Deux militants d’Act Up-Paris se sont rendus à Atlanta pour suivre la vingtième édition de la CROI, la conférence américaine sur les rétrovirus et les infections opportunistes qui se tenait du 3 au 6 mars 2013. Conforme à son principe fondateur, « Information = pouvoir », Act Up-Paris considère que cet événement scientifique est un lieu essentiel de réappropriation du savoir médical. La conférence a fait l’objet de chroniques sur le site d’Act Up-Paris ; le compte rendu ci-dessous en est partiellement tiré. La conférence a reflété l’état de la recherche : pipeline restreint de nouvelles molécules anti-VIH, pipeline chargé sur les hépatites, peu de chose en recherche vaccinale, les questions qui perdurent sur l’étiologie des comorbidités et la recherche d’une rémission du VIH fonctionnelle à moyen et long termes. Il est impossible de tout restituer. Voici ce que nous voulions mettre en avant.
Les références indiquées entre parenthèses et précédées d’une dièse –e.g. (#554)- correspondent au numéro attribué par la CROI 2013. Elles peuvent vous être utiles, si vous êtes anglophone, afin de retrouver les podcasts, les webcasts et les abstracts sur le site de la conférence
Troubles neurocognitifs et système nerveux central
La session consacrée aux troubles neurocognitifs a permis d’appréhender les premiers temps de l’infection, quand elle est aigüe, pour mieux comprendre quand et comment le virus s’installe dans le système nerveux central et s’il y est d’emblée compartimenté. Il nous a également été présenté les résultats d’un essai comparant deux stratégies antirétrovirale, dont l’une était conçue pour cibler le système nerveux central.
Ces questions sont importantes, d’une part parce que la présence du virus dans le système nerveux central provoque des troubles neurocognitifs, d’autre part parce que le système nerveux central constitue un réservoir de virus et que la compréhension de sa création ouvre le chemin de son éradication.
L’intervention de Serena Spudich portait sur les tous premiers temps de l’infection à VIH-1 (#18), avec la question de repérer une éventuelle spécificité des virus qui les premiers se déploient dans le système nerveux central et ceux qui circulent dans le sang (plasma). Des prélèvements de plasma et de fluide cérébrospinal ont été effectués chez une dizaine de personnes. Les études phylogénétiques (sur l’évolution des virus à travers leur relation de parenté) qui ont été effectuées sur ces prélèvements montrent que le nombre de mutations du virus et le temps qui sépare ces mutations d’un ancêtre commun est très similaire dans le système nerveux central et le plasma. Ceci indique qu’au moment de la phase aigüe de l’infection le virus circule librement et que la compartimentation observée plus tard dans le système nerveux central advient après cette phase.
Une autre étude, présentée par Christa Buckheit Sturdevant portait également sur la compartimentation du VIH-1 sous-type C dans le système nerveux central de 43 enfants infectés récemment (#23). Là aussi c’est une comparaison de ce qui se passe dans le plasma et dans le fluide cérébrospinal qui a été utilisée avec en plus des prélèvements répétés dans le temps. Deux modalités de compartimentation dans le système nerveux central ont été observées : la séquestration rapide et stochastique (dépendant du hasard) d’une des variantes transmises par la mère chez 4 des 5 enfants infectés par plusieurs variantes ; et pour les autres, une compartimentation se mettant en place progressivement entre l’âge de 13 et 18 mois. La compartimentation de la réplication virale est achevée chez la moitié des enfants à l’âge de 3 ans.
