L’incontournable Conférence sur les Rétrovirus et les Infections Opportunistes (CROI) vient d’ouvrir ses portes à Boston. La 18e édition de la célèbre conférence américaine nous propose cette année un programme totalement en phase avec les enjeux actuels ainsi que des moments de réflexion et de discussion mettant en perspective les années passées avec les questions d’avenir.
Parmi les grands thèmes de ce programme, la prévention biomédicale se taille la part du lion, incluant même mardi une session entière consacrée aux résultats de l’essai de prophylaxie pré exposition iPrEX. Mais les recherches fondamentales sur la physiopathologie de l’infection à VIH et leurs implications dans la recherche vaccinale sont bien présents aussi. L’autre sujet fortement présent ici à Boston, ce sont les nouveaux traitements de l’hépatite C. Plusieurs sessions, ainsi que des plénières y sont consacrées. Les symposiums de fin de journée explorent non seulement ces thématiques mais mettent aussi en perspective l’usage des traitements depuis maintenant 15 ans et se penchent aussi sur les trente ans de l’épidémie.
La plénière d’ouverture de la conférence, qui s’est tenue dimanche soir devant plus de 4500 congressistes, étrangers pour moitié, a également brillamment illustré deux thématiques très centrées sur les enjeux actuels de l’épidémie.
Bryan Cullen, d’abord, lors de la présentation à la mémoire de Bernard Fields, un des plus grands spécialistes de la recherche fondamentale des années 80, a exposé les avancées de la recherche sur les micro-RNA et leur application dans la physiopathologie des maladies virales, en particulier l’hépatite C. Il s’agit là d’un des domaines de la recherche les plus en pointe qui bénéficie depuis quelques années des avancées technologiques permettant des explorations dans ce domaine qui laissent entrevoir des perspectives thérapeutiques inimaginables il y a peu.
Anthony Harries, lors de la présentation à la mémoire de N’Galy et J. Mann, dédiée aux recherches dans les pays du sud, a exposé les avancées de la prise en charge dans un des pays les plus défavorisés d’Afrique, le Malawi. Il a expliqué notamment comment, après les années sombres de l’épidémie, la création du fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme avait drastiquement changé le destin de nombreuses personnes séropositives de ce pays particulièrement défavorisé. Mais il a aussi pointé les difficultés du développement et du maintien de ces succès thérapeutiques auquel il faut faire face aujourd’hui pour maintenir, voire améliorer, la situation acquise au fil des années dans un contexte économique difficile.
Fred Hersch, activiste américain et pianiste de talent, a ponctué cette plénière de ses notes jazzy envoutantes. Son intervention dans la conférence américaine est à marquer d’une pierre blanche puisqu’il s’agit d’une première : l’intervention d’un séropositif activiste en plénière de la conférence américaine construite il y a dix-neuf ans autour d’un repli de la communauté des chercheurs américains face à la montée des activistes dans les conférences mondiales qui avait conduit au boycott des Etats-Unis au lendemain de leur décision de refuser l’entrée des séropositifs sur leur territoire. La conférence américaine sentirait-elle sa suprématie menacée alors que la restriction d’entrée des séropositifs ayant été levée par l’administration de Barack Obama, l’International Aids Society s’apprête à tenir l’an prochain la conférence mondiale à Washington ?