La commission mondiale sur le VIH et le droit du PNUD a rendu hier un rapport intitulé « Risque, droit et santé ». Les pages consacrées aux travailleurSEs du sexe sont sans appel[[A partir de la page 41 de la version française.]] : les politiques répressives menées par de nombreux pays, y compris le modèle suédois de pénalisation du client, font le jeu de l’épidémie et mettent en danger les prostituéEs. AucunE partisanE de la pénalisation des clients, à commencer par la ministre Belkacem, ne pourra ignorer ces analyses sous peine de favoriser la propagation du VIH.
« (L’) « approche suédoise » (de la prostitution) est perçue comme plus juste pour les travailleurs du sexe, considérés ainsi comme des victimes. Cette approche a été utilisée par d’autres pays et a eu en réalité des conséquences graves pour les travailleurs. », indique les expertEs page 41. Et le rapport cite dans sa note 143 (page 132) une liste impressionnante de témoignages, de rapports et d’études qui fondent ce jugement. La loi n’a pas été efficace par rapport au but qu’elle s’est fixée : selon la police elle-même, le commerce sexuel est resté au niveau de ce qu’il était avant la promulgation de la loi, mais une moitié est devenue clandestin. Ces services de police judiciaires suédoises, « s’inquiètent particulièrement de l’arrivée dans la profession de femmes étrangères, souvent entièrement contrôlées par des proxénètes » (page 43). Au lieu d’avoir combattu la traite, la loi suédoise l’a favorisée. Les recommandations listées à la page 49 partent d’un grand principe : « Plutôt que de punir les adultes consentants engagés dans le travail du sexe, les États doivent garantir la sécurité au travail et offrir aux travailleurs du sexe et à leurs clients un accès à un service d’appui lié au VIH et autre service de santé efficace ». Le rapport recommande notamment : « La réglementation contre le trafic des personnes doit être appliquée pour interdire l’exploitation sexuelle, et non pour réprimer les adultes qui s’engagent de manière consentante dans le travail du sexe. ». C’est bien en faisant une distinction claire entre d’un côté, prostitution, travail du sexe, et de l’autre, traite et esclavage qu’on garantit une lutte efficace contre ces derniers tout en garantissant des droits indispensables à tous les travailleurSEs du sexe. Ne pas faire cette distinction revient « à priver les travailleurs du sexe de leur dignité et de leur autonomie de plusieurs façons et transforme des acteurs autonomes en individus nécessitant un secours. » Pour le rapport, la Suède n’est qu’un cas particulier des politiques de répression contre les travailleuses du sexe. Sont décrites, chiffres et sources à l’appui, les conséquences sur l’épidémie de VIH de toutes ces politiques. À cet égard, les chiffres de prévalence données devraient alerter toute personne soucieuse du bien-être des prostituéEs : les travailleurSEs du sexe ont 8 fois de plus de risques de contracter le VIH (page 44 et la note 168 page 136). Une étude publiée dans le Lancet (voir référence page 136 du rapport, dans la note 169) prouve que dans les pays en développement, une travailleuse du sexe est 14 fois plus exposée au VIH qu’une femme en âge de procréer. Malgré cette réalité que nous ne cessons de marteler, le sida est totalement absent des préoccupations des associations et des politiques qui luttent contre la prostitution : Vallaud-Belkacem n’en a pas exemple pas parlé. Ce rapport est une nouvelle pièce à conviction, qui se joint à la multitude d’autres, qui témoignent des dangers de la répression de la prostitution, même quand elle prend la forme de la pénalisation des clients. Nous appelons les personnes qui veulent éradiquer les prostituéEs et leurs clients à se familiariser avec ce rapport, à prendre en compte la lutte contre le VIH/sida dans leur position et à défendre enfin les droits des travailleursSEs du sexe, seul moyen de lutter efficacement contre la pandémie, mais aussi contre la traite et l’esclavage.