Les résultats d’une étude visant à caractériser l’effet du traitement antirétroviral sur les performances neuropsychologiques ont été rapportés. L’étude visait à explorer l’hypothèse d’une plus grande efficacité d’une mégathérapie antirétrovirale (enfavirenz + tenofovir + emtricitabine + raltégravir + maraviroc) par rapport à une thérapie standard (enfavirenz + tenofovir + emtricitabine) (#19). 36 participants ont été répartis dans ces deux stratégies et ont passé, outre des tests biologiques, des tests de performance neuropsychologiques à l’entrée de l’essai, puis 3 et 6 mois après l’initiation du traitement. Les résultats de ces tests ont été comparés à ceux d’un groupe contrôle de séronégatifs, et entre eux pour ce qui est de l’évaluation des deux stratégies thérapeutiques. Dans cette étude, plus la charge virale est élevée, plus les performances neuropsychologiques baissent et la quantité de CD4 semble jouer un rôle protecteur. Les antirétroviraux ne semblent plus apporter d’amélioration après le troisième mois de prise. Enfin, la mégathérapie ne parvient pas à une meilleure restauration des performances neuropsychologiques que la thérapie standard. Notons quand même que ces trois études ont été menées sur des effectifs assez faibles…
Vieillissement
On a souvent entendu dire que le VIH accélérait le vieillissement. Des chercheurs ont voulu savoir s’il s’agissait véritablement d’un vieillissement précoce ou d’une prévalence plus forte de pathologies associées à l’âge et arrivant aux mêmes âges que parmi les séronégatifs. Pour cela, ils se sont penchés sur la prévalence et l’âge moyen de la survenue d’infarctus du myocarde, de cancers non classant sida et de pathologies rénales en stade terminal (#59). À partir d’une cohorte américaine incluant plus de 80 000 personnes, ils ont adjoint à une personne séropositive au VIH, deux séronégatives du même âge, de la même appartenance ethnique et vivant au même endroit. Voici les résultats après analyses.
Infarctus du myocarde : la moyenne de survenue est de 55 ans pour les deux groupes, en revanche le risque de survenue est accru de 81 % (risque X 1,81) pour les personnes séropositives.
Cancers non classant sida : la moyenne d’âge de survenue est légèrement plus basse chez les personnes séropositives (55,7 ans contre 58,5) ; le risque de survenue est accru de 37 % pour les séropositifs.
Pathologies rénales en stade terminal : la différence entre les moyennes d’âge de survenue n’est pas statiquement significative ; le risque est accru de 55 % pour les personnes séropositives.
Ils concluent que si elles ont un risque accru d’avoir un infarctus du myocarde, un cancer ou un problème rénal sévère, ces pathologies arrivent en moyenne au même âge si l’on tient compte des facteurs de risques.
Réflexion sur le design des essais
La session consacrée au design des essais revenait sur des débats méthodologiques qui animent fréquemment la recherche, à l’image du débat sur la nécessité ou non d’un bras placebo pour l’essai IPERGAY en France. Avec beaucoup de pédagogie, Caroline Sabin revenait sur les mérites comparés des différents types de design envisageables pour des essais : essais randomisés avec un bras contrôle, cohortes, études de cas, etc.( #12) Timothy Allett, quant à lui, interrogeait l’articulation entre essais (sur des personnes) et modèles (mathématiques) (#13). Plaidant pour une vision « symbiotique » de cette articulation, il insistait sur la nécessité de ne pas mettre en concurrence essais et modèles dans les politiques de la recherche, par exemple en défendant le caractère plus « pur » des modèles, ou au contraire en pourfendant leur manque de réalisme. Dans cette idée de symbiose méthodologique, les modèles servent notamment à construire les protocoles les plus pertinents pour de futurs essais, mais également à extrapoler, les dites extrapolations devant ensuite être vérifiées par des essais, permettant de construire de nouvelles hypothèses… En somme, cette alliance disciplinaire des mathématiques et de la recherche empirique permet de construire des cercles vertueux afin de mieux appuyer les hypothèses de recherche.
Traitement de seconde ligne sans inhibiteur nucléosidique ou nucléotidique de transcriptase inverse (INTI) : des résultats qui devraient faire évoluer les recommandations de traitement
La Second Line Study Team a présenté un poster (#180LB) sur une étude visant à voir s’il était possible de se passer d’INTI en traitement de deuxième ligne chez les personnes n’ayant jamais reçu d’inhibiteur d’intégrase ou de protéase, en échec virologique avec un traitement de première ligne comprenant un inhibiteur non-nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI) et 2 INTI. L’étude a intégré 541 personnes (dont 45 % de femmes) réparties en 2 bras : lopinavir boosté avec du ritonavir, avec ou sans raltégravir selon le bras. Elle conclue à une non-infériorité des stratégies testées par rapport à l’association lopinavir + ritonavir + 2 ou 3 INTI. Les résultats en termes de reconstitution immunitaire et d’effets indésirables sont les meilleurs avec l’association lopinavir+ritonavir+raltégravir.
L’essai OPTIONS (#153LB) avait également pour objectif de répondre à la question : « peut-on mettre en place un régime de seconde ligne après échec virologique sans INTI et sans compromettre les chances de succès ? ». Ayant inclus 360 personnes et comparé diverses combinaisons thérapeutiques avec et sans INTI, l’équipe américaine conclue qu’il est possible de le faire si plus de deux antirétroviraux sont utilisés.
