exclues des essais.]], ce seront des molécules particulièrement importantes pour ces personnes, surtout après la greffe. Et on aura de toute façon des bi ou trithérapies avec de l’interféron, et si ces nouvelles molécules sont capables de baisser la charge virale de 3 ou 4 log, on pourra mieux contrôler la récidive virale C et s’attendre à un vrai progrès. Dans Thevic, deux participants ont été traités avant la greffe et sont arrivés négatifs à la transplantation. Ils n’ont pas récidivé après.