Aujourd’hui sort le rapport de la mission d’information parlementaire sur les toxicomanies.
D’une façon générale, la santé publique est la grande perdante de ce rapport.
Celui-ci constate le retour de la consommation d’héroïne, la diffusion de la cocaïne, la prégnance de la polytoxicomanie et la gravité de l’épidémie d’hépatite C. Malheureusement ces constats alarmistes ne débouchent sur aucune proposition concrète.
Manifestement, les rapporteurs ne tiennent aucun compte des résultats obtenus avec la politique de réduction des risques face à la situation catastrophique qui a perduré jusqu’au milieu des années 90.
Le rapport ne s’intéresse ni aux nouveaux usages ni à la réduction des risques en milieu festif, dans les banlieues ou les zones rurales, et encore moins à la lutte contre l’hépatite C, pourtant priorité de santé publique.
La seule proposition novatrice est l’installation de programme d’échange de seringue en prison, en passant à côté du manque actuel de moyens qui condamne la France à ne pas pouvoir remplir les missions de réduction des risques en milieu carcéral qu’elle s’est elle-même fixés… une sorte d’arbre pour cacher la foret, ou plutôt un désert…
Sur les salles de consommation, le rapport se fait à charge. Il est truffé d’approximations, et de généralisations abusives tirées d’exemples particuliers.
Pour n’en citer que quelques uns :
- Les salles de consommation sont comparées à des espaces de libre consommation, à des zones de non-droit, voire à une politique de capitulation. Or, les salles de consommation sont réglementées, supervisées par des professionnels et ne peuvent exister sans une coopération étroite avec la police, et le soutien des collectivités locales et de l’État. Loin d’être une capitulation, les salles de consommations font face aux réalités avec une main tendue aux usagers les plus précaires
- Au niveau des études, le seul rapport cité est celui de l’Inserm, excluant celui de l’Institut National du Québec, les 30 études de la salle de Vancouver publiées dans des revues scientifiques internationales, et celui de l’association Élus Santé Publique et Territoires (qui n’a d’ailleurs pas été auditionnée). Ce rapport affirme qu’il n’y a pas d’étude coût efficacité, oubliant celles faites dans de nombreuses salles, notamment celle de Vancouver qui montre qu’un dollar investi dans la salle de consommation, rapporte 5 dollars à l’État
- Au niveau des overdoses, c’est l’incohérence : le chapitre sur « les risques pour la santé » affirme qu’en France les overdoses sont sous-estimées d’au moins 30% et qu’on ne recense pas les décès par overdose de cocaïne. Le chapitre « salle de consommation » affirme que la France a un taux d’overdose plus faible que les autres pays européens, sans tenir compte des différences dans le traitement statistique qui interdit les comparaisons.
La seule proposition avancée pour remplacer les salles de consommation, est une reprise d’une proposition de la MILDT, la création de maraudes, ces actions où des professionnels parcourent les rues à la rencontre des usagers. C’est un contresens absolu.
Il existe déjà de nombreuses maraudes, et les associations qui les réalisent sont celles qui demandent l’ouverture des salles de consommation parce qu’elles n’arrivent pas à atteindre et à travailler avec les usagers très précarisés.
Contrairement aux salles de consommation qui sont un outil de citoyenneté, en donnant un espace aux usagers pour consommer dignement et proprement, elles les réintègrent physiquement autant que symboliquement dans la cité, les maraudes ne vont pas empêcher de consommer dans des caves, dans les parkings, les cages d’escaliers ou les toilettes publiques.
Ce rapport n’est finalement qu’une occasion manquée, qu’une campagne gouvernementale à moindre frais, une rhétorique biaisée, recyclée, usée, qui ne cherche qu’à défendre la doctrine de la MILDT, et non à trouver des réponses appropriées aux problèmes des usagers de drogues et de la société. L’absence de véritable réflexion sur la politique de réduction des risques reflète bien la nouvelle politique gouvernementale depuis 2007, qui consiste à surtout ne rien faire.
Tout ça pour ça…