Un groupe d’experts américains vient de rendre sa recommandation sur l’utilisation par les personnes séronégatives d’un antirétroviral en prévention de la transmission sexuelle du VIH : il devrait être commercialisé dans cette indication pour les homosexuels masculins séronégatifs, pour les partenaires hétérosexuels séronégatifs de personnes séropositives et pour toutes les personnes risquant d’être infectées en raison de leurs activités sexuelles.
En France, l’essai IPERGAY se base sur une telle technique appelée PrEP et a commencé à recruter ses premiers volontaires en janvier 2012. L’essai ne produira de résultats que dans quelques années[[www.ipergay.fr]]. Le Conseil National du Sida et le groupe d’experts français ont planché sur la question de la place de cette technique de prévention à la demande de la Direction Générale de la Santé. Leurs analyses qui devraient être publiques prochainement, ne sont pas aussi téméraires que les experts américains.
Pourquoi les Etats-Unis précipitent-ils une telle décision ? Parce que la puissance des lobbys de l’industrie pharmaceutique est telle qu’ils ne veulent pas attendre plus longtemps pour transformer cette piste encore incertaine en manne économique avant que de meilleures solutions la détrônent.
Les résultats scientifiques actuels sont-ils suffisants ? Le principal résultat, celui de l’essai iPrEx rendu en 2011, annonce une réduction du risque de transmission chez des homosexuels masculins et trans’ (homme vers femme) de 44% avec un intervalle de confiance allant de 15% à 63%, indiquant que la reproductibilité de ce résultat est incertaine . En effet, prendre régulièrement des antirétroviraux pour se protéger lorsqu’on est séronégatif n’a rien d’évident. Dans l’hypothèse même où la contrainte apparaitrait moins lourde que l’utilisation du préservatif, les effets indésirables sont là pour rappeler qu’il ne s’agit pas de simples bonbons. Par ailleurs, les analyses complémentaires ont montré que l’observance des conditions du traitement doit être très stricte pour en attendre des effets. Comment imaginer que les résultats obtenus grâce à un encadrement organisé des participants aux recherches puissent s’améliorer dans la « vraie vie » ?
Qui pourrait bénéficier des PrEP ? Les meilleurs résultats actuels, pourtant loin d’être merveilleux, sont obtenus chez les homosexuels masculins. Dans les couples stables entre partenaires de statut sérologique différent, il a été montré que la meilleure solution pour améliorer la prévention était le traitement efficace de la personne séropositive dont le bénéfice va bien au-delà de la prévention puisqu’elle lui assure aussi la santé. Mais certains économistes américains ont déjà imaginé que le traitement du séronégatif pouvait être moins cher que les soins prodigués aux séropositifs.
Qui va en bénéficier ? Ceux qui, séduits pas l’apparente facilité de la chose, auront les moyens d’acheter un pot de 30 comprimés pour un mois à environ 1000$ aux Etats-Unis ou à plus de 500 euros en France auront le droit de goûter aux antirétroviraux et à leurs effets. De quoi se payer plus de 600 préservatifs parmi les plus luxueux du marché. Mais comme toujours, le bénéfice de l’opération promotionnelle reviendra en premier lieu à son promoteur.
Dans l’industrie pharmaceutique, on parle souvent d’une prime au premier, à celui qui commercialise le plus rapidement une nouvelle stratégie de traitement ou de prévention : il est donc urgent pour les laboratoires d’être les premiers à commercialiser les PrEPs…
Les annonces triomphantes de certains médias ce vendredi matin ne sont pas seulement inconséquentes, elles assurent aussi pour de longs mois une dégradation de l’information du public sur les risques réels du sida et sur les moyens effectifs disponibles pour tout le monde de s’en protéger.