Hier après-midi, une petite dizaine de militantEs d’Act Up-Paris a zappé la fondation Jérôme-Lejeune, en déversant du faux-sang devant la façade de son siège. La fondation Jérôme-Lejeune est une association homophobe et réactionnaire, qui soutient explicitement « La Manif Pour Tous ». Sa responsable de communication est Ludovine de la Rochère, présidente de « La Manif Pour Tous ».
Le zap mené hier est avant tout une réaction à une action menée par des militantEs de « La Manif Pour Tous » : en marge de la manifestation homophobe du 26 mai, un groupe de manifestantEs s’est rassemblé devant l’ambassade de Russie. S’estimant victimes de violences policières, ils/elles demandaient symboliquement l’asile politique à la Fédération de Russie, arguant que « La France n’est plus une démocratie (…). La Russie est un pays qui défend encore la famille et le mariage ».
Si les homophobes françaisEs louent la défense de la famille et du mariage par le gouvernement russe, nous ne pouvons oublier que les LGBT (lesbienne, gays, biEs, trans) vivant en Russie font tous les jours face à de multiples violences, discriminations et humiliations. Le 30 juin dernier, des lois homophobes interdisant la « propagande des relations sexuelles non traditionnelles » dans l’espace publique ont été promulguées par Vladimir Poutine. Derrière cet intitulé se cache l’interdiction de toute lutte contre l’homophobie et la précarisation renforcée des LGBT vivant en Russie lorsqu’ils/elles sont confrontéEs aux violences homophobes, dans un contexte où celles-ci sont à la fois fréquentes et brutales.
Comment peut-on se réclamer des politiques pratiquées en Russie sans être homophobe?
Que des homophobes françaisEs se réclament des politiques menées en Russie est donc un réel sujet de préoccupation pour nous. Un tel discours s’inscrit pleinement dans le déluge de propos et de violences homophobes qui s’est abattu sur nos communautés au cours des derniers mois, déluge face auquel les réactions tant politiques que médiatiques ont été plus que timorées. Il participe pleinement de la légitimation des agressions homophobes qui se sont multipliées pendant le vote de la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe et ne se sont pas arrêtées après sa promulgation. Rester immobile face à ces faits, c’est fermer les yeux sur ce que l’homophobie fait à nos vies : précarité économique, affective, agressions, discriminations, contaminations au VIH-sida, suicides, meurtres. L’action menée ce dimanche par Act Up-Paris n’a pas d’autre but que d’ouvrir un espace public dans lequel un discours ferme de condamnation des actes et propos homophobes et de solidarité avec les LGBT vivant en Russie puisse être porté.
Le collectif homophobe « La Manif Pour Tous » menace à présent de porter plainte contre Act Up-Paris pour ce zap. Ce qui importe ici, ce sont bien les termes mêmes dans lesquels s’expriment les réactionnaires : c’est bien « d’injures publiques » que cette organisation nous accuse. Pourtant, à bien y regarder, toutes les affiches collées hier sur le mur de la Fondation Jérôme-Lejeune ne comportaient qu’un seul mot : « homophobe ». La stratégie de ceux/celles qui soutiennent et cautionnent les agressions homophobes est ainsi particulièrement claire : il s’agit de faire passer un mot employé par des victimes pour désigner les violences et discriminations qui les frappent pour une injure particulièrement violente qui viserait les réactionnaires pour leurs « opinions ». Cette victimisation par l’agresseur n’est pas une stratégie nouvelle, elle avait précédemment été utilisée sans succès par Christine Boutin. En mai, Virginie Tellene avait également usé du stratagème en intentant un procès au sénateur Jean-Pierre Michel qui avait qualifié le mouvement « La Manif Pour Tous » des « pires des homophobes ». Plainte qui avait fini par un non-lieu.
La définition de l’homophobie n’appartient pas aux réactionnaires.
La définition de l’homophobie n’est pas à la disposition des réactionnaires : elle continue à désigner l’ensemble des violences, discriminations, stigmatisations qui frappent les LGBT. Ainsi, « La Manif Pour Tous » et ses soutiens sont homophobes à deux titres. D’une part, en manifestant contre l’égalité des droits entre couples hétérosexuels et couples homosexuels, ils cautionnent et légitiment la discrimination en fonction de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. D’autre part, ils sont directement responsables du climat favorable aux agressions et violences visant les minorités sexuelles et/ou de genre qui s’est installé cette année en France, qu’ils ont largement contribué à propager et que les associations LGBT n’ont cessé de dénoncer.
Act Up-Paris n’a pas peur de qualifier ces discours d’homophobes. Il n’est pas question de se réfugier derrière une neutralité de façade qui légitime cette homophobie à titre « d’opinion ». Ce sont bien la des mouvements essentiellement animés par la haine des gouines, des trans, des biEs et des pédés.
En Russie, les LGBT sont à la limite de la pénalisation. Le mot gay ne peut plus être prononcé sous peine d’être hors-la-loi. « La Manif Pour Tous » soutient ces mesures violentes et discriminatoires : ce n’est pas une injure que de le faire savoir, ce n’est ni une injure ni une violence que de nommer ce discours homophobe. Au contraire, c’est bien se taire à la fois sur la situation actuelle en Russie et sur le regain des violences homophobes en France qui est une injure aux victimes.
Cette tribune est signée par l’ensemble du collectif Act-Up Paris.