Alors que nous interpellons le gouvernement sur l’interdiction des soins funéraires qu’il entend perpétuer, Act Up-Paris publie le courrier interassociatif envoyé en septembre 2011 à Xavier Bertrand, auquel nous n’avons pas eu de réponse. La discrimination, le mépris.
Monsieur le Ministre,
Permettez-nous de vous alerter de nouveau sur l’interdiction des soins de conservation opposée aux personnes décédées séropositives.
Nous venons d’apprendre la prochaine reconduction, par arrêté, de cette interdiction. Croyez bien que cette information, si elle se vérifiait, serait une réelle déception et surtout un message très grave adressé aux acteurs de santé et à l’ensemble des personnes touchées par le VIHH/sida.
Permettez-nous de vous rappeler que, sur cette question, deux institutions, notamment, ont été saisies. Le Conseil national du sida a rendu un avis, le 12 mars 2009, demandant « l’annulation de l’article 2 de l’arrêté du 20 juillet 1998 en tant qu’il mentionne l’infection à VIH dans la liste des maladies faisant obstacle à la pratique de soins de conservation sur les corps ». Position raisonnable, juste et argumentée de la part du CNS, les précautions universelles à prendre par les professionnels dans la manipulation des corps étant largement suffisantes pour éviter tout problème.
Tel n’a pas été l’avis du Haut Conseil de la santé publique qui, dans un rapport daté du 27 novembre 2009 sur la révision de la liste des maladies contagieuses portant interdiction de certaines opérations funéraires, demande le maintien l’interdiction des soins du corps pour les personnes touchées par le VIH/sida. Affirmant que « le risque ne peut pas être considéré comme nul », le HCSP justifie sa position en évoquant les cas de deux thanatopracteurs infectés par le VIH et des cas de transmission d’hépatites. Encore faudrait il souligner que ces cas documentés de contamination proviennent d’enquêtes effectuées il y a plus de 15 ans aux Etats-Unis, ce qui, vous en conviendrez, relativise fortement leur valeur probante …
Monsieur le Ministre, 30 ans que le sida a été découvert, 30 ans que nous battons pour la prévention, l’information, l’éducation, la lutte contre les discriminations, l’insertion des malades, la dicibilité … 30 ans de lutte pour voir quoi ? Que même après la mort, les séropositifs sont considérés comme des pestiférés !
Maintenir cette interdiction est hypocrite : nous le savons tous, bon nombre de médecins ne signalent pas les cas, tant la législation leur paraît absurde et injustifiée.
Maintenir cette interdiction est un très mauvais signal adressé aux thanatopracteurs. En effet, cette législation donne l’impression de palier les insuffisances de certains qui ne respectent pas les procédures et les précautions classiques à mettre en œuvre. Croyez bien que nous sommes pour une sécurité maximale et maintenir cette interdiction ne va pas dans le bon sens : cela crée une sécurité illusoire ! Il faudrait, au contraire, faire en sorte que les professionnels puissent travailler dans de bonnes conditions, notamment en leur donnant la possibilité d’œuvrer le plus possible en chambres funéraires.
Maintenir cette interdiction est intolérable pour les proches et les familles. Les défunts ont droit au respect. Tous les défunts. C’est, nous le croyons, une obligation humaine. Refuser un dernier adieu dans un moment de douleur intense est inacceptable.
Maintenir cette interdiction, revient à dire que le sida est une maladie honteuse, une maladie que l’on doit cacher. Un retour en arrière incroyablement grave et insupportable !
C’est pour toutes ces raisons, Monsieur le ministre, que nous vous demandons de revenir sur cette interdiction et d’autoriser les soins de conservation pour les personnes décédées séropositives.
Nous vous prions de croire, Monsieur le ministre, en l’expression de nos respectueuses salutations.
Anne Marcillac
Directrice d’Actions Traitements
Jean Pierre Bibard
Président d’Actif Santé
Claire Bougaran
Président
Dessine-moi un mouton
Pierre Chappard
Co-président d’Act Up-Paris
Bruno Spire
Président de AIDES
Alain Bonnineau
Président de la FNH VIH
Jean-Luc Romero
Président
Elus Locaux Contre le Sida
Anne Guérin
Présidente de l’UNALS