Les 7 et 8 décembre derniers se sont tenues les 7èmes rencontres organisées par le collectif interassociatif Femmes &VIH [[ Le Collectif interassociatif Femmes & VIH est composé des associations Act Up-Paris, Médecins du Monde, Le Planning Familial et Sida Info Service, en partenariat avec Action Traitements, Actif Santé, AVH 78, Aides, Dessine moi un mouton, Frisse, Ikambéré, Marie Madeleine et Sol En Si]] .
Dix ans après la création de cet interassociatif, les revendications émises par les femmes séropositives qui ont participé aux 6 ateliers (qui leur étaient réservés ou ouverts à touTEs), sont fermes et construites. Atelier 1 :le traitement comme prévention (Tasp, microbicides, etc.) :
qu’est-ce qu’on en fait ?
Atelier ouvert
Après 31 ans de suivi de VIH, les femmes se posent énormément de questions .
Que fait-on pour communiquer sur la prévention ? Quelles sont les attentes aujourd’hui ? Un bon nombre de personnes étaient membres d’associations, il a pourtant été constaté que l’information sur les PrePs[[ Prophylaxie pré-exposition]] reste floue . Le sentiment général est que ce n’est pas applicable à tout le monde. Les revendications sont les suivantes : – Connaître et être informées des protocoles et des résultats obtenus, avec une analyse genrée. – Communiquer plus clairement sur les PrePs, et expliquer pourquoi certaines populations sont concernées et pas d’autres. – Informer les femmes sur les TasPs, sur leurs avantages et leurs limites. – Affirmer que le dépistage est une nécessité absolue. Cela sans oublier qu’avec un dépistage positif, l’accompagnement doit être une priorité, n’abandonner personne seule face à sa séropositivité. – Travailler encore sur la déstigmatisation de la maladie qu’est le VIH. – Considérer avec précaution la circoncision qui reste un moyen de réduction des risques car si dans les pays occidentaux, la prévention par les traitements fonctionne, pour les pays en développement le préservatif reste l’unique moyen de se protéger. Il faut rappeler qu’un homme circoncis contaminé reste contaminant. – Rappeler que si le traitement est l’outil majeur de prévention lorsqu’il permet d’avoir une charge virale indétectable, le risque zéro n’existe pas, et les risques de contamination persistent. Quid du suivi médical régulier, d’une bonne observance, d’une charge virale indétectable depuis plus de six mois, d’aucune autre infection virale et gynécologique constatée et avérée, d’aucune maladie sexuellement transmissible et/ou de co-infection VIH-VHC ou VHB. – Demander que la recherche sur les microbicides, qui sont des outils de réductions des risques pour les femmes, soit une priorité. – Continuer la promotion du préservatif féminin, le Fémindon®, Fémidon (FC2), tant auprès des utilisatrices que des pouvoirs publics, etc., car s’il est nécessaire d’informer sur la prévention combinée, la prévention la plus sûre reste le préservatif. – Partager les moyens médicaux afin de réguler la pandémie. Si nous maintenons des continents entiers sans moyens de prévention (des préservatifs jusqu’aux traitements), l’éradication du virus ne se fera jamais, au Nord comme au Sud. Nous revendiquons la santé pour touTEs. – Le droit des femmes est en état de veille parce qu’aujourd’hui les moyens d’accès au suivi médical se réduisent, moins de gynécologues, moins de services IVG, des difficultés d’accès aux soins pour beaucoup d’entre elles. Alors, il faut réagir et défendre nos droits si durement acquis, car tout peut être remis en cause. Atelier 2 :
pénalisation et criminalisation du VIH
Atelier ouvert
Les débats ont été riches et contradictoires et trois propositions principales en sont ressorties : – Travailler sur les messages de prévention et les campagnes d’informations de telle façon qu’ils soient déstigmatisants et non-criminalisants. Surtout, ces campagnes ne doivent pas seulement s’adresser aux populations cibles – les jeunes, les migrants, les homosexuels – mais aussi à toute la population. – Renforcer l’incitation au dépistage sachant qu’il existe des freins sur lesquels il faut agir : obtenir les moyens de se soigner pour celles et ceux qui sont dépistéEs positifVEs. – Concernant la question de la pénalisation en France, se pose la notion d’intentionnalité de qui porte la responsabilité de la prévention : responsabilité individuelle, responsabilité partagée, droit des personnes à porter plainte si elles le souhaitent… Mais ce qui a été acté par toutes et tous, c’est que nous étions contre les lois qui pénalisent la transmission du VIH en tant que telle car elles renforcent la stigmatisation et ne préviennent pas la transmission. Atelier 3 :
