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Deux dispositifs vitaux pour les étrangèrEs malades, le droit au séjour pour soins et l’Aide Médicale d’État, sont mis à mal par le gouvernement.

UCIJ-2008.jpg La loi sur l’immigration, actuellement en discussion au Parlement, risque de remettre en cause le droit à un titre de séjour pour raisons médicales. Votée, la réforme de l’Aide Médicale d’État (AME) va entrer en vigueur début mars. Son application, instaurant entre autres un droit d’entrée de 30 €, s’annonce catastrophique. Revue des sales coups de l’UMP, qui fait de l’œil à sa droite, sur le dos des étrangèrEs malades.

La disparition programmée du droit au séjour pour soins

Depuis 1997, les étrangèrEs malades ont droit, sous certaines conditions, à des papiers pour pouvoir se soigner en France (voir encadré). L’application de ce droit varie selon les régions et donne déjà lieu à de nombreux refus abusifs. Le gouvernement est en train de le dynamiter. Des dysfonctionnements récurrents En pratique, des médecins se montrent très réticentEs à appliquer le droit et rendent des décisions défavorables même si les demandeurSEs satisfont aux critères médicaux. Les étrangèrEs sont souvent confrontéEs à des pratiques illégales en Préfecture : – refus d’enregistrement de la demande ; – demande de pièces non prévues par la réglementation (passeport valide, etc.) ; – refus de délivrer un récépissé de dépôt (attestation capitale lors d’un contrôle de police et pour éviter une rupture de droits) ; – délivrance d’Autorisations Provisoires de Séjour au lieu de Cartes de Séjour Temporaire (rend impossible l’accès à l’Allocation Adulte Handicapé, complique l’obtention d’un logement, d’un emploi, etc.). Dans 2 arrêts du 7 avril 2010, le Conseil d’État a sanctionné des pratiques administratives illégales qui appréciaient de manière beaucoup trop restrictive et arbitraire les conditions de délivrance d’un titre de séjour pour soins. Le plan national VIH 2010-2014 pointe ces dysfonctionnements et souligne les conséquences néfastes de la pauvreté et de l’instabilité administrative sur la santé des séropos. Il insiste sur l’importance dans la lutte contre le sida de l’accès à touTEs aux droits sociaux, à commencer par la régularisation des personnes séropositives ne pouvant se soigner dans leur pays d’origine. Un objectif fortement remis en question par le projet de loi sur l’immigration actuellement en discussion… Le droit au séjour pour soins sur la sellette Le 12 octobre 2010, trois semaines avant la publication du Plan National VIH, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture une mesure remettant en cause le droit au séjour pour soins. Dans la loi actuelle, il faut pour obtenir un tel titre de séjour, ne pas « effectivement bénéficier du traitement approprié dans son pays d’origine » . Cette notion a été remplacée par « l’inexistence du traitement dans le pays d’origine » : il suffit que quelque part des médicaments y soient accessibles pour quelques happy few, pour que leLA demandeurSE soit renvoyéE dans son pays d’origine. Or, dans quasiment tous les pays, des antirétroviraux sont accessibles, sauf qu’ils le sont pour une infime part de la population ! Compte-tenu de la forte mobilisation contre cet amendement, le gouvernement a remplacé le terme « inexistence » par « indisponibilité du traitement approprié » . Une notion qui demeure bien plus subjective que celle d’accès