Deux résultats d’essais très prometteurs concernant la prophylaxie pré-exposition ont été dévoilés le 24 février 2015 à la Conférence internationale sur les rétrovirus et les maladies opportunistes (CROI).
Ces deux essais, PROUD conduit au Royaume-Uni et IPERGAY conduit en France ont tous les deux rencontré des modification de leur schema d’étude avant leur terme, à la demande de Comité de protections des participants, compte-tenu de l’efficacité de l’intervention déjà constatée : 86% dans les deux cas, mais avec des intervalles de confiance respectifs de 62 à 96% pour 90% de confiance dans le premier cas et de 39,4 à 98,5% pour 95% de confiance dans le second.
L’essai français, qui évaluait l’efficacité d’une dispensation à la demande de truvada pour la protection de la transmission du VIH est, à ce jour, l’essai qui démontre la plus forte efficacité pour cette stratégie de prévention. Toute la question est aujourd’hui de savoir comment traduire ces résultats dans la vie réelle et de comment poursuivre la recherche dans ce domaine.
Ces résultats ont été obtenus dans des groupes de populations spécifiques où l’incidence était très forte (6,75% en France dans IPERGAY et 7,6% dans PROUD[1]) et où l’usage du préservatif était inconsistant pour 70% des participants dans l’étude française. En outre les participants ont bénéficié d’un accompagnement comportemental spécifique.
Dans l’éventualité actuelle d’une mise à disposition de la PrEP, cela pose deux questions :
- D’une part, comment offrir à l’ensemble de la population gay un même standard de prévention notamment en termes d’accompagnement et de santé sexuelle ?
- D’autre part, de savoir dans quelle mesure ces résultats très positifs sont réellement transposables dans la vraie vie et aux autres populations, non seulement parmi les gays, mais plus généralement ?
Dans l’essai français, les seules indications de l’incidence relevée dans le cours de l’étude (6,75 pour cent personnes-années et 0,94 pour cent personnes-années respectivement dans les deux bras de l’essai français), ou de la prévalence des infections sexuellement transmissibles (34%) sont là pour nous rappeler que la PrEP ne constituera probablement pas une solution adaptée pour chacun, et surtout à elle seule efficace face à l’ampleur de l’épidémie chez les gays. Presque 1 contamination pour cent personnes par an reste une incidence relativement élevée alors même que l’accompagnement était extraordinaire et l’environnement en termes de droits humains plutôt favorables. C’est probablement la raison pour laquelle l’investigateur principal de l’essai français alerte sur la nécessité de ne pas abandonner la promotion des préservatifs.
L’autre question soulevée par ces résultats concerne la recherche. D’abord, Act Up-Paris n’oublie pas le rôle qu’ont joué les premières participantes à ce genre d’essais préventifs non seulement dans l’obtention de ces résultats, mais surtout pour exiger que ce genre d’essais, lorsqu’ils étaient menés dans les pays du Sud, soient conduits avec toutes les garanties d’éthique et d’accès aux soins. Aujourd’hui, la preuve d’une efficacité forte étant faite, il s’agit de savoir comment continuer la recherche sur les prophylaxies pré-exposition pour obtenir des résultats qui puissent directement bénéficier à toutes les populations concernées par le VIH. Cela veut dire continuer l’investissement dans la recherche et inventer de nouvelles stratégies d’investigation respectueuses de l’intérêt des participants pour obtenir une meilleure efficacité dans les résultats. Cela veut également dire, lorsque des produits s’avèrent réellement efficaces pour empêcher la transmission du VIH, garantir un accès pour tous en exigeant de l’industrie pharmaceutique qu’elle pratique des prix décents et en ayant recours à des licences obligatoires, comme cela devrait être davantage le cas pour soigner les personnes séropositives qui meurent toujours par milliers dans les pays pauvres.
Tout en se réjouissant de cette avancée décisive de la recherche sur le VIH, Act Up-Paris alerte tous ceux qui voudraient se convaincre que l’on aurait enfin trouvé la solution miracle pour mettre un terme à l’épidémie, et rappelle que le plus difficile est probablement encore devant nous. Et que si nous n’y prenons garde, la dure réalité de l’épidémie, notamment en France chez les gays, se chargera de nous le rappeler. Déjà, une mauvaise nouvelle vient ternir les bonnes : l’apparition de résistances dans l’essai PROUD.
Il convient donc de garder la tête froide pour interpréter toutes les dimensions de ces résultats et de poursuivre le travail d’expérimentation des PrEP sans éclipser des pans essentiels de la lutte contre l’épidémie.
[1] Chiffres qui doivent être rapportés à l’évaluation de l’incidence dans la population gay réalisées en 2009, PREVAGAY à 3,8% et à l’évaluation de l’incidence dans la population gay de 1% proposée par l’INVS.