santé sexuelle et addictions, usages et consommations
Atelier réservé aux femmes concernées par le VIH
La première recommandation générale c’est de dire qu’il est important que les personnes qui consomment des substances licites ou illicites en informent leur médecin pour d’éventuelles « fenêtres thérapeutiques » (par exemple un week-end où l’on sait qu’il est difficile d’être observante) sachant que ces pratiques se font de fait par des usagères. Les revendications sont les suivantes : – Reconnaître le cannabis comme drogue thérapeutique, puisqu’il a des effets positifs sur l’appétit, la sexualité, le bien-être, la douleur, le sommeil, etc. Les poursuites judiciaires des consommateurTRICEs de produits ne font qu’engendrer une précarisation des personnes. Dans la mesure où le cannabis soigne de manière plus naturelle que les antidépresseurs, qui sont eux remboursés, il est demandé qu’il en soit de même pour le cannabis thérapeutique. Créer aussi des salles de consommation de toutes les drogues. – Changer les représentations sur le vécu des femmes séropositives, addictes ou pas, et les représentations sur les raisons d’une addiction, comme par exemple, en rappelant la notion de plaisir dans la consommation de drogues. – Créer des lieux d’échanges de paroles entre femmes qui favorisent le lien social, l’empowerment, le partage des expériences et le développement de groupes de support. – Créer des lieux de santé adaptés aux femmes avec des médecins, des professionnels associatifs et des professionnelLEs médico-sociaux. Mettre en place une formation et une information des professionnels de ce secteur, sur la spécificité du genre vis-à-vis du VIH et des addictions. – Réaliser une enquête sociologique, médicale et scientifique sur les effets des traitements et du VIH sur la vie sexuelle des femmes – Systématiser la proposition d’un bilan annuel de santé spécifique aux femmes séropositives, en y incluant la gynécologie, la psychologie, le dosage des antirétroviraux, etc. Atelier 4 :
s’occuper de sa santé : suivi gynécologique, qualité de vie Atelier réservé aux femmes concernées par le VIH
Une fois de plus l’accent a été mis sur le sentiment que les médecins se doivent d’être beaucoup plus à l’écoute des malades, que les femmes séropositives ne doivent pas renoncer à avoir une vie sexuelle parce qu’elles sont séropositives. – Avoir une meilleure coordination entre les médecins et les spécialistes qui suivent les malades séropositives. En développant un système de réseaux, les infectiologues pourraient permettre aux femmes d’avoir une prise en charge plus globale. – Avoir des recherches sur les spécificités des femmes séropositives et co-infectées. – Avoir des rendez-vous en gynécologie plus réguliers. Ramener ce suivi à six mois permettrait un suivi des éventuels problèmes qui se posent entre deux frottis. – Avoir accès à l’information pour pouvoir être un élément moteur, pour s’impliquer personnellement dans leur prise en charge. – Concernant la qualité de vie, il faut un cadre règlementaire concernant le regroupement familial qui soit plus transparent, moins opaque. Les procédures sont lourdes et provoquent une qualité de vie médiocre quand elles empêchent les mères de vivre avec leurs enfants. – Avoir un accompagnement social individualisé exempt de tout jugement. – Bénéficier d’un revenu qui permette de vivre décemment, sans versement aléatoire, et d’un logement. – Pouvoir intégrer un dispositif de travail adapté à son état de santé. – Les actions des associations doivent être : -> mise en place d’activités mieux ciblées pour les femmes et susceptibles d’améliorer leur qualité de vie. Des moyens doivent être donnés aux associations pour y parvenir. -> organisation de plus de colloques, de rencontres où les femmes puissent se retrouver. Atelier 5 :
anciennes et nouvelles contaminées : un combat à partager Atelier réservé aux femmes concernées par le VIH
