La recherche mondiale s’organise pour tendre vers une guérison du VIH. « Toward An HIV Cure » vise une éradication du virus de l’organisme ou une cureun traitement dans le sens large du terme visant à la guérison. fonctionnelle durable, c’est à dire une présence du virus dans l’organisme contrôlé par celui-ci sans traitement. Retour de la conférence de Washington 2012.
L’étude « Toward An HIV Cure » a été présentée à l’occasion de la conférence AIDS 2012 à Washington, et Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France, est venue y annoncer officiellement la signature d’une convention entre l’ANRS et le NIH (Institut national de la santé étatsunien) en début de conférence.
Actuellement, si les antirétroviraux permettent de vivre relativement longtemps, ils entrainent des effets indésirables, parfois graves (problèmes cardiaques, osseux, cognitifs, rénaux, etc.) et n’empêchent pas l’inflammation permanente du système immunitaire. De plus, les prix des traitements les rendent inaccessibles à la majorité des séropositifVEs dans le monde. Aussi, si une vingtaine d’antirétroviraux existent, ils ne sont pas accessible dans de nombreux pays.
Depuis deux ans, à l’occasion des conférences organisées par l’IAS (International AIDS Society), plus d’une quarantaine de chercheurs se sont réunis régulièrement pour définir des orientations et ont procédé à des consultations des associations de personnes atteintes pas le VIH/sida. A la tête du comité scientifique, presque exclusivement composé d’européens et de nord-américains (un tiers de femmes), siègent Françoise Barré Sinoussi, nouvelle présidente de l’IAS, et Steven Deeks, professeur à l’Université de Californie à San Francisco (UCSF).
Les infectiologues spécialisés dans le VIH ne sont pas les seuls à être impliqués dans la réflexion. Rappelons que le médecin de Timothy Ray Brown, le « patient de Berlin », Gero Hütter, est hématologue, et que c’est au cours du traitement d’une leucémie par greffe de moelle osseuse que Timothy a été soigné. Mais si cela ouvre des perspectives de recherches, on est encore loin d’avoir trouvé une cure, c’est-à-dire un traitement (au sens large du terme) qui permettent de guérir du sida, dont tout le monde pourrait bénéficier sans encourir un risque vital. Par ailleurs, l’étude Visconti a montré qu’une guérison fonctionnelle de longue durée était possible chez certaines personnes mises sous traitement en primo-infection et OPTIPRIM cherche à mieux comprendre les facteurs qui permettent cette guérison.
Les sept priorités
Du laboratoire à la clinique, sept priorités de recherche ont été définies par les chercheurs du programme « Toward An HIV Cure » :
– 1. Déterminer les mécanismes viraux et cellulaires qui maintiennent une persistance du VIH pendant un traitement antirétroviral prolongé et chez les HIV controllers [[Personne séropositive sans signes cliniques, ayant une charge virale inférieure à 400 copies/mL de manière prolongée et un taux de CD4 élevé, l’infection remonte à plus de 10 ans, sans aucune prise de traitement antirétroviral. Cette situation est différente de celles des Non ProgresseurEs à Long Terme (NPLT) ou séropositifVEs asymptomatiques à long terme (ALT). Ces dernières sont des personnes séropositives depuis de nombreuses années (plus de 8 parfois) qui restent asymptomatiques, sans traitement et avec une charge virale détectable et des CD4 stables supérieurs ou égaux à 500/mm3.]]. Cela comprend la définition du rôle des mécanismes qui contribuent à établir et au maintien de l’infection latente et aussi la définition du rôle de la réplication virale continue et/ou la prolifération homéostatique, c’est à dire régulée.
– 2. Déterminer les sources tissulaires et cellulaires de la persistance du virus d’immunodéficience du singe ou du VIH dans des modèles animaux et chez les individus bénéficiant d’une thérapie antirétrovirale à long terme.
– 3. Déterminer les origines de l’activation immunitaire et de l’inflammation en présence d’une thérapie antirétrovirale, et leurs conséquences sur la persistance du virus.
– 4. Déterminer les mécanismes de l’hôte qui contrôlent l’infection à VIH en l’absence de traitement.
– 5. Etudier, comparer et valider des tests pour mesurer la persistance de l’infection à VIH et détecter les cellules infectées de façon latente.
– 6. Développer et tester des agents théra-peutiques et des stratégies immuno-logiques pour éliminer sans risque l’infection latente dans des modèles animaux et chez les personnes sous antirétroviraux. Cela comprend les stratégies dont le but est d’inverser la latence et aussi les stratégies visant à éliminer les cellules latentes infectées.
– 7. Développer et tester des stratégies pour augmenter la capacité immune de l’hôte pour contrôler la réplication virale (Vaccin thérapeutiques ; voir l’article dans Protocoles 70, printemps 2012).
Et l’éthique dans tout ça ?
Mener à bien ces recherches ne va pas sans poser des questions éthiques dans les essais cliniques puisque, pour certains, ils peuvent comporter des risques encore inconnus ; notamment ceux qui consistent à réactiver les cellules latentes, à arrêter les prises d’antirétroviraux, à recourir à des procédés invasifs ou des transplantations de cellules.
Selon Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS, il faudra réussir à mobiliser des personnes vivant avec le VIH pour « Toward An HIV Cure ». Or les personnes susceptibles d’entrer dans les essais sont en relativement bonne santé et n’ont probablement pas beaucoup de bénéfices individuels à participer aux recherches. Autrement dit, il faudra que toutes les parties prenantes des essais, chercheurEs, participantEs, promoteurEs et firmes soient clairement informées et impliquées. De plus, il faudra assurément pousser des firmes à travailler de concert quand elles préféreront ne favoriser que leurs propres parts de marché.[[]]