Le Poppers : plaisirs, risques et réalité.
Si autrefois l’on passait sous le nez de femmes du monde trop émotives des sels d’ammoniac pour les ramener à la raison, de nombreux gays hument aujourd’hui d’autres senteurs, mais à l’inverse, plutôt pour accroître leurs émotions. Le poppers, qui doit son nom au bruit d’ouverture des premières ampoules à briser, est fabriqué à partir de différents nitrites d’alkyle (nitrites d’amyle, de butyle, d’isopropyle et d’isobutyle) inhalés « à des fins récréatives ».
Si l’usage premier de ces produits est médical (ancien traitement des angines de poitrine, toujours utile comme antidote à l’empoisonnement au cyanure), ils entrent aussi dans la composition de produits ménagers.
En usage récréatif, le poppers est inhalé dans le but de renforcer le plaisir sexuel. Très utilisé par les gays, il s’est aussi largement répandu dans le milieu festif, du disco des années 70 aux scènes rave des années 90. Dans les années 80, l’usage de poppers a été associé à un risque accru d’infection par le VIH. Les recherches ont conclu qu’il n’y avait aucune relation de cause à effet, mais simplement une corrélation avec un comportement sexuel à risque élevé. Malgré cela, les négationnistes du sida ont souvent prétendu que la cause du sida était le poppers, et non
l’infection par le VIH.
L’inhalation de nitrites provoque le relâchement des muscles lisses dans tout le corps, y compris ceux du sphincter de l’anus, du pénis et du vagin ainsi que ceux qui entourent les vaisseaux sanguins. Ce relâchement provoque la dilatation des vaisseaux, accélère consécutivement le rythme cardiaque et augmente le flux sanguin. Ceci produit une sensation d’euphorie, de chaleur montant à la tête et une excitation qui disparaissent
habituellement en quelques minutes. Ces sensations sont souvent ressenties comme favorisant l’excitation et le désir sexuel. Aucun effet direct sur le cerveau n’a été démontré. Selon ses utilisateurs, le poppers intensifie et prolonge l’orgasme. Tant les hommes que les femmes considèrent son usage comme un plaisir, bien que certains hommes lui attribuent des problèmes d’érection transitoires.
Les effets indésirables des nitrites d’alkyle sont similaires à d’autres produits volatiles. Provoquant essentiellement des maux de tête, le poppers en usage excessif peut causer des asphyxies, de l’arythmie cardiaque, des pertes de connaissance, des perturbations cardiovasculaires, diverses formes d’empoisonement du sang, de la toxicité hépatorénale, des dysfonctionements neurologiques. Il peut aussi augmenter la pression
intraoculaire à l’origine d’un glaucome.Ces effets sont majorés par de trop fortes doses ou en raison de prédispositions physiques (cardiaques, attention !). Au contact de la peau, le poppers peut causer des brûlures, des rougeurs ou des démangeaisons autour de la bouche ou du nez. Son usage chronique peut causer des dommages neurologiques.
Le poppers peut interagir avec d’autres vasodilatateurs comme le Sildenafil (Viagra), susceptibles de faire chuter la tension et de provoquer évanouissements, accidents vasculaires cérébraux et crises cardiaques potentiellement mortelles. L’inspiration accidentelle de nitrites d’alkyle peut induire des pneumonies lipoïdes. Leur ingestion peut causer une cyanose, une perte de conscience, un coma et peut entraîner la mort.
Malgré tout cela, les investigations menées par les autorités sanitaires de différents pays ont le plus souvent conclu que le poppers possède « un faible potentiel d’atteintes aux individus ou à la société » comparé à d’autres drogues récréatives.
Autour de 1990, de nombreux gouvernements occidentaux ont interdit la vente, l’importation ou l’usage des nitrites d’alkyle utilisés comme poppers. En France, la vente de nitrite de butyle, de pentyle ou leurs isomères est interdite depuis 1990 en raison du danger pour les consommateurs/trices. En 2007, le gouvernement a étendu cette interdiction à tous les nitrites d’alkyle hors usage médical, mais à la suite d’un recours contentieux intenté par les patrons de sex-shops, le Conseil d’Etat a abrogé le texte de 2007 en l’absence de motifs valables, les risques ne concernant que de rares accidents de mésusages justifiant plutôt des avertissements obligatoires sur l’emballage.
Aux Etats-Unis, le poppers est surtout vendu sur internet sous diverses appellations comme « liquide de nettoyage de têtes video », « parfum d’intérieur » ou « détachant pour peintures ». Il reste légal dans certains pays comme la Pologne et la Chine. Au Royaume-Uni, le « Medicines Act » de 1968 rend illégal sa promotion pour la consommation humaine, ce que les vendeurs contournent aisément en le proposant comme désodorisant.
Facilement disponibles dans les sex-shops et sur internet, les poppers modernes sont de qualité très variable. Il faut les utiliser avec précaution en évitant absolument tout contact avec la peau (ce sont les vapeurs qui font effet). Ils deviennent dangereux en cas d’usage excessif, d’insuffisance cardiaque ou utilisés en même temps que du Viagra. En présence d’une personne faisant un malaise, il faut l’allonger, écarter ceux/celles qui sont autour, aérer et éclairer l’endroit et appeler des secours. Les malaises ne se produisent pas toujours immédiatement après l’usage du poppers. Restez prudents, mais have fun !