effectif et continue de menacer le droit au séjour pour soins. Le 8 février, le Sénat a rejeté en première lecture la réforme validée par l’Assemblée Nationale. Le 16, la commission des lois de l’Assemblée a réintroduit l’indisponibilité. Reste la seconde lecture, puis éventuellement la commission mixte paritaire… Autant d’échéances au cours desquelles le droit au séjour pour soins risque de disparaître. Cette réforme repose sur une contre-vérité xénophobe selon laquelle les étrangèrEs seraient de plus en plus nombreuxSES à venir en France pour y bénéficier du système de santé. Ce qui est faux : la plupart des étrangèrEs découvrent une fois en France qu’ils/elles sont malades. Les associations de défense des étrangèrEs malades et la plupart des professionnelLEs de terrain (des médecins aux magistratEs administratifVEs), se mobilisent pour empêcher qu’une telle réforme passe car elle mettrait en danger la continuité des soins et la santé publique et menacerait la santé des personnes concernées. De surcroît, elle contraindrait ces personnes à rester dans le dispositif de l’AME, lui-même démantelé… Le droit au séjour pour soins Le droit au séjour pour raison médicale prévoit la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire à l’étrangèrE « dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité », « sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ». Ce droit est le fruit d’une mobilisation conjointe des associations de malades, de médecins et d’organisations de défense de droit des étrangèrEs qui se sont élevées contre la multiplication des expulsions de malades dans les années 1990. Ce dispositif concerne un effectif stable de 28 000 personnes. Pour en bénéficier, il faut répondre à six critères : trois administratifs, appréciés par la préfecture (résidence habituelle en France, absence de menace à l’ordre public, absence de mesure d’éloignement) et trois médicaux évalués par une autorité médicale : – l’état de santé « nécessite une prise en charge médicale » ; – un défaut de prise en charge médicale « pourrait occasionner des conséquences d’une exceptionnelle gravité » ; – la personne ne peut « effectivement bénéficier du traitement approprié dans son pays d’origine ». Cette notion de bénéfice effectif implique les quantités disponibles, le coût des traitements, la distance hôpital-domicile, la possibilité de faire les examens nécessaires (bilans sanguins, charge virale…) Si les six critères sont remplis, la préfecture est tenue de délivrer une Carte de séjour temporaire portant la mention « Vie privée et familiale » pour la durée de l’accord donné par le/la médecin de l’administration, dans la limite d’un an. Celle-ci ne doit porter aucune mention du motif médical de sa délivrance. Les personnes séropositives qui remplissent les conditions administratives et qui viennent de pays du Sud sont, dans leur immense majorité, éligibles à un titre de séjour pour soins. 18% des titres de séjour pour soins délivrés concernent des personnes séropositives au VIH. Afin de garantir le secret médical, l’évaluation des critères médicaux est à la charge des médecins inspecteurs/trices de santé publique, sous l’autorité des Agences Régionales de Santé. Le rapport médical sous pli confidentiel doit être adressé au/à la médecin de l’administration pour qu’il/elle ait toutes les informations nécessaires à l’évaluation médicale, son contenu n’a pas à être connu des services préfectoraux.