Hépatite C
Robert Schooley de l’Université de Californie à San Diego a présenté ce qui devrait amener des changements importants dans la recherche contre l’hépatite C dans les prochaines années (#5).
Il est parti d’une comparaison entre les épidémies d’hépatite C et de VIH aux USA, indiquant que le nombre de personnes infectées par le VHC, de même que le nombre de morts, est plus important que pour le VIH. Par ailleurs, la majorité des infections à l’hépatite C se fait par usage de drogue (sniffée ou injectée), alors que la transmission sexuelle est largement majoritaire pour le VIH. La proportion des personnes séropositives au VIH co-infectés à l’hépatite C est importante, alors que celle de séropositives au VHC co-infectées au VIH est nettement plus faible. Cette description est transposable en France.
Passant très brièvement sur les résultats parmi les plus prometteurs des antiviraux directs en cours d’essai, il conclut que des taux élevés de guérison devront être atteints d’ici un lustre (5 ans). Aussi de nouveaux enjeux se poseront, comme celui de tester l’efficacité et la tolérance face à des molécules mises sur le marché dans des populations qui n’auront pas été incluses dans les essais de phase II et III. On peut dire que ça s’appelle une perte de temps pour la recherche et une perte de chance, par exemple pour les co-infectés, dont certains seront morts entre-temps faute d’avoir bénéficier des nouvelles molécules. Il est par ailleurs prévu que le pic de maladies du foie dues à l’hépatite C aura lieu dans les 10 ou 15 ans ; c’est pourquoi il sera nécessaire de mieux comprendre la fibrogénèse (développement de tissu fibreux) et la carcinogénèse (naissance d’un cancer à partir d’une cellule transformée par plusieurs mutations) due au VHC afin d’y trouver des préventions, y compris pour les personnes guéries mais ayant une cirrhose. Il y aura ensuite encore du travail sur l’allègement du traitement, de sa durée, de ses effets indésirables et de ses possibles interactions. Là encore, il faut préciser que les firmes doivent dès maintenant faire des études d’interactions. Robert Schooley incite à faire d’avantage de recherches pour un vaccin prophylactique, qui pourraient en outre s’avérer utiles pour d’autres infections.
Nouveaux traitements VIH
Voici brièvement un tour d’horizon des molécules antirétrovirales contre le VIH en cours de développement, de l’amélioration d’une ancienne molécule jusqu’à l’utilisation d’un nouveau mécanisme d’action.
Dolutégravir (DTG)
l’inhibiteur d’intégrase non boosté de ViiV Healthcare confirme son potentiel avec les essais SPRING-2 et SINGLE à 50mg en une prise quotidienne (#554) : non-infériorité du DTG par rapport à 2 prises quotidienne de raltégravir (400mg), qui est actuellement le seul inhibiteur d’intégrase sur le marché ; et supériorité en association avec abacavir + lamivudine par rapport à ténofovir + emtricitabine + efavirenz. Ces deux essais, additionnés, totalisent moins de 18% de femmes ! Une bonne performance misogyne qui devrait pousser les agences de régulation sanitaire à réclamer une étude spécifique aux femmes (Cf. Protocoles 74, page 7).
Par ailleurs, des études de pharmacologie ont été menées et révèlent qu’il n’y a pas d’interaction entre le DTG et la méthadone et qu’il peut être prescrit en même temps qu’un contraceptif oral (ethinyl oestradiol et norgestimate) (#535).
Tenofovir alafenamide (TAF)
nouvelle génération de tenofovir (TDF) qui à des doses plus faibles a montré une plus grande réduction de la quantité d’ARN VIH et entrainerait moins de dommages aux os et au rein (#540). Gilead, qui développe cette prodrug de ténofovir et qui a mis au point une combinaison appelée Stribild® [[le Stribild comprend deux anciennes molécules -le tenofovir disoproxil fumarate et l’emtricitabine (commercialisées en association sous le nom de Truvada)- et deux nouvelles molécules : l’elvitegravir et le cobicistat. L’elvitegravir est un inhibiteur d’integrase ; il bloque l’action d’une protéine dont le VIH a besoin pour se multiplier. Le cobicistat est un booster qui permet de prolonger l’action de l’elvitegravir.]] contenant du TDF, a présenté les résultats à 24 semaines d’un essai en cours pour évaluer l’intérêt de remplacer TDF par TAF dans cette combinaison (#99LB). Là aussi on constate une amélioration chez les naïfs de traitement inclus dans l’essai – 97% d’hommes ! -, avec moins de perte de densité minérale osseuse – colonne vertébrale et hanche -, une moindre augmentation de la créatinine et moins de tubulopathie rénale. Cependant, si la réponse virologique est similaire, la reconstitution immunitaire semble plus lente avec la version TAF du Stribild® et l’on doit rester attentif à une augmentation des nausées. La suite après la fin de l’essai… Un nouvel essai 100% femmes pourrait se mettre en place si les essais de phase III ne recrutent pas assez de femmes.
