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L’infection par le VIH augmente le risque de développer un cancer anal. Ce risque par rapport à la population générale est multiplié par 24 pour les femmes et 32 pour les hommes – par 52 pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Par ailleurs, alors que certains cancers, comme le sarcome de Kaposi, ont vu leur nombre diminuer avec l’arrivée des trithérapies antirétrovirales, le nombre de nouveaux cas de cancer anal n’a pas chuté. Deux publications récentes sur le cancer anal précisent la situation chez les personnes séropositives en France et aux Etats-Unis. Voyons plus en détail ce que disent les chiffres, notamment entre hommes et femmes.

En France [[Données publiées par plusieurs chercheurs français le 22 octobre 2012 dans le Journal of Clinical Oncology DOI:10.1200/JCO.2012.44.5486, http://jco.ascopubs.or]]

Entre 1992 et 2008, 263 cancers anaux ont été répertoriés dans la base de données hospitalière française sur le VIH. L’incidence – le nombre de nouveaux cas sur une période donnée – était 2,5 fois plus grande durant la période suivant l’arrivée des traitements antirétroviraux combinés (1997-2008) par rapport à celle antérieure (1992-1996). Par contre, qu’il s’agisse du début des traitements combinés (1997-2000) ou des périodes plus récentes (2001-2004 et 2005-2008), les incidences étaient comparables.
Pour la période la plus récente (2005-2008), la comparaison des populations séropositive et séronégative au VIH confirme un risque nettement plus élevé en cas d’infection à VIH, même avec un nombre de CD4 élevé. Les traitements antirétroviraux n’ont pas eu d’impact préventif sur ce type de cancer, particulièrement chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.

Aux Etats-Unis [[** Données publiées le 17 octobre 2012 par l’Institut National du Cancer américain (communiqué de presse, statistiques et article) dans le journal de cette institution (http://jnci.oxfordjournals.org/content/104/20/NP.5.full).]]

Le cancer anal arrive en quatrième position parmi les cancers les plus fréquents chez les personnes vivant avec le VIH (après le lymphome non Hodgkinien, le sarcome de Kaposi et le cancer du poumon). Son incidence aux Etats-Unis augmente régulièrement depuis 1940, mais il reste un cancer rare, avec une estimation de 6.230 cas recensés en 2012 sur le sol américain.

L’étude HACM [[** Données publiées le 17 octobre 2012 par l’Institut National du Cancer américain (communiqué de presse, statistiques et article) dans le journal de cette institution (http://jnci.oxfordjournals.org/content/104/20/NP.5.full).]] a permis d’évaluer le nombre de personnes atteintes d’un cancer anal, séropositives ou non, sur la période allant de 1980 à 2005. Sur 20.533 cas de cancer recensés, le nombre de personnes séronégatives est estimé à 18.868, dont 65% de femmes (12.243). Il y aurait donc 1.665 personnes séropositives (8,1% du total) comprenant 87 femmes et 1390 hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. C’est sur la période récente, allant de 2001 à 2005, que la proportion de cas associant cancer et VIH était la plus importante : 1,2% des femmes ayant un cancer anal étaient séropositives et 28,4% des hommes ayant un cancer anal étaient séropositifs. Entre 1980 et 2005, l’incidence du cancer anal a augmenté d’environ 3,3% chaque année, qu’il s’agisse de l’ensemble de la population féminine ou uniquement des femmes séronégatives. Par contre, l’incidence a augmenté d’environ 3,4% chaque année pour l’ensemble de la population masculine, mais seulement de 1,7% chaque année, si l’on ne comptabilise pas les hommes séropositifs.

Pour la population globale aux Etats-Unis (séropositive ou non), les auteurs de l’article suggèrent que les différences entre hommes et femmes en terme d’incidence du cancer anal pourraient s’expliquer par des différences d’exposition aux papillomavirus humains, connus pour leur lien avec un certain nombre de cancers, dont le cancer anal. Le risque plus élevé de cancer anal en cas de séropositivité au VIH est d’ailleurs en partie dû à une plus forte contamination par les papillomavirus humains chez les personnes vivant avec le VIH, notamment au niveau anal.

Les chercheurs citent ainsi une enquête montrant qu’en 2009, 35% des femmes entre 50 et 59 ans indiquaient avoir pratiqué un rapport sexuel anal où elles étaient réceptives, alors que seulement 10% des hommes déclaraient un tel rapport anal réceptif. L’augmentation de l’incidence du cancer anal chez la femme pourrait donc être liée à une élévation du nombre de partenaires ou à une pratique plus fréquente des rapports réceptifs anaux. La présence de papillomavirus au niveau anal chez la femme est effectivement plus fréquente que chez l’homme, mais cette fréquence est semblable à celle trouvée chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Du coup, il est possible qu’un certain nombre de cancers anaux chez des hommes séropositifs ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes ne soient pas directement imputables au VIH. Cependant, pour ce groupe d’hommes, la séropositivité conduit à un risque de cancer anal multiplié par 10 – par rapport aux hommes séronégatifs ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes.

En résumé, les données de cette étude montrent qu’entre 1980 et 2005, l’élévation de l’incidence du cancer anal dans la population américaine a été grandement influencée par l’épidémie de VIH chez les hommes, mais pas chez les femmes.