Ce mercredi 23 mai 2012, s’est ouvert à Marseille le symposium international sur le VIH et les maladies infectieuses émergentes (ISHEID). Trois militantEs d’Act Up-Paris sont sur place. Voici le feedback de la première journée.
-Encore une conférence qui ne respecte pas la législation de 2007, récemment renforcée, en matière de déclaration publique d’intérêts [[« Art. R. 4113-110. – L’information du public sur l’existence de liens directs ou indirects entre les professionnels de santé et des entreprises ou établissements mentionnés à l’article L. 4113-13 est faite, à l’occasion de la présentation de ce professionnel, soit de façon écrite lorsqu’il s’agit d’un article destiné à la presse écrite ou diffusé sur internet, soit de façon écrite ou orale au début de son intervention, lorsqu’il s’agit d’une manifestation publique ou d’une communication réalisée pour la presse audiovisuelle. »]]. Sur dix-sept intervenantEs, sans compter les questions et remarques depuis le public, seule Anna Mia Ekström les a indiqués dans son diaporama. Médecins, labos, sponsors et associations se sont donnés rendez-vous au palais des congrès du parc Chanot. Selon Patricia Enel ça ressemble au Festival de Cannes, à la différence près qu’il manque une star internationale, Robert Gallo.
-Anna Mia Ekström du Karolinska Institute de Stockholm a fait la première communication, consistant en un état des lieux de la pandémie. 34 millions de personnes vivant avec le VIH/sida. Depuis 2005 l’incidence et le nombre de décès décroissent grâce à l’augmentation de l’accès aux traitements. Elle a insisté sur le fait que la prévalence n’est pas un bon indicateur pour le monitoring de la prévention et qu’il faut le baser sur l’incidence. On constate une stabilité de l’incidence dans les pays occidentaux (avec une augmentation chez les pédés et les femmes), stabilités ou baisses en Afrique, Amérique du Sud et Asie, et enfin une augmentation en Europe de l’Est et Europe centrale, où l’accès aux traitements est très faible. À l’échelle mondiale, quand une nouvelle personne accède aux traitements, deux sont infectées. On regrette qu’elle n’ait pas fait de référence aux crises de gouvernance et de financement du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Interrogée sur les questions de prévention, elle a indiqué qu’il fallait faire des efforts de sensibilisation, notamment en Europe de l’Ouest.
–On passe ensuite à la prophylaxie pré-exposition au VIH (PrEP)[[Voir le dossier PrEP sur reactup.fr : http://www.reactup.fr/?dossier-PrEP]]. Les PrEPs sont dans l’air du temps et n’ont pas manqué d’alimenter le programme de cet ISHEID 2012. Pas d’annonce, il a s’agit davantage pour Mark Wainberg de faire un état de l’art des connaissances en la matière et de noter une nouvelle fois la résurgence du VIH dans les pays à forts revenus parmi les populations HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes).
Plus de mal que de bien ?
La question reste posée tant on ne saurait ignorer, outre des résultats contradictoires, des interprétations divergentes quant à leur efficacité, la non-protection face aux infections sexuellement transmissibles, la toxicité de l’antirétroviral utilisé, et des effets indésirables dont on n’a pas encore pu prendre toute la mesure à long terme. Cela, Mark Wainberg ne fera que le survoler, transposant aux humains, ce qui est une réussite chez les macaques vivant en laboratoire. Mais à trop faire d’expériences avec les macaques, les chercheurs finissent par pondre des singeries. Nous reconnaissons l’importance de sa réflexion sur les PrEPs intermittentes, prises plusieurs heures avant et après le rapport sexuel au moment où il évoque l’essai Ipergay : « Bien sûr, les PrEPs, ça exclut le sexe spontané, oui, mais rien n’est parfait ! ».
Et vous, vous les notez combien de temps à l’avance, vos virées dans les backrooms et vos émois flash ? [[Comme l’amélioration des connaissances, les débats éthiques, économiques et la santé publique comme individuelle sont des choses importantes et qu’elles se croisent dans un grand débat à l’endroit des PrEPs, Act Up-Paris organise une assemblée générale le 14 juin.]]]
–Nouvelles molécules anti-VHC
Le télaprévir et le bocéprévir, sont-ils déjà à la traine ?
De nouvelles molécules pour les personnes co-infectéEs c’est une nécessité, pour certaines, une urgence vitale. Ces deux dernières années, le bocéprevir et le télaprevir (désormais commercialisées comme respectivement Incivo (Janssen) et Victrelis (MSD)) étaient les deux nouvelles molécules que l’on réclamait, des traitements que l’on exigeait pour des personnes qui n’avaient plus d’autre choix thérapeutique. On peinait à obtenir des données les concernant auprès des laboratoires pharmaceutiques. Aujourd’hui on connaît de mieux en mieux les effets indésirables de ces molécules, et notamment ceux du télaprevir. Des effets indésirables très lourds qui laissent présager un avenir incertain pour ces molécules.
Mais le travail sur les inhibiteurs de protéase continue et doit s’accentuer explique Jean-Michel Pawlotsky. Une dizaine de nouvelles molécules sont à venir ; et s’annoncent particulièrement coûteuses, les nouvelles molécules hépatites sont un commerce juteux…
–Et les co-infectéEs ?
C’est dès maintenant qu’il nous faut avoir des données. Les laboratoires et la recherche publique doivent les intégrer dès maintenant pour ces nouvelles molécules et ne pas systématiser les erreurs et les oublis passés.
L’espoir d’un traitement sans interféron demeure, conclue J.M Pawlotsky, c’est l’avenir de la thérapie VHC, avec le nombre de molécules VHC au stade de développement clinique ; on a envie d’y croire.
-David Back de l’université de Liverpool est intervenu sur les questions d’interactions entre les traitements anti-VIH et anti-VHC. La recherche des mécanismes impliqués dans ces interactions est cruciale et doit être un souci constant des médecins suivant des co-infectéEs. La première génération d’inhibiteur de protéase du VHC est « un challenge pour la connaissance et le management des interactions ».
Certaines contre-indications de co-administrations du télaprévir ou du bocéprévir avec d’autres traitements commencent à être identifiées, notamment avec ceux qui sont hautement dépendants de CYP3A4 pour la clairance et pour lesquels des concentrations plasmatiques élevées sont associées avec des effets sérieux voire vitaux. Cependant, il est urgent d’avoir des données sur d’autres interactions, leurs conséquences sur les dosages à prescrire, les durées d’administration à envisager… En l’absence de données cliniques établies, des conseils ont été élaborés sur la base des connaissances de la pharmacologie des différents traitements. Voir le site www.hep-druginteractions.org (où vous retrouverez plein de logos de firmes).
Act Up-Paris reçoit des dons de firmes pharmaceutiques mais refuse les partenariats avec elles, et donc un fléchage des dons sur une activité particulière. Nous considérons ces dons comme une dette de sang des firmes envers les malades. À titre indicatif, Act Up-Paris a reçu en 2011 des dons de Boerhinher-Ingelheim, Gilead, Janssen-Cilag, MSD, Sanofi-Aventis & ViiV Healthcare.
Les militantEs présentEs à l’ISHEID bénéficient de bourses de la conférence.