Cenicriviroc (CVC)
Développé par Tobira Therapeutics, le cenicriviroc est un anti-CCR5 et anti-CCR2[[CCR2 est un récepteur cellulaire, qui n’est pas un co-récepteur du VIH, est présent à la surface de plusieurs types cellulaires (macrophages, cellules dendritiques et lymphocytes T mémoire) et impliqué dans diverses maladies inflammatoires – athérosclérose, résistance à l’insuline, syndrome métabolique, etc. L’infection par le VIH est aussi associée à des problèmes d’activation immune conduisant à une inflammation chronique, il peut donc être intéressant d’essayer d’enrayer ce processus avec une molécule à double activité. Le ciblage du récepteur CCR2 s’est avéré bien toléré.]] . Les résultats à mi-chemin – 24 semaines – d’un essai de phase 2b ont été présentés (#106LB) ; ils portent sur 122 indivudus – 94% d’hommes ! – naïfs de traitement ARV et séropositifs au VIH-1 avec un tropisme R5 . Sont testées deux doses en une prise par jour de cenicriviroc, 100 et 200mg, comparées à une dose de 600mg d’efavirenz, le tout toujours associé à du ténofovir et de l’emtricitabine. Les deux doses de cenicriviroc semblent aussi efficaces sur le plan virologique que l’efavirenz, cela en terme du nombre de personnes dont la charge virale passe en dessous du seuil de détectabilité ; mais il y a plus de non-réponses avec de cenicriviroc (CVC). Cependant, il y a nettement moins d’arrêt du fait des effets indésirables (EI) avec CVC. Non-réponses et arrêts pour EI semblent se « compenser », donnant un léger bénéfice au CVC. L’effet anti-inflammatoire attendu du CVC, semble se dessiner mais reste à confirmer. La suite après la fin de la phase 2… Quelle proportion de femmes dans les essais de phase 3 ?[[Pour comprendre le mécanisme des anti-CCR5 ]]
BMS-626529 et son précurseur, le BMS-663068
Bristol Myers Squibb développe un inhibiteur d’attachement grâce à une modélisation par homologie utilisant un nouveau mécanisme d’action (#542). Il s’agit de bloquer le changement de conformation de la glycoprotéine 120 (gp120) nécessaire à l’attachement du VIH sur les CD4, permettant ainsi d’empêcher la première interaction entre le virus et son hôte.
Une étude de pharmacocinétique (#534) du BMS-663068 sur des séronégatifs a montré que le booster ritonavir (RTV), de même que l’association atazanavir (ATV) + RTV, n’augmentait presque pas la concentration. Corolairement, l’absence d’interaction permettrait de ne pas avoir à ajuster les doses en cas d’association de ces molécules.
MK-1439
inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI) développé par Merck et dont les résultats de premières phases d’essai ont été présentés (#100 ; #527). Cet INNTI semble bien toléré, avoir une pharmacocinétique permettant une prise quotidienne, avoir une assez grande efficacité – y compris à 25mg/jour – et ne pas entrainer de résistances.
Résultats préliminaires encourageants des essais BOCEPREVIH et TELAPREVIH.
(#37 ; #36) Ces deux essais de l’ANRS évaluent l’efficacité de trithérapie anti-VHC par peginterféron + ribavirine + bocéprévir ou télaprévir chez les co-infectés VIH/ VHC génotype 1 en échec thérapeutique avec la bithérapie peginterféron+ribavirine. Respectivement, les résultats présentés portent sur les inclusions de 64 et 69 personnes, principalement des hommes – entre 75% et 80% -, avec une moyenne d’âge de 50 ans. Les résultats après 16 semaines de traitement sont respectivement de 63% et 88% des personnes en charge virale VHC indétectable. Ils devront être confirmés à la fin des essais en 2014 mais semblent déjà montrer ce que l’on savait déjà : le télaprévir est plus puissant que le bocéprévir mais aussi moins bien toléré.