Autant pour les anciennes contaminées, qui ont pris de lourds traitements, que pour les nouvelles contaminées, le vécu et les problèmes sociaux sont les mêmes, ainsi que l’isolement lié à la discrimination et aux représentations sociales. Les revendications sont : – Travailler avec les médecins sur l’annonce de la séropositivité et l’importance de l’orientation vers des associations. – Travailler sur l’écoute des professionnels de santé aussi bien dans le suivi que pour le traitement. Particulièrement face aux effets secondaires. – Exiger une prise en compte des femmes dans la recherche, ainsi que de leurs besoins spécifiques, aussi bien au niveau des effets secondaires qu’au niveau de l’adaptation du traitement. – Financer toutes les associations, aussi bien les grandes que les petites car les associations de proximité sont moins visibles, alors que ce sont elles qui aident le plus les personnes. – Avancer sur le devenir des personnes vivant avec le VIH vieillissantes car la question des maisons de retraite se pose. – En matière de prévention, il faut s’appuyer sur les pairs pour communiquer. Cibler toutes les tranches d’âge, des plus jeunes aux plus âgées, que les adolescentEs qui sont informéEs aillent parler aux autres adolescentEs. Ne pas banaliser le VIH. Atelier 6 :
quelles préventions pour les femmes co-infectées ? Atelier ouvert à toutEs
Que ce soit les actrices et acteurs de terrain ou les personnes vivant avec la co-infection, elles et ils étaient venuEs à la recherche d’informations car démuniEs vis-à-vis des hépatites et de la co-infection, qui demeurent deux grandes inconnues par rapport au seul VIH mieux connu. Par voie de conséquence, les femmes concernées ont fait état d’un manque de prise en compte de leur VHC dans leur suivi de co-infectées, d’un manque d’informations concernant les traitements et leurs effets indésirables, leurs conséquences spécifiques pour les femmes, l’isolement, le vécu difficile lié aux traitements et le besoin de soutien. Un grand effort doit être apporté à la clarification sur les modes de contaminations des hépatites et des conduites à risques. Il en résulte les revendications suivantes : – La prise en charge des co-infections doit être globale et se faire en réseau entre les différents médecins et personnels soignants. -Alerter les ARS [[Agence Régionale de Santé]] sur la diminution de la prise en charge sociale. – Prendre en compte et en charge la douleur, avant, pendant et après le traitement et rembourser les médicaments qui permettent d’améliorer la qualité de vie. – Prendre en compte les femmes co-infectées, pas uniquement par le prisme du VIH qui occulte les virus des hépatites. – Prendre en compte des spécificités liées au genre féminin dans la vie avec cette maladie et son traitement. – Afin d’obtenir des données spécifiques sur les femmes et la co-infection, créer des cohortes et augmenter le nombre de femmes dans les essais thérapeutiques. – Obtenir un meilleur soutien des structures associatives, institutionnelles et des pouvoirs publics. – Demander des structures d’accueil et d’hébergement pour les personnes sous traitement ; avec une attention particulière à l’accès aux soins et aux droits des personnes migrantes en situation irrégulière. – Informer sous forme de campagnes de prévention, les femmes lesbiennes et bisexuelles, qui ne se sentent pas concernées par le VIH, les hépatites et leur santé en général. Un travail commence Toutes ces revendications vont maintenant être portées par le Collectif interassociatif Femmes & VIH. Il reste du travail, mais la motivation est réelle, il suffit de lire les propos de sa coordinatrice, qui a introduit la rencontre avec énergie :
« Aujourd’hui encore, nous sommes trop peu représentées dans les essais cliniques. (…), nous sommes constamment invisibilisées ou quand nous sommes regardées, étudiées, c’est encore uniquement dans le cadre de la transmission mère/enfant. (…) Il nous appartient d’exiger que les choses changent. Il est de notre devoir de faire en sorte que les instances de décision prennent en compte d’autres dimensions de la maladie qui sont propres aux femmes. Il nous appartient aussi d’imposer notre autonomie, notre capacité de décision dans la procréation, dans la médecine, dans la recherche et dans la prévention, pour qu’il ne soit plus possible d’évoquer la maternité pour justifier toutes les exclusions et toutes les formes de précarisation. »