Nos associations appellent les député-es à voter contre le projet de loi sur le Renseignement. Les débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale ont confirmé nos inquiétudes. Ils les ont parfois renforcées. Les parlementaires favorables au texte doivent cesser de mépriser l’expertise de la société civile et se rendre enfin compte que les restrictions aux libertés et aux droits, confirmées par ses artisans eux-mêmes, ne permettront pas de lutter contre le terrorisme.
Traiter les militantEs des droits humains en terroristes
Comme nous l’indiquions lundi, la mention des « intérêts majeurs économiques, scientifiques et industriels de la France » comme finalités est très floue et peut s’appliquer aux associations remettant en cause la politique française quand celle-ci menace la santé ou les droits des citoyen-nes. Le président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, promoteur du texte, a confirmé en séance lundi soir, la réalité de ces pratiques et conclu que le texte en débat les prolongera[[À des exemples précis de risques pour des militant-es, des lanceur-ses d’alerte ou de journalistes d’être surveillé-es, Jean-Jacques Urvoas a fini par répondre : « Nous sommes régulièrement confrontés à cette question : aujourd’hui, si un service veut demander une interception de sécurité sur une personne, le travail de la CNCIS est de vérifier si celle-ci est conforme à la loi. Si c’est le cas, l’autorisation sera donnée ; sinon, l’avis de la Commission sera défavorable. Ces avis sont suivis ou non par le Gouvernement mais, dans 98 % ou 99 % des cas, ils le sont – relisez les vingt-et-un rapports de la CNCIS. Demain, il se passera exactement la même chose. Nos services ne sont pas des administrations hors-sol : ils sont pilotés et dirigés, on en assume la responsabilité. Ils ne prennent pas des initiatives de leur propre chef. J’imagine que le responsable de la DGSE en parle au ministre de la défense et que celui de la DGSI évoque les sujets avec le ministre de l’intérieur. Il se passera demain avec les autres techniques la même chose qu’aujourd’hui avec les interceptions de sécurité. »]]. L’article premier ouvre donc bien à une surveillance généralisée des citoyen-nes, notamment des militant-es des droits humains qui sont mis-es sur le même pied que des terroristes. Au-delà de cette menace directe sur nos combats et les libertés humaines, il en va aussi de l’efficacité de la prévention des attentats : qui peut croire qu’il sera plus facile d’anticiper des actes terroristes en surveillant ainsi les militant-es des