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Décembre 2010, les efforts réalisés dans les pays pauvres sont menacés par l’absence totale de vision politique des pays riches. Pour les malades, il ne reste plus qu’une solution : agir ou mourir.

2010 l’année de toutes les trahisons

2010 devait être l’année de l’accès universel aux traitements. Les pays riches s’y étaient engagés lors du sommet du G8 de 2005. Mais ils n’ont pas tenus leurs promesses.

La France, saluée pour l’augmentation de sa contribution en octobre à New York n’a pourtant pas de quoi être fière. Si Nicolas Sarkozy avait décidé de doubler la contribution française au Fonds Mondial pour les trois prochaines années, il aurait envoyé un message fort. Au lieu de cela, il a annoncé, une bien maigre augmentation de 20%, dont une partie irait aux programmes bilatéraux français. Mais il n’a cessé de le répéter, « ce n’est pas possible », « les caisses sont vides », « on fait déjà un effort immense ». Pourtant, lorsque le pays a débloqué deux milliards pour financer un plan grippe A en 2009, cela n’a pas posé de problème à la France. Les 90 millions de doses de vaccins pour 60 millions de français (!) ont été acheté sur le champ à Sanofi-Aventis. 2 milliards, c’est ce que les associations demandaient au gouvernement pour financer la lutte contre trois pandémies qui font 15000 morts par jours pour les trois prochaines années. La conférence de reconstitution des fonds du Fonds Mondial qui s’est déroulée à New York en octobre dernier a ainsi été bien triste. Sur les 20 milliards nécessaires pour continuer les mises sous traitements et pour appliquer les nouvelles recommandations de l’OMS (notamment, éliminer la stavudine et la triomune des molécules prescrites dans les pays en développement faute de moyens), seuls 10 milliards ont été perçus.

Comment va-t-il être possible de continuer les mises sous traitements, alors que des millions de personnes vont entrer en résistances aux traitements de premières lignes dans les mois qui viennent et qu’elles vont avoir besoin de molécules en moyenne dix fois plus chers ? La logique voudrait que les pays riches en pleine crise économique et financière cherchent activement des moyens de compenser le manque de financements. Mais il n’en est rien. La France a même choisi le chemin diamétralement opposé en négociant avec l’Europe des accords de libres échanges avec l’Inde, premier producteur de génériques au monde, en négociant les accords ACTA qui risquent d’entraver la production de génériques et en cherchant par tous les moyens à nuire à UNITAID, toujours perçue par l’Elysée de Sarkozy comme étant l’initiative du président Chirac et enfin en soutenant à tout prix à plaire à l’industrie pharmaceutique de marque, dont les monopoles rendent l’accès aux traitements impossible pour des miliions de personnes.

2010 fut l’année de toutes les contradictions de Nicolas Sarkozy. Il restera dans la mémoire des malades du sida comme le président de toutes les trahisons.

BIG pharma ne connait pas la crise

Evidemment, comme à chaque fois que les laboratoires bottent en touche sur les prix qu’ils imposent, tous les moyens sont bons pour se justifier : « Nous investissons dans la recherche et le développement » déclarent-ils en choeur. Oui, mais ce n’est pas si simple.

A en croire leurs rapports financiers annuels, les investissements globaux en matière de recherche et développement ne représentent qu’une infime part de ce que les ventes rapportent aux firmes. Des centaines de millions de leurs budgets sont consacrés au « marketing et communication » et au lobbying. Et même en prenant cela en compte, il reste toujours des milliards de dollars de chiffres d’affaires pour les actionnaires.

« Nous aussi nous sommes touchés par la crise » disent-ils souvent. Pourtant c’est faux, la crise de 2008 n’a pas affectée le secteur pharmaceutique. Si les gens peuvent se passer de l’achat d’une voiture ou d’une montre, ils ne peuvent se passer de l’achat de médicaments. C’est ainsi qu’en 2009, Sanofi-Aventis est devenue la première entreprise française en bénéfices net devant l’industrie du pétrole (Total). Le laboratoire Novartis a d’ailleurs permis à l’industrie suisse de n’être que peu affectée par crise financière.

Un autre argument est souvent utilisé par l’industrie : « les génériques sont de moins bonne qualité » ; faux : le Fonds Mondial et UNITAID n’achètent que des médicaments « préqualifiés » par l’OMS, c’est-à-dire à même bioéquivalence que les médicaments de marque. Sauf que, les médicaments génériques coûtent dix fois moins cher que ceux des grandes firmes.

« Vous savez, les génériqueurs indiens ne sont pas des philanthropes ». Nous n’avons jamais dit le contraire. Mais dans notre liste des profiteurs du sida, ils viennent en second plan, car leurs productions et leur concurrence a souvent permis des baisses de prix drastiques, qui a sauvé des millions de personnes de la mort — seule option laissée par l’industrie pharmaceutique de marque.

226 pays, 2 monopoles

« Le suivi biologique, c’est quoi ? C’est 3-4 paramètres de biochimie » un représentant de Roche lors d’une réunion avec Act Up.

