La 20e conférence mondiale sur le sida s’est ouverte dimanche soir à Melbourne. Son mot d’ordre, intensifier l’allure (stepping up the pace), peut sembler banal pour qui n’est pas engagé dans la lutte contre le sida.
Mais rien qu’en découvrant le programme de cette conférence il y a déjà plusieurs semaines, avec un peu d’habitude de ces grands rassemblements internationaux, le mot d’ordre devenait déjà plus limpide. Et depuis
dimanche soir, il prend tout son sens.
C’en est fini des conférences mondiales largement dominées par la recherche fondamentale et clinique. Ce sont désormais les sciences humaines, sociales et politiques qui tiennent le devant de la scène. Les leaders des grandes organisations ont replacé les cliniciens de renom dans les plénières. L’heure est au déploiement des actions, au renforcement des structures, au développement des programmes. Mais cela a plusieurs implications.
La première, évidemment, c’est le nerf de la guerre : l’argent.
Les injonctions sont claires : le fonds mondial doit être financé à la hauteur de ses besoins c’est-à-dire au double de ce qu’il est alimenté à ce jour. Mais l’autre élément d’analyse est aujourd’hui également l’engagement financier local, pays par pays, dont on nous montre qu’il conditionne directement la réponse à l’épidémie. Et ce n’est pas tant un problème de moyens dont il est question ici, mais bien plus un signe de l’engagement politique local.
La deuxième tient en une expression qu’on n’a jamais entendue autant : « key populations », les populations clé.
De qui parle-t-on ici ? D’hommes ayant du sexe avec des hommes (MSM), de trans, de travailleurs du sexe, d’usagers de drogues, de femmes, de jeunes femmes, de prisonniers, de migrants, mais pas sous une approche globale et universelle, au contraire, au cas par cas, région par région, il s’agit de détecter les faiblesses, les stigmatisations et les causes de discriminations.
Ceux que l’on stigmatise ici, à Melbourne, ce sont les gouvernements qui discriminent les gays et les trans, les législations qui condamnent les travailleurs du sexe, les systèmes qui favorisent les inégalités de genre. Mais même si l’Afrique sub-saharienne porte encore et toujours le plus lourd fardeau des trois quart de l’épidémie mondiale et donc focalise toutes les attentions, on sent bien que personne n’est épargné par les observateurs du respect des droits humains.
La troisième, enfin, c’est la nécessité de passer à la vitesse supérieure.
Les constats scientifiques sont clairs : on dispose des outils pour faire régresser l’épidémie. Encore faut-il atteindre la masse critique de mise en œuvre pour que l’effet soit réel.
On atteindra peut-être les 15 millions de personnes vivant avec le VIH sous traitement en 2015 (le compteur indiquait ce mardi matin 13,9 millions), mais il faut aller plus loin et plus vite. Mais pas n’importe comment. Les outils et les marqueurs dont on dispose aujourd’hui permettent d’adapter les réponses de façon « chirurgicale » en renforçant au cas par cas les besoins et les manques avec précision.
C’est le principe du maillon faible qui est recherché. Ainsi, par exemple, il a été observé que 6% du territoire de telle région du Kenya produisait plus du tiers de l’épidémie de la région. Il faut donc renforcer en priorité les structures aux endroits défaillants. Les projections sont sans équivoque. Le temps est à la mise en œuvre effective et structurée de tous les outils dont on dispose, tant en matière de prise en charge que pour la prévention, afin d’observer un réel infléchissement de l’épidémie.
Pour les anglophones, la conférence AIDS 2014 a un site internet très efficace . Il suffit d’utiliser le « programme at a glance » pour trouver en plus du programme complet de la conférence, au fur et à mesure du déroulement, tous les supports des sessions, abstracts, diapos ou video.