La possibilité de voir advenir sur le marché un traitement anti-VHC sans interféron (IFN) pour les mono-infectés se précise. Mais les résultats s’enchaînent et depuis la CROI s’est tenu le congrès l’European Association for the Study of the Liver (EASL, association européenne pour l’étude du foie) . Néanmoins, les firmes pharmaceutiques brillent encore par leur manque de volonté de faire toutes les études d’interaction nécessaires – drogues, traitements de substitution, antirétroviraux VIH, etc.- des essais incluant les co-infectés VIH-VHC, chez qui le VHC évolue pourtant plus vite, et des usagers de drogues en première ligne des contaminations. Il faudrait qu’une taxe soit mise en place sur les médicaments ainsi développés qui serait destinée au financement de la recherche publique qui doit ensuite répondre aux questions qui n’intéressaient pas les firmes, comme les essais ANRS TELAPREVIH, BOCEPREVIH, de même que la pharmacovigilance.
Maladies cardiovasculaires
Une étude américaine a comparé deux groupes d’hommes, 411 séropositifs au VIH et 234 séronégatifs, pour voir si l’âge était corrélé à un risque amplifié de plaque coronaire non calcifiée (#62). Elle indique que ce n’est le cas que pour les séronégatifs, contrairement aux séropositif. C’est pourquoi les auteurs, qui ont rappelé que cela peut avoir pour conséquence des infarctus du myocarde, ont plaidé pour que leur étude soit prise en compte dans les recommandations de dépistage de plaques chez les séropositifs vieillissant.
Toujours sur des mâles participants, une étude a voulu aller un peu plus loin quant aux risques encourus. En effet, si d’autres études, comme celle qui précède, se sont préoccupées de la formation et de l’incidence de plaques athéroscléreuses, celle-ci portait sur la morphologie des plaques (#63). La morphologie (plus que la simple présence) des plaques, qui permet de voir si elle est vulnérable à une rupture, est importante parce que les ruptures de plaques conduisent généralement à des infarctus. Afin d’investiguer la morphologie des plaques, les chercheurs ont fait passer des angio-scanners à 102 personnes séropositives (CV médiane < 50 copies/ml) et 41 séronégatives de profils similaires. Les images ainsi produites ont été analysées par des cardiologues/radiologues expérimentés, qui ont classé les plaques en fonction de leurs vulnérabilités. Il ressort très clairement que la prévalence des plaques vulnérables est plus élevées chez les séropositifs, pouvant contribuer aux taux plus élevés d’infarctus du myocarde et de morts subites (Voir aussi page 17, l’intervention de Laurence Weiss au séminaire de l’ANRS).
Moins complexe et presque rafraichissante, une étude comparative sur la consommation d’aspirine et son caractère prophylactique des infarctus du myocarde (#65). Après analyse d’une cohorte de 37 046 personnes, dont 3 698 séropositifs, il en ressort que les personnes séropositives utilisent moins d’aspirine que les séronegatives, que l’écart est plus important parmi les personnes présentant des facteurs de risques cardiovasculaires, et que le bénéfice prophylactique n’est pas évidant pour les séropositifs. Les auteurs concluent qu’il faut plus d’études pour donner des indications optimales d’usage de l’aspirine aux séropos. Une personne du public ajoute qu’il faudrait en plus tenir compte du taux important de co-infection à une hépatite, alors que l’aspirine est contre indiquée car délétère pour le foie.
Recherche vaccinale
Beatrice Hahn de l’université de Pensylvanie (Philadelphie) rapportait dans la session des jeunes chercheurSEs les résultats de recherches visant à caractériser le phénotype des virus VIH-1 capables d’être à l’origine de nouvelles infections, cela partant de l’idée que tous les phénotypes de virus, c’est-à-dire leur forme ou leur présentation, n’ont pas le même potentiel d’infectiosité. En effet, l’infection d’une cellule nécessite l’action de protéines d’enveloppe à la surface du virus. La question est de caractériser les souches de virus qui ont été identifiées comme capables de traverser les muqueuses et d’infecter les cellules de l’organisme.
De telles souches, qualifiée en anglais de « transmission/founder » (TF) ont pu être identifiées grâce à des recherches expérimentales et théoriques. Les études présentées par Beatrice Hahn ont confirmé le tropisme CCR5 des virions TF. Le CCR5 est un des co-récepteurs qui peut jouer le rôle d’une clef pour que le virus puisse entrer dans la cellule.
