Le projet de loi sur le renseignement met en place une surveillance généralisée de l’ensemble des citoyen-nes. Il étend les motifs d’écoute et de surveillance à des textes qui peuvent s’appliquer aux combats des associations de lutte contre le sida et les hépatites virales. Il doit être retiré.
Critique des politiques économiques et scientifiques françaises = terrorisme ?
Le projet et les amendements adoptés en commission des lois autorisent les écoutes pour le recueil de renseignements relatifs, entre autres, aux intérêts économiques et scientifiques de la France. Or, les luttes des malades ont souvent été opposées à ces mêmes intérêts. C’est bien au nom des intérêts économiques et scientifiques de la France que des socialistes et des responsables administratifs ont repoussé, au milieu des années 80, les mesures indispensables à assurer la sécurité transfusionnelle, se rendant responsables du scandale du sang contaminé. Combien de scandales sanitaires, comme celui de Servier, auraient pu être évités, s’ils n’avaient pas été couverts au nom de prétextes assimilables à la défense des intérêts économiques et scientifiques de la France ? Nos combats nous amènent à remettre en cause le système économique et scientifique français : prix du médicament, instances opaques, carences de la pharmacovigilance, démantèlement de la Sécurité sociale, baisse des subventions pour des actions qui sauvent des vies, abandon des malades des pays pauvres, etc. Quelle garantie avons-nous qu’un prétexte aussi flou – que la commission des lois s’est empressée d’élargir – ne transforme pas le plaidoyer de nos associations en une menace pour les intérêts économiques et scientifiques de la France ? Rien dans les décennies passées en matière de vigilance, de respect des lanceur-ses d’alerte, de réactivité, de lutte contre les conflits d’intérêt, ne saurait nous rassurer en la matière.Désobéissance civile et manifestation = terrorisme ?
Le projet prévoit aussi de légaliser les écoutes pour « prévenir les actions collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique. » De nombreuses voix (syndicats, associations de défense des droits humain, syndicats, magistrat, y compris de la lutte anti-terroriste) ont dénoncé l’amalgame probable de cet article avec les protestations du mouvement social. C’est notamment vrai pour nos combats, qui ont toujours eu besoin d’actions de désobéissance civile qui pourraient relever d’une interprétation élargie de cet article de loi : distribution de seringues à une époque où c’était interdit, accueil d’usagErEs de drogues avant l’institution de la réduction des risques, mise de côté des lois répressives pour accueillir sans-papiers, travailleuses du sexe, usagErEs de drogues, entrave à l’expulsion d’étrangErEs malades dans des pays où on ne pourra les soigner, manifestations non autorisées pour dénoncer de graves blocages institutionnels, etc. Ces actions ont fait avancer la lutte contre le sida et les hépatites. Désobéir à la loi est une nécessité quand la loi, et la société, excluent et marginalisent des populations entières en les rendant plus vulnérables à l’épidémie. Les militant-es qui ont mené ces actions de désobéissance civile ont toujours assumé les conséquences de leurs actes face à la justice. L’histoire de la lutte contre le VIH et les hépatites leur a donné raison. Faudrait-il dès lors nous considérer comme potentiels terroristes et nous mettre sur écoute ?Alors même que des actions similaires restent nécessaires pour alerter politique et responsables administratif-ves des graves lacunes de notre système de santé, doit-on s’attendre à être traité-es en terroristes ? En répondant à des actes de terreur par des mesures de peur et de suspicion, la majorité donne aux terroristes ce qu’ils et elles veulent : moins de démocratie, le soupçon généralisé, des scissions supplémentaires au sein de la société. Ce faisant, elle menace nos combats, nos actions. Nous appelons au retrait de ce projet de loi. Nous incitons nos militantEs, adhérentEs, sympathisantEs, à participer à la campagne organisée par la Quadrature du Net et à contacter leur député-e pour dénoncer ce texte.