Le 12 janvier dernier, l’académie de médecine a rendu un avis négatif sur la création en France de « salles d’injection pour toxicomanes ». Act Up-Paris dénonce cet avis, qui témoigne d’une ignorance crasse des phénomènes d’addiction en général et des salles de consommation en particulier, et d’un refus de travailler avec le minimum d’honnêteté intellectuelle. Qui peut accorder le moindre crédit à une assemblée de telLEs incompétentEs ?
L’idéologie en guise d’expertise
En effet, comment être pris au sérieux quand on commence par une définition erronée des salles d’injection ? L’ « académie » de médecine affirme que des médecins peuvent « se livrer à des intoxications médicalement assistées » dans les salles d’injection. Et pourquoi pas des nonnes en deux-chevaux, allant de village en village faire des injections d’héroïne aux particuliErEs ?
Si les « académicienNEs » avaient réellement travaillé leur sujet, ils et elles auraient bien vu qu’aucunE professionnelLE de santé, médecin ou autre, n’est autoriséE à injecter des drogues, ni à aider à injecter des drogues, dans aucune salle de consommation au monde. C’est une question de responsabilité légale, mais aussi de responsabilisation de l’usagErE.
L’ « académie » de médecine ne connaît rien aux phénomènes d’addiction. Son avis diverge d’ailleurs de la Commission Nationale Addiction [[cf. dépêche APM du 12 janvier : Prévention des hépatites: la commission Addictions prend position en faveur des
salles d’injection ]], et de la Fédération française d’addictologie [[cf. son communiqué du 15 mars 2010 ]], qui regroupent l’ensemble des acteurs de l’addictologie, qui ont, eux, une expérience de terrain, et qui ont pris position pour l’expérimentation des salles de consommation en France.
De fait, l’avis de l’ « académie » de médecine ne s’appuie ni ne cite aucune étude scientifique pour rendre son avis. Comment peut-on vouloir représenter le savoir scientifique et être aussi éloigné de sa réalité ? Est-ce parce que les « académicienNEs » sont incapables de comprendre les études scientifiques, ou est-ce parce que celles-ci, même les plus nuancées, témoignent de l’intérêt d’expérimenter un tel dispositif, ce qui s’accommode mal avec l’idéologie des « académicienNEs » ?
La seule recommandation citée est celle de l’OICS, l’organisme international de contrôle des stupéfiants. Depuis quand des médecins fondent-ils leur avis sur ce que dit une structure policière ?
Anthologie des erreurs et contre-vérités
Dès lors, les « académicienNEs » sont incapables de parler de l’utilité des salles d’injection que l’avis résume à « réduire l’incidence des abcès, la transmission de virus (hépatites, VIH) ainsi que les overdoses parmi les toxicomanes ». Or, un des premiers intérêts de ces salles, selon l’expertise collective de l’Inserm sur la réduction des risques, est l’entrée en contact et la création d’un lien avec un public très précarisé, exclu du système de soin. Les SCMR permettent donc l’entrée de personnes les plus précarisées dans un système de droits et de santé. Qu’en pensent les « académicienNEs » ? Rien.
Mensonge ensuite quand l’« académie » de médecine affirme que les salles d’injection banaliseraient les drogues « en remettant en question leur image répulsive » et entraineraient la confusion dans la population dans son ensemble et, en particulier, chez les jeunes. Il est prouvé, notamment par le rapport de l’Inserm qui a analysé toute la littérature scientifique sur le sujet, que les salles de consommation à moindre risque ne créent pas de nouveaux consommateurs et qu’elles n’augmentent pas la consommation de drogues chez les usagers de drogue ou dans la communauté. Au contraire, une étude récente portant sur une SCMR à Vancouver montre qu’un tel dispositif permet aux usagers d’arrêter durablement les drogues.
L’académie de médecine veut sacrifier les plus précaires
Encore une fois, par incompétence et mauvaise foi, l’ « académie » de médecine entretient la confusion entre deux politiques différentes et complémentaires : la prévention envers les jeunes et la politique de réduction des risques envers les usagers actifs. Mais ce que sous-entend ici l’ « académie » de médecine est extrêmement grave : elle propose de se servir des usagers en grande précarité laissés à l’abandon dans les grandes villes, de les sacrifier et de les mettre au pilori, pour que leur détresse et leur déchéance sur la place publique soit un « répulsif » pour les jeunes. Outre que cette solution ne marche pas, quelle genre de politique peut sacrifier les plus fragiles par pure idéologie ?
L’« académie » de médecine fait partie de cette frange la plus réactionnaire des professionnelLEs de santé, qui prônent le sevrage comme seule solution. C’est cette idéologie qui a retardé tous les dispositifs de réduction des risques comme l’échange de seringues, et qui est responsable de la contamination par le VIH et les hépatites virales de dizaines de milliers de personnes. Les académiciens n’ont pas tiré les leçons de la lutte contre le sida, de l’auto-support des usagErEs de drogues et de la réduction des risques. On pourrait rire de leur incompétence et de leur mauvaise foi. Mais, déconnecté de la réalité, dénué d’une expertise honnête, leur avis met directement en danger la vie des usagErEs de drogue les plus précaires.
Act Up-Paris exige de l’académie de médecine qu’elle entende les preuves scientifiques et rende un avis favorable sur les salles de consommation à moindre risque.