Plusieurs centaines de femmes concernées par le VIH se sont retrouvées les 4 et 5 mars derniers à Paris pour la sixième rencontre organisée par le collectif interassociatif Femmes & VIH. Objectif : continuer à élaborer une parole collective à partir des expériences de femmes venues de toutes les régions pour faire entendre la parole des femmes séropositives, leur expertise de la maladie.
Retour sur ce combat et son articulation avec les luttes pour les droits des femmes, avec Catherine Kapusta-Palmer, coordinatrice du collectif
Pourquoi un collectif « Femmes & VIH » ?
Nous avons créé ce collectif interassociatif en 2003. Y contribuent des associations de lutte contre le sida et des associations de lutte pour le droit des femmes. Pour ce collectif, ce sont les femmes séropositives qui sont les expertes de leur maladie et c’est à partir de leur parole, de leurs recommandations et de leurs revendications que nous devons agir. Agir autant auprès des institutionnels et des politiques, que des médecins et des chercheurs.
Quels sont les problèmes spécifiques rencontrés par les femmes séropos ?
Il nous reste encore du chemin à faire pour que nos spécificités et nos revendications de femmes soient relevées et entendues ; pour que la médecine prenne en compte que vivre avec le sida, c’est différent selon que l’on est femme ou pas ; pour que la société reconnaisse que c’est une expérience différente selon le genre ou la sexualité (que l’on soit femme, homme, homo, trans, …) ; pour que les politiques entendent que cette maladie représente un concentré d’enjeux brûlants, surfant comme elle le fait sur toutes les formes de discriminations : sociales, économiques et politiques.
Quel était le thème du colloque cette année ?
« Femmes, corps et identités », pour aborder les questions qui se posent aux femmes séropositives en matière de sexualité, d’identité sexuelle et de rapport au corps. Ces corps habités par une maladie sexuellement transmissible. Ces corps qui doivent supporter des traitements qui, certes, nous permettent de vivre, mais au prix d’effets indésirables très lourds, qui abîment ces mêmes corps, qui les transforment, qui les rendent parfois
méconnaissables. Ces corps qui nous obligent parfois à nous isoler, lorsqu’on ne s’autorise plus ce qu’on faisait avant la maladie et les traitements.
Quelle articulation avec les luttes féministes ?
La société nous assigne des rôles de femme ou d’homme. Il nous faut, dès lors, revendiquer en tant que femmes et refuser en même temps d’être désignées comme inférieures, dans une société encore majoritairement dominée par les hommes. C’est pourquoi la question des droits des femmes est un enjeu majeur dans cette épidémie. Nous devons nous battre pour faire avancer nos droits dans un contexte social d’inégalités de genre, et face à une maladie qui creuse encore plus ces inégalités. Aujourd’hui, plus de femmes que d’hommes vivent avec le VIH et le combattent à travers le monde ; pourtant nous sommes classées dans les populations dites vulnérables.
Quelles sont les revendications des femmes séropositives ?
Nous nous battons pour que nos spécificités soient étudiées dans la recherche contre le sida. Pour que l’histoire de cette maladie tienne compte de nous en tant que femmes et pas seulement en tant que mères [[la recherche contre le sida tend à ne considérer les femmes que sous l’angle de la transmission mère-enfant, NDLR]]. Et puis, nous ne devons plus être plus vulnérables. Ce sont les facteurs socio-économiques, les inégalités juridiques et culturelles, les inégalités en matière d’éducation, les violences auxquelles encore beaucoup trop de femmes sont assujetties qui nous mettent, nous les femmes, dans une situation de plus grande vulnérabilité sociale et économique et donc de plus grande exposition aux risques face au sida. Nous vivons dans un monde dominé par le masculin et par les normes hétérosexuelles, avec une politique et une médecine sexistes. C’est cela que nous combattons pour que les populations fabriquées comme vulnérables ne le restent pas et ne soient pas encore et toujours les populations les plus touchées par le VIH.
Quel écho a reçu ce colloque auprès des politiques ?
Xavier Bertrand a décliné notre invitation, ne se sentant sans doute pas à sa place au siège de Médecins du Monde, symbole d’une solidarité lucide et non complice avec les politiques de discrimination et de précarisation menées par la droite au pouvoir. Un gouvernement qui nous a confirmé, par son absence, le peu de considération qu’il a pour les personnes
touchées par le VIH, pour les femmes d’ici et d’ailleurs qui vivent et combattent la maladie et les discriminations qui l’accompagnent.