Le retard au dépistage entraîne une perte de chance thérapeutique massive…
Pendant le séminaire de recherche de l’ANRS, une partie des résultats des recherches de Virgine Supervie (INSERM U943) [[Délai entre infection et diagnostic et épidémie cachée du VIH en France. Virginie Supervie (Unité
« Epidemiologie, stratégies thérapeutiques et virologie clinique dans l’infection à VIH » U943 de l’Inserm et Université Pierre et Marie Curie). Présentation au Séminaire de recherche 2013 de l’Anrs
« Prévention et prise en charge du VIH/sida : vers des approches personnalisées ? ».]] a été rendue publique via un communiqué de presse de l’ANRS.
Le communiqué de l’ANRS indique qu’environ 30 000 personnes sont séropositives au VIH en France sans le savoir – on parle d’ « épidémie cachée » -, dont un tiers aurait été infectés dans les douze derniers mois ; ce qui ferait 10 000 infections au cours d’une année.
Or d’autres estimations donnent autour de 7 400 infections par an (le Vu et al. Lancet Infect Dis 2010 ; Ndawinz et al. AIDS 2011) et selon les données présentées par Virginie Supervie, on estime à 28 800 les personnes ignorantes de leur séropositivité fin 2010, avec un intervalle de confiance de 19 100 à 36 700 personnes, dont 29% pourraient l’être depuis moins d’un an, soit 8 352.
Autant dire que le communiqué de l’ANRS ne fait pas dans la dentelle et traite les estimations délicates issues des modèles mathématiques avec la dextérité d’un pachyderme dans un magasin de porcelaine. Or ce qui importe dans l’épidémiologie prédictive, n’est-ce pas la discussion sur les modèles et la marge d’erreur qui leur est associée. Déjà pour les spécialistes l’image est floue. Alors si on taille à la hache, que vont en retenir les médias ? On aurait plutôt imaginé qu’une agence de recherche fasse de la pédagogie.
Avec des dizaines de milliers de personnes séropositives qui ignorent leur statut, il est important de mesurer l’impact du retard au dépistage sur leur avenir. C’est en cela que le travail de Virginie Supervie apporte des informations importantes capables de donner la mesure de l’urgence à améliorer la politique de dépistage.
Grâce à un modèle mathématique, elle a pu estimer, au sein de « l’épidémie cachée » la proportion de personnes sous les seuils de 500 et de 200 cellules CD4/mm3 de sang. Selon les recommandations actuelles un traitement antirétroviral est indiqué en dessous de 500 CD4/mm3.
Les données présentées indiquent qu’environ 60 % des personnes qui constituent l’épidémie cachée devraient bénéficier d’un traitement tandis que près de 20% auraient moins de 200 CD4/mm3, seuil en dessous duquel le risque vital est fortement aggravé.
Il y a donc vraiment urgence à améliorer les politiques de dépistage – puisqu’il y aurait entre 10 900 et 22 400 personnes en dessous de 500 CD4, devant donc bénéficier d’un traitement, qui ignorent simplement qu’elles en ont besoin.
Cependant, améliorer les politiques de dépistage ne doit pas être synonyme de faire n’importe quoi. Là encore, le communiqué de l’ANRS parle des autotests comme s’ils étaient déjà facilement disponibles. Ce n’est pas le cas, et si on en attend des effets certes utiles mais à la marge, ils ne remplaceront pas les carences du système classique de dépistage. Par ailleurs, l’efficacité des autotests est un enjeu majeur qui doit être précisément évalué ; or, le test salivaire évoqué par l’ANRS est le moins fiable (voir l’article spécifique aux autotests).