Le démantèlement criminel de l’AME

L’AME est la couverture médicale pour les personnes en situation irrégulière gagnant moins de 634 €/mois (voir encadré). Le 30 décembre 2010 a été votée au Parlement dans le cadre de la loi de finances 2011 une réforme qui modifie profondément l’AME. Ces nouvelles dispositions doivent entrer en vigueur le 1er mars 2011. La réforme instaure un droit d’entrée annuel de 30 € pour toute personne majeure relevant de l’AME. Ce « ticket d’entrée » fait peser sur le segment le plus pauvre de la population un nouveau prélèvement qui n’est exigé d’aucune autre catégorie sociale. Imposer une telle charge financière à des personnes disposant de très faibles ressources va les inciter à reporter, voire à renoncer aux soins. C’est en contradiction avec toute politique de santé publique cohérente : une personne ignorant sa séropositivité va le découvrir à l’occasion d’une maladie opportuniste, à un stade avancé de la maladie. Contrairement à ce qu’a affirmé le gouvernement, cela ne réalisera aucune économie publique : les retards de prise en charge vont même entraîner un surcoût. Elle réduit le panier de soins : désormais l’AME ne permettra que l’accès aux soins « urgents et vitaux », entraînant l’impossibilité de suivi en centres de santé et en médecine libérale, dont les dépistages précoces. Elle impose aux hôpitaux d’obtenir l’aval de la CPAM avant d’effectuer un acte chirurgical lourd. Connaissant les délais d’instruction des demandes adressées à la CPAM, des situations dramatiques sont à prévoir. Cette réforme est dangereuse et contre-productive : elle va retarder l’accès aux soins des malades, leur état de santé sera déjà dégradé, et leur séropositivité sera connue encore plus tard, ce qui est contraire à toutes les recommandations de prise en charge précoce. Exclure des malades des dispositifs de soins est criminel à titre individuel, mais également en termes de santé publique. Economiquement, ces dispositions sont absurdes : des personnes sans couverture maladie ne vont pas se faire soigner, arriveront à l’hôpital dans un état plus grave et leur prise en charge médicale reviendra finalement beaucoup plus cher à la collectivité. Un déni de démocratie La manière dont la réforme de l’AME a été entérinée est particulièrement scandaleuse. Lors des débats, les sénateurs/trices avaient refusé ce démantèlement, notamment les rapporteurs (UMP) de la commission des affaires sociales et des finances. Sous la pression du gouvernement, la commission mixte paritaire a remis ces amendements dans le texte en discussion qui a finalement été adopté courant décembre 2010. Cette réforme était portée par Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la Santé, bien avant la discussion du projet de loi de finances pour 2011 au Parlement. Elle avait alors demandé à l’inspection générale des affaires sociales et à l’inspection générale des finances d’élaborer un rapport sur le financement de l’AME et la pertinence de sa réforme. Ce rapport conclut au caractère contre-productif de cette réforme aussi bien en termes de santé publique, qu’en termes économiques. Remis à la ministre le 24 novembre, il a été rendu public le 30 décembre. Le ministère de la Santé a donc délibérément dissimulé ce rapport aux parlementaires lors des débats. Il y a là un mépris pour la séparation des pouvoirs et un flagrant déni de démocratie. Et ce d’autant plus que le rapport reprend les arguments portés par les associations et les professionnelLEs de santé depuis des années : il n’existe pas de fraudes massives à l’AME, l’augmentation de son budget est due à la mise en place de la Tarification à l’acte, et rien d’autre. Cette réforme est un danger sanitaire et un non-sens économique. Le rapport recommande même l’intégration des sans-papiers à la Couverture Médicale Universelle (CMU), ce que nous revendiquons depuis 12 ans ! Les étrangèrEs malades sont les bouc-émissaires d’un sinistre jeu éléctoraliste. Si la loi passe en l’état, obtenir un titre de séjour pour soins va devenir une exception. Les malades vont être expulséEs et envoyéEs vers une mort certaine. Si leur état de santé est tel qu’il leur assure l’inexpulsabilité, ils/elles n’auront pas de statut administratif et seront donc prisEs en charge indéfiniment dans le cadre de l’AME, elle-même devenue un cache-misère de protection sociale. L’exclusion et les expulsions mènent au même résultat : la victoire de l’épidémie de sida. L’Aide Médicale d’État (AME) L’AME est un dispositif gratuit d’accès aux soins pour les étrangèrEs en situation irrégulière n’ayant droit à aucun régime de Sécurité Sociale). Elle a été créée en 1999, en même temps que la CMU dont les étrangèrEs sont excluEs. La CMU et CMU-C concernent 4 millions de personnes, l’AME 200 000 personnes. Pour l’Assurance Maladie, est considéréE en règle toutE étrangèrE en relation avec l’autorité préfectorale. Un rendez-vous, une convocation, un lien avec la préfecture est suffisant pour bénéficier de la même couverture sociale qu’unE citoyenNE françaisE. L’AME devrait donc être une exception. En France, la plupart des étrangèrEs vivant avec le VIH découvrent leur séropositivité à l’occasion du diagnostic d’une maladie opportuniste. Ces personnes sont en grande majorité exclues du système de soins classique. Pourtant, une obligation de soins s’impose aux établissements de santé qui assurent le service public hospitalier. Ceux-ci doivent délivrer des soins si l’état du/de la patientE le nécessite, même si celui/celle-ci n’est pas en mesure de justifier une prise en charge. Mais, en pratique, l’AME ne couvre pas tout et certainEs soignantEs et pharmacies discriminent ces bénéficiaires (40 % des praticienNEs consultéEs refusent de les soigner selon une enquête menée par MdM en 2006 – voir pièce jointe). Les principes fondamentaux régissant l’AME et la CMU sont les mêmes : permettre à des personnes démunies d’avoir une protection maladie et ainsi de pouvoir accéder aux soins. Les enquêtes montrent qu’il y a trois fois plus de discriminations en matière d’AME qu’en matière de CMU. Ces pratiques ne sauraient être justifiées par des blocages administratifs, des lenteurs de remboursement, ni même par la liberté des praticienNEs à choisir leurs patientEs. Les codes de déontologie et de santé publique sont sans ambiguïté : les médecins ont l’obligation éthique et légale d’écouter, d’examiner, de conseiller ou de soigner avec la même conscience touTEs les malades sans distinction de nationalité, de ressources ou de situation administrative.

 

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