Plus récemment, les propriétés biologiques des clones TF passant par les muqueuses ont été comparées à celles de virus contrôles (sous-types B et C du VIH-1) dans des expérimentations sur les premières étapes de l’infection à VIH-1. Les virions TF se sont avérés plus infectieux et présentaient plus de glycoprotéines d’enveloppe. Ils ont aussi une bonne capacité à se lier aux cellules dendritiques, donc d’être transportés par elles, comme d’être transférés rapidement de ces cellules aux CD4. Il apparaît aussi, que comparativement, ils ont une bonne résistance à une réponse immunitaire innée et rapide puisqu’ils se répliquent rapidement en présence d’interféron alpha.
Helder Nakaya, de l’Emory University d’Atlanta, a montré dans une intervention comment le développement récent de technologies pouvait permettre de faire avancer l’immunologie via la prédiction de certaines réactions immunitaires face à des agents. En effet, si pendant des siècles des vaccins ont été développés sans que l’on comprenne exactement les mécanismes à l’œuvre dans leur efficacité, il est désormais possible d’accéder à des informations sur tous les composants d’un système biologique (gènes, protéines, cellules…) et de les modéliser. Après avoir décrypté les caractéristiques de plusieurs vaccins d’efficacité et de durée différentes, faisant des allers-retours entre la caractérisation clinique et la modélisation, il devient ainsi possible de préfigurer comment devrait être le candidat vaccin le plus efficace. Mais cela reste néanmoins un travail de longue haleine, et apparemment relativement peu avancé pour ce qui est du VIH.
La vedette de la CROI, absente et anonyme
Pour finir, toujours des questions porteuses d’espoir : quelques éléments de compréhension quant au bébé guéri. « Une gamine a volé la vedette », c’est la traduction du titre de l’article du bulletin de l’International AIDS Vaccine Initiative qui relate le cas décrit par Deborah Persaud (#48LB) [[IAVI Report, vol. 17, n°1, printemps 2013]]. Née prématurée d’une mère dépistée séropositive pendant la grossesse, une petite fille a été mise sous traitement 30 heures après sa naissance. Le traitement habituellement utilisé dans ce cas de risque d’exposition au VIH, est l’AZT et la névirapine ; dans le cas présent elle a reçu en plus de la lamivudine (3TC). 31 heures après la naissance un prélèvement est effectué ; il s’avère qu’elle a une charge virale à presque 20 000 copies/mL. Au septième jour de traitement la névirapine a été remplacée par du lopinavir. Les prélèvements effectués 7, 12 et 20 jours après la naissance, montrent une baisse progressive de la charge virale, qui est indétectable au 29ème jour. La mère et la fille disparaissent du système de soins quand l’enfant à 18 mois ; le traitement est donc interrompu. Au 26ème mois, retour de la petite fille dans le système de soin et là, contre toute attente, au lieu d’observer un rebond viral, non seulement la charge virale est à une copie/mL mais en plus il n’y a plus de réplication et les anticorps ne sont plus détectables. Deborah Persaud a répondu à plusieurs questions au cours de la 20ème CROI.
Le terme de guérison fonctionnelle qu’elle a utilisé est-il approprié alors qu’il sous-entend initialement que le virus est contrôlé par une réponse immunitaire, les anticorps n’étant plus détectable ?
D. Persaud a indiqué que ce terme avait été choisit du fait qu’il est possible que la situation actuelle de l’enfant évolue et donc pour faire entendre l’incertitude qui demeure quant à une guérison totale.
Etait-elle vraiment infectée in utero ?
La détection d’ARN et d’ADN viral dans les 48 heures après la naissance est généralement admise comme une réponse positive.
Est-elle porteuse de marqueurs génétiques protecteurs de type HLA B27, HLA B57 ou CCR5 delta 32 ?
Non
Après d’autres questions-réponses qu’on ne peut toutes détailler, l’hypothèse défendue par D. Persaud et l’équipe qui a travaillé autour de ce nourrisson, selon laquelle le traitement précoce aurait empêché la constitution d’un réservoir de virus latent, ce qui est concordant avec des résultats chez l’adultes, va faire l’objet de plus amples investigations visant à pouvoir reproduire le succès observé. L’on voit ainsi que la recherche pédiatrique pourrait s’avèrer être une part importante de la recherche sur la guérison.