La dix-neuvième édition de la conférence américaine sur les rétrovirus, plus prosaïquement sur le sida, a ouvert ses portes ce lundi 5 mars à Seattle/Washington/USA. L’édition 2012 de cette conférence rassemble cette année plus de 4000 personnes, preuve que sa notoriété ne faiblit pas. Elle s’inscrit résolument dan l’actualité la plus brûlante de l’épidémie puisque le thème essentiel qui se dégage est bien celui de la prévention. Mais d’autres aspects plus cliniques ou prospectifs y ont également une place importante.
Avec l’émergence des nouvelles techniques de prévention biomédicales qui sont apparues dans les débats ces dernières années, on en aurait presque oublié le thème le plus classique dans ce domaine depuis de nombreuses années, la recherche d’un vaccin.
Jour 1 : Lundi 5 Mars
Jour 2 : Mardi 6 Mars
Jour 3 – Mercredi 7 Mars
Jour 4 – Jeudi 8 Mars
Ouverture de la XIXème CROI
Prévention, prévention et…prévention
La première présentation de la CROI 2012 qui occupe la place la plus prestigieuse de cette conférence lui a justement été consacrée.
C’est au Californien Dennis Burton qu’a été confié l’honneur de la première présentation, dédiée à Bernard Fiels, un chercheur de premier plan dans le sida décédé en 1995. Il a consacré cette présentation au sujet le plus en pointe dans la recherche vaccinale VIH, les anticorps neutralisant. En effet, dans l’arsenal de l’immunité adaptative, celle qui est douée de la capacité de mémoire, deux dispositifs complémentaires peuvent être activés, l’immunité cellulaire et l’immunité humorale. Cette dernière est essentiellement constituée de protéines spécifiques dirigées contre un agent pathogène précis et sécrétés par les lymphocytes B, les anticorps. Le but des vaccins étant de stimuler les cellules de l’immunité afin de leur faire produire une réponse immunitaire puis de la mémoriser, les chercheurs qui se sont attaqués à l’objectif d’un vaccin VIH tentent depuis le début de leur aventure d’obtenir la production d’anticorps efficaces capables de neutraliser le VIH.
Et ce n’est pas tâche aisée car on sait très bien maintenant ce qui a fait les nombreux échecs en la matière : la trop grande capacité du virus à échapper aux attaques de ce type par des mutations rapides de ses structures les plus visibles. Or, si la science a fait d’énormes progrès en matière d’analyse et de compréhension du VIH et de la maladie, elle a aussi connu des avancées gigantesques dans le même temps de ses moyens d’investigation. Ce qui n’était qu’un doux rêve dans les années 80 est aujourd’hui presque une routine de laboratoire : il est possible d’analyser des molécules complexes, de synthétiser des protéines et surtout de les concevoir à l’aide de représentations virtuelles sur ordinateur avec une qualité impressionnante.
Le travail essentiel de ces dernières années que nous présente Dennis Burton a consisté à collecter à travers le monde des anticorps chez des personnes séropositives dites « neutralisateurs d’élite », autrement dit, des gens dont l’immunité a été capable de fabriquer des anticorps particulièrement efficaces. L’analyse de ces anticorps a porté à la fois sur leur efficacité neutralisante et sur leur capacité à être actif contre le plus possible de variations du virus. Aux deux seuls modèles d’anticorps efficaces découverts par des méthodes classiques par les études menées depuis de nombreuses années, b12 et 2F5, puis plus récemment 2G12, sont venus s’ajouter de nouveaux anticorps aux capacités neutralisantes grandissantes. PG9 et PG16 puis VRC01 et enfin PPGT121 et PGT128.
Ces modèles nouveaux donnent ainsi à la recherche vaccinale des pistes remarquables pour progresser dans la voie des anticorps à fort pouvoir neutralisant qui constitue sûrement une des clés de la réussite de cette recherche. Mais ces techniques de génie biologique permettent aussi d’ouvrir la porte vers d’autres succès en matière de recherche vaccinale tant espérés comme le vaccin contre l’hépatite C ou encore un vaccin universel contre la grippe.
La deuxième présentation d’ouverture de cette CROI 2012
Traditionnellement dédiée à la mémoire de Bosenge N’Galy et Jonathan Mann, elle est consacrée à des travaux issus du monde en développement. C’est à un couple maintenant bien connu à qui a été offert cette année l’honneur de cette place. Quarrisha et Salim Abdul Karim sont chercheurs en Afrique du Sud. Ils ont créé en 2001 un centre de recherche, CAPRISA, qui se consacre à des recherches en épidémiologie, en prévention, en physiopathologie du VIH et mène des travaux sur les microbicides et sur la tuberculose. C’est l’essentiel de cette activité que le couple a présenté dans cette session ainsi que les conclusions de leurs études épidémiologiques démontrant l’impérieux besoin de solutions de prévention pour les femmes. C’est évidemment ce qui les a amenés à travailler sur les microbicides à usage vaginal conclus il y a deux ans par le résultat de l’essai CAPRISA 004 qui inaugurait la longue série des résultats de prophylaxie pré-exposition.
Parmi les autres sujets que l’on aura l’occasion de découvrir dans cette conférence, de nombreux résultats en prévention tant des études récentes de prophylaxie pré-exposition (PrEP) que sur les microbicides, la circoncision, les vaccins et l’intérêt préventif du traitement antirétroviral. Mais aussi de nombreux résultats sur les complications liées à l’infection par le VIH, les études récentes sur les réservoirs, l’éradication et l’inflammation chronique, les progrès en matière de prévention de la transmission de la mère à l’enfant, les progrès sur la question complexe de la co-infection VIH et tuberculose et quelques résultats sur les nouvelles thérapies contre le VHC.