L’accès aux examens de suivi biologique est aujourd’hui un des enjeux majeurs pour les personnes vivant avec le VIH dans le monde. Même dans des pays où le nombre de personnes sous traitements par rapport à celles qui en ont besoin est très important, comme c’est par exemple le cas au Sénégal où 80% des personnes ont accès aux ARV, l’accès aux examens de diagnostics et de suivi (CD4, charge virale, etc.) reste compliqué et souvent aux frais du malade.

Et même lorsque les antirétroviraux sont gratuits, il n’est possible de commencer le traitement qu’après un test de charge virale. Ne pas permettre l’accès à ces examens pose donc de véritables problèmes. Surtout dans des pays comme la République démocratique du Congo (RDC) où le revenu quotidien moyen est de moins de $1 par personne.

Quand on a un monopole, pas besoin d’être humain
La raison de cette inaccessibilité est simple. Deux laboratoires pharmaceutiques conservent un monopole sur les réactifs nécessaires au suivi biologique, ce qui leur permet d’imposer les prix qu’ils souhaitent. Et, après de nombreuses années de monopoles, ni Roche ni Abbott n’ont su baisser ses prix. Aujourd’hui, un test de charge viral coûte au moins 17€ par personne.

Mais Roche (24 milliards de FCH de ventes en 2009) prétend que le secteur des diagnostics dont il est le leader mondial ne lui rapporte pas suffisamment. En Afrique centrale et de l’ouest, cela « ne rapporte que 8 millions d’euros ». La multinationale suisse se défend de la manière suivante : « nous sommes déjà bien généreux de donner des machines à charge virale gratuitement aux pays ». Lorsque les activistes rétorquent à Roche que les machines qu’ils donnent sont bloquées et n’acceptent que leurs réactifs, Roche répond : « il y a un prix à payer, c’est comme un prêt à un ami. On offre la machine, et il nous rembourse petit à petit, c’est pas tout à fait gratuit ».

Comme dans tout bon monopole, c’est le détenteur de celui-ci qui fixe les règles du jeu. Ainsi, Roche n’est pas intéressé par tous les pays. Lorsqu’on lui demande si la firme compte donner des machines à des laboratoires de RDC, son représentant répond : « Si on veut que Roche aille en RDC, il faut qu’il y ait un prix à payer ». Autrement dit, si les malades congolais ne peuvent pas payer, cela ne les intéresse pas.

UNITAID et la France

Quand une initiative française se montre efficace, qui d’autre que la France voudrait la faire capoter ?0

Le 1er décembre 2005, Jacques Chirac annonçait la mise en place d’une taxe sur les billets d’avion pour financer les traitements en Afrique. Il ne s’agissait pas de remplacer l’aide publique au développement ou l’action du Fonds Mondial, créé en 2001 et premier bailleur de traitements anti-sida à travers le monde. Il s’agissait pour UNITAID d’impacter sur le marché, en émettant des appels aux offres les plus attractives sur des molécules inabordables pour faire chuter le prix de ces médicaments.

En presque cinq ans, des milliers de personnes ont bénéficié d’un traitement grâce à UNITAID. Dans la plupart des pays, les enfants atteints du sida bénéficient d’un traitement pédiatrique, grâce à ces programmes. Dans la quasi totalité des pays en développement, les médicaments de seconde ligne sont financés par UNITAID. Dans la prise en charge du VIH/sida, le traitement de seconde ligne intervient lorsque la personne sous « première ligne » est en échappement thérapeutique. Elle prend alors des traitements plus forts, plus récents, moins toxiques et plus efficaces. Malheureusement, ces traitements coûtent en moyenne dix fois plus chers et restent inaccessibles dans la plupart des pays pauvres.

Les détracteurs attaquent

Mais UNITAID n’a pas que des amis. Dans les bureaux de l’Elysée, on s’active en août 2009 à mettre au point une stratégie pour récupérer l’argent de la taxe sur les billets d’avion et l’affecter, en partie, à autre chose. Il s’agirait que 20% aille aux « associations françaises de lutte contre le sida » et au bilatéral français. La plupart des associations refuse cette manigance, qui équivaudrait à financer des programmes parce qu’ils sont « tricolores » alors que des malades ayant besoin de seconde ligne et des enfants seraient privés de médicaments. Finalement, l’Elysée reviendra en arrière. Mais les mesquineries ne se sont pas arrêtées là. La France a attendu le dernier moment pour annoncer sa contribution française à UNITAID en 2009 puis en 2010.

Mais là où le serpent se mort la queue, illustrant à merveille l’absurdité de l’action du conseiller de l’Elysée Grégoire Verdeaux et de l’ambassadeur sida Patrice Debré c’est lorsque la France veut à tout prix faire financer un programme mené par un consortium français par UNITAID, en novembre 2010, mais que ce n’est pas possible car il y a dans les caisses à peine de quoi sécuriser ses programmes actuels et ne peut donc s’engager sur d’autres projets.