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Résumé de la publication par Myron Cohen et ses collègues dans le New England Journal of Medecine du 11 août 2011 sur le résultat de l’essai HPTN 052 intitulé : « prévention de l’infection à VIH-1 avec une thérapie antirétrovirale ». Suivi d’un commentaire de la rédaction.

L’étude HPTN 052 avait pour objectif d’évaluer si le traitement antirétroviral d’une personne séropositive est susceptible de réduire le risque de transmission du virus dans un couple stable avec unE séronégatifVE. Cet essai devait également étudier à quel moment démarrer un traitement pour obtenir le meilleur résultat clinique. Les premiers résultats montrent qu’un traitement précoce réduit fortement le risque de transmission
du VIH dans le couple et améliore l’état clinique de la personne séropositive.

L’essai HPTN 052 a commencé à inclure des couples sérodifférents en juin 2007 et était prévu pour durer jusqu’en 2015. Il a enrôlé 1763 couples stables (au moins 3 mois) sexuellement actifs, composé d’unE séronégatifVE et d’unE séropositifVE n’ayant jamais pris de traitement et dont l’immunité était élevée (compte de CD4 entre 350 et 550) au Botswana, au Malawi, en Afrique du Sud, au Zimbabwe, au Brésil, en Inde, en Thaïlande et à Boston, Etats-Unis. Ils ont été répartis en deux groupes, l’un dans lequel leLA séropositifVE démarrait un traitement antirétroviral immédiatement après son inclusion, l’autre dans lequel l’offre de traitement était prévue au seuil de 250 CD4 ou au déclenchement d’une maladie opportuniste classant sida.

Le comité indépendant de l’essai qui assure la surveillance des données et la sécurité des participantEs a dénombré, en février 2001, 39 contaminations des séronégatifVEs, dont 28 ont eu lieu entre partenaires de l’essai. Elles sont au nombre de 27 au sein des 877 couples dont le traitement est différé tandis qu’il n’y en avait qu’une seule parmi les 886 couples dans le groupe au traitement immédiat. Ceci représentait donc une réduction de 96% de la transmission par l’initiation d’un traitement précoce des séropositifs dans ces couples, le résultat étant considéré comme significatif (p≤0,0001). Fort de ce résultat, le comité indépendant a recommandé le 28 avril 2011 que cette information soit transmise aux participantEs et rendue publique.
Parallèlement, sur les 105 événements cliniques (infections et décès) survenus dans l’essai, 65 ont eu lieu dans le groupe « traitement différé » et 40 dans le groupe « traitement immédiat, indiquant là aussi un bénéfice du traitement précoce.

L’essai HPTN 052 initié par Myron Cohen, chercheur et clinicien américain, en 2005 et financé par l’institut américain des maladies infectieuses (NIAID) est un essai international destiné à étudier l’impact d’un traitement antirétroviral précoce des personnes séropositives au VIH au sein de couples sérodifférents (partenaire séronégatifVE) tant sur l’intérêt que cela présente pour réduire la transmission du virus au sein de ces couples que pour prévenir la survenue d’événements cliniques, donc améliorer la santé des séropositifVEs. Il compare une stratégie de traitement antirétroviral des séropositifVEs basée sur les recommandations de l’OMS (démarrer au seuil d’immunité de 250 CD4 ou lors d’un événement clinique) à une stratégie de traitement plus précoce (démarrage immédiat lors de l’inclusion dans l’essai des séropositifVEs recrutés ayant entre 350 et 550 CD4). Tous les traitements antirétroviraux proposés dans l’essai sont des combinaisons approuvées par les agences d’enregistrement et ont été fournis par les firmes pharmaceutiques.

déroulement de l’essai

L’essai a ainsi recruté 1750 couples sérodifférents sur 13 sites de recherche de 8 pays et les a répartis de manière aléatoire par site entre les deux groupes, 886 avec un traitement immédiat et 877 avec un traitement différé. Une très large majorité, 97% des couples, étaient hétérosexuels (37 couples d’hommes), 53% étaient africains, et dans la moitié des couples, c’est l’homme qui est séropositif. Deux tiers des participants avaient entre 26 et 40 ans au moment de l’inclusion dans l’essai et les trois quart avaient déclaré au moins un rapport sexuel dans la semaine précédente parmi lesquels 4% à 6% étaient non protégés. A l’inclusion également, on a diagnostiqué une infection sexuellement transmissible chez 5% des participants. Par ailleurs, douze personnes séronégatives supplémentaires ont été incluses suite à des changements de partenaires au cours de l’étude.

Au moment où le comité indépendant a recommandé la publication des résultats, 90% des participantEs étaient toujours inclus dans l’essai. Trois mois après leur inclusion, 89% des séropositifVEs inclus dans le groupe “traitement immédiat” avaient atteint une charge virale contrôlée (en dessous de 400 copies par millilitre de sang) alors que c’était le cas de 9% seulement dans le groupe « traitement différé ». Le compte de lymphocytes CD4 a globalement augmenté dans le premier groupe, en moyenne de 442 lymphocytes par millimètre cube de sang à l’inclusion jusqu’à 603 après un an de traitement alors qu’il baissait légèrement pour les personnes du groupe « traitement différé », de 428 cellules à 399 dans le même temps. Les participantEs inclus dans ce dernier groupe qui ont atteint le seuil requis ont démarré un traitement antirétroviral au bout de 42 mois en moyenne.
L’observance du traitement (au moins 95% des prises effectives, mesurée par comptage des médicaments restant) a été observée pour trois quart des participantEs dans les deux groupes. Si deux tiers des participantEs sous traitement ont changé de combinaison thérapeutique au cours de l’essai, les échappements au traitement n’ont concerné que 5% (45 sur 886) dans le groupe « traitement immédiat » et 3% (5 sur 184) dans le groupe « traitement différé » de ces personnes.

résultats en prévention

Au total, 39 personnes initialement séronégatives ont été contaminées par le VIH durant l’essai, ce qui représente une incidence de 1,2 personnes pour 100 par année, l’intervalle de confiance (IC) à 95% calculée sur cette valeur étant de 0,9 à 1,7 pers/100.année. Dans le groupe « traitement immédiat » il y en a eu 4 soit 1,3 pers/100.année (IC : 0,1 à 0,6) et dans le groupe « traitement différé », 35 soit 2,2 pers/100.année (IC : 1,6 à 3,1).
Des analyses génétiques ont été effectuées afin de vérifier si les virus acquis par ces personnes provenaient de leur partenaire, afin de réduire l’analyse finale aux seuls cas de transmission ayant eu lieu au sein des couples de l’étude, dans la mesure où ces contaminations dues à des partenaires dont le statut est inconnu dans l’étude ne peuvent pas être qualifiées selon les critères d’évaluation du protocole. Cette analyse a mis en évidence 11 transmissions de virus hors partenaires ou incertaines, 3 dans le groupe “traitement immédiat”, 8 dans l’autre groupe.
Ainsi, 28 personnes ont été contaminées par leur partenaire dans l’étude. Elles représentent donc une incidence de 0,9 pers/100.année (IC 0,6 à 1,3) et sont réparties en 1 transmission dans le groupe “traitement immédiat” soit une incidence de 0,1 pers/100.année (IC : 0,0 à 0,4) et 27 transmissions dans le groupe « traitement différé », donc une incidence de 1,7 pers/100.année (IC : 1,1 à 2,5). Ce sont ces valeurs qui ont été traduites dans l’annonce de mai 2011 comme une réduction de la transmission de 96% dans le groupe “traitement immédiat”.
De ces 28 cas de transmission, la plupart (82%) ont eu lieu dans les couples des sites africains et les deux tiers (67%) sont des contaminations de la femme à l’homme tandis que le cas unique de transmission dans le groupe “traitement immédiat” est dû à un homme. Les contaminations dans le groupe “traitement différé” étaient régulièrement réparties dans la durée et le premier facteur qui y est associé est la charge virale élevée à l’entrée de l’essai tandis que la déclaration d’une utilisation à 100% du préservatif à l’entrée apparaît comme un facteur de risque réduit de transmission.

résultats cliniques

Les événements cliniques relevés dans l’essai ont été au nombre de 105. Parmi ceux-ci, 40 se sont produit dans le groupe “traitement immédiat” contre 65 dans le groupe “traitement différé”. Ils ont été principalement répertoriés en Asie (44%) et en Afrique (45%). Le principal facteur prédictif de ces événements est la charge virale à l’entrée dans l’essai ; La principale différence de résultats entre les deux groupes est constituée par les cas de tuberculoses extrapulmonaires observés (3 cas versus
17 cas) principalement en Inde (55%).
Il s’est produit 23 décès au cours de l’essai, 10 dans le groupe de traitement immédiat et 13 dans le groupe de traitement différé.
En matière d’effets indésirables des thérapies, on a observé 246 signalements d’effets sévères ou invalidant (grade 3 ou 4) dont 127 (14% des séropositifVEs) dans le groupe “traitement immédiat” contre 119 (également 14% des séropositifVEs) du groupe “traitement différé”. Les perturbations dans les analyses biologiques graves dans le suivi des participantEs (grade 3 ou 4) ont concerné 242 personnes (27%) dans le groupe “traitement immédiat” et 161 personnes (18%) dans le groupe “traitement différé”, ce qui représente un résultat statistiquement significatif (p<0,001).

discussion

La réduction de la transmission du VIH observée dans cet essai est certainement due à celle de la présence de virus dans les sécrétions génitales. Si la plupart des contaminations ont été observées dans les couples africains, c’est explicable par leur présence majoritaire dans l’essai mais aussi à d’autres facteurs susceptibles d’augmenter la charge virale chez ces personnes tel que les sous-types viraux rencontrés dans cette région.

Des analyses sont en cours pour préciser si l’utilisation du préservatif était moins fréquente ou si le nombre de rapports sexuels était plus élevé parmi ces personnes.

Bien que l’on sache que la transmission du VIH est bien plus efficace chez des séropositifVEs dans les phases précoces de l’infection, cette recherche montre que la transmission dans la période asymptomatique est effective, même avec un compte de CD4 élevé.

Le nombre de séropositifVEs à ce stade étant très important, ces contaminations, même moins efficaces, contribuent à l’extension de l’épidémie.

La réduction de 41% de survenue des événements cliniques lorsque le traitement est initié précocement incite fortement à préconiser le démarrage du traitement entre 350 et 550 CD4 plutôt qu’à le différer. Néanmoins, la période de suivi des participants dans cet essai est plutôt courte par rapport à d’autres études. Les observations en matière d’effets indésirables, notamment d’anomalies biologiques devraient pouvoir être précisées à l’issue d’un suivi plus long des participantEs, ce qui pourra aussi préciser quel bénéfice clinique aussi bien que de santé publique l’on peut attendre d’un démarrage précoce de la thérapie antirétrovirale.

Les résultats de cette étude s’intéressant à des couples stables sont à examiner en tenant compte de ce qu’ils sont difficilement représentatifs de la population générale. Les participantEs ont bénéficié de conseils en prévention et de distribution de préservatifs, ce qui a probablement contribué à la faible incidence des contaminations. Cependant, elle montre que l’initiation précoce d’une thérapie antirétrovirale présente un bénéfice tant pour la personne séropositive que pour ses partenaires séronégatifVEs. Ces résultats soutiennent l’intérêt de l’usage des thérapies antirétrovirales comme stratégies de santé publique pour réduire l’extension de l’épidémie de l’infection à VIH.

notre avis

Bien entendu, à l’annonce de ces résultats, tout le monde s’en est réjoui, à commencer par les séropositifVEs.

Ne plus sentir un poids aussi fort de culpabilité dans la responsabilité de la prévention est forcément apaisant pour touTEs. Mais entre soulagement et insouciance, il y a une distance certaine. En effet, comme l’a souligné avec insistance Myron Cohen à la conférence de l’IAS à Rome, il s’agit d’une démonstration de principe difficilement extrapolable en population générale. Pour le faire, d’autres études seraient encore nécessaires. On le voit bien dans le détail des résultats et des observations, la transmission est facilitée par la charge virale à l’inclusion dans l’essai, par le nombre de partenaires, par le nombre d’expositions au risque. Toutes les situations ne sont donc pas immédiatement équivalentes au résultat obtenu dans
cette recherche.

L’autre aspect essentiel qu’il ne faut pas perdre de vue lorsqu’on analyse un résultat scientifique, c’est de dégager aussi ce qu’il ne dit pas. Ici, c’est clair : les analyses comportementales de l’essai sont encore en cours. On sait actuellement peu de choses sur l’utilisation d’autres stratégies de prévention des participantEs, principalement de l’utilisation du préservatif. Le peu que l’on en sait, moins de 10% de rapports sexuels non protégées déclarés par les personnes à l’entrée dans l’essai, dispensation de conseils en prévention et distribution de préservatifs aux participantEs, laisse simplement penser pour l’instant que la protection due au traitement précoce dans cet essai est un additif aux stratégies préventives des participantEs, non un substitut.