Six mois après l’élection de François Hollande et la nomination de son gouvernement, bien peu de choses ont changé en ce qui concerne la santé publique par rapport à la mandature précédente. Rigueur et austérité restent les maitres mots et une prise en charge de qualité n’est envisageable que pour ceux et celles en ayant les moyens financiers
signataires : Act Up-Paris, Acceptess-T, Act Up Sud-Ouest, Actions Traitements, An Nou Allé, ARAP-Rubis, Cabiria, Centre LGBT Paris-IDF, Chrétiens et Sida, Collectif Droit & Prostitution, Collectif Hypertension, Comité IDAHO, Etudions Gayment, Grisélidis, Les Flamands Roses, Les Petits Bonheurs, Les Soeurs de la perpétuelle indulgence – Couvent de Paname, Mouvement Français du Planning Familial, OUTrans, SNEG, Sol en Si, STS, Strass, Tjenbé Red
La conception libérale de l’exercice de la médecine, la gestion comptable de l’hôpital public, la recherche du profit maximum dans tous les domaines de la santé, la médecine à deux vitesses, etc. : rien de ce qui concerne la dégradation de l’accès à la santé n’a été remis en cause.
Les acteurs/trices du démantèlement de l’hôpital public sont ceux/celles qu’avait nommé l’administration Sarkozy, et ils/elles ont toujours toute latitude pour accomplir leur mission et le gouvernement ne s’attaque toujours pas :
- aux principaux facteurs de renoncements aux soins : franchises, reste à charge, accès au service public de la santé
- aux causes profondes de la dégradation de la prise en charge médicale : T2A et loi HPST.
Pire, le gouvernement vient de signer un accord comprenant le remboursement partiel des dépassements d’honoraires ; c’est encore favoriser les intérêts des médecins et négliger ceux des malades.
Face aux minorités, ce gouvernement reste fidèle au souvenir que nous avions des précédents gouvernements socialistes : il ne rectifie pas les politiques meurtrières mises en place par ses prédécesseurs et entend parler à notre place. Le droit au séjour pour soins, amputé par la droite, n’a pas été remis à niveau, les travailleurSEs du sexe sont toujours sous le coup des politiques répressives déjà en place et menacéEs par des mesures du même type à venir. Concernant les salles de consommation de drogues à moindre risque (SCMR) et les programmes d’échanges de seringue (PES) en prison, ce gouvernement se contente encore d’en défendre le principe, alors qu’il est urgent d’agir. La loi sur la suspension de peine n’est toujours pas appliquée. L’égalité des droits, une évidence tant que le PS était dans l’opposition, nécessite désormais de parlementer avec ses plus farouches opposantEs, devenuEs des interlocuteurRICEs privilégiéEs.
A l’international, la continuité reste aussi la ligne directrice. Alors qu’une augmentation de la contribution française au financement de la lutte contre le sida dans les pays en développement devrait être mise en place urgemment, ce gouvernement présente des crédits à l’aide extérieure à la baisse. Le projet de taxe financière et son attribution à la lutte contre le sida, pourtant annoncé à la conférence mondiale de Washington, tourne sans surprise en eau de boudin. Dans un contexte où deux personnes sont infectées quand une est mise sous traitement, le gouvernement semble s’accommoder du risque de voir le nombre de personnes y ayant accès diminuer drastiquement. En effet, la production de médicaments génériques à bas coût est attaquée de toutes parts (procès intentés par des laboratoires pharmaceutiques, accords de libre échange négociés par l’Union européenne avec les Etats du Sud, ACTA et ses variantes). Ce gouvernement devrait se montrer particulièrement intransigeant en faveur de l’accès à la prévention et aux soins. Or, sous prétexte qu’il est urgent de ne rien faire pour ne pas brusquer des « partenaires », il renonce à défendre les malades qui risquent d’être privés de traitements. Sur la question des brevets, cette complicité avec l’alliance Commission européenne / firmes pharmaceutiques est criminelle.
Pour ce gouvernement, la question de la santé ne passe que par l’équilibre des comptes sociaux et sa régulation par le marché. Or, la prévention des contaminations au VIH et aux IST passe d’abord par l’accès effectif aux préservatifs, aux dépistages réguliers, à une information adaptée à touTEs et largement diffusée.
Le contexte de discrimination généralisée envers les minorités bloque leur accès à la prévention : travailleurSEs du sexe, prisonnierEs aux L, G, B et T
La légitimation et l’acception des discriminations réduisent l’estime de soi des personnes, et donc incitent à des prises de risque : ce gouvernement n’a encore rien fait pour améliorer le contexte social indispensable à une prévention digne de ce nom.
De même, la criminalisation et la judiciarisation de la transmission du VIH font peser sur touTEs les séropos la représentation d’une maladie honteuse et criminelle : il faut en finir avec le dépistage obligatoire en cas d’agressions sexuelles ou envers les forces de l’ordre. Outre son utilité très incertaine, et la remise en cause du secret médical qu’il implique, l’image véhiculée à propos des personnes séropositives est dangereuse et incite au silence, voire promeut la non-connaissance de son statut sérologique. Ce gouvernement doit rappeler que le préservatif demeure le meilleur moyen de prévenir les contaminations, et le rendre accessible à touTEs, dans les meilleures conditions, en lien avec les associations pour mener des campagnes, mais également pour inciter au dépistage.
Sur la pharmacovigilance, lorsqu’un problème est identifié, le gouvernement se défausse sur l’agence du médicament (ANSM). Le ViraféronPeg® en est l’exemple flagrant.
Depuis six mois, nous n’avons constaté aucun travail, ni même aucune déclaration publique allant dans le sens de l’inclusion des femmes, des co-infectéEs, des enfants, des usagèrEs de drogues ou de produits de substitution, des trans, ou des personnes ayant plusieurs pathologies, dans les essais thérapeutiques. Ces populations ne sont pas suffisamment incluses dans les essais cliniques, de fait les données manquent. Des médicaments sont mis sur le marché sans que les effets indésirables spécifiques à ces personnes soient pris en compte.
Ce gouvernement ne fait rien pour que soient mises en place des études d’interactions entre les molécules en développement et d’autres substances (médicaments ou drogues).
Ce gouvernement ne fait rien pour favoriser une recherche publique indépendante et ne propose aucune loi contraignant la publication de l’ensemble des données brutes issues des essais menés par l’industrie pharmaceutique.
Face à nos besoins vitaux, ce gouvernement adopte une posture de « ni/ni » insupportable : il ne s’oppose pas, mais ne soutient pas. A qui sert-il ?
Le seul « changement » du 6 mai 2012, c’est le désespoir et la colère qui s’enracinent un peu plus avec le volte-face opéré entre le temps de la campagne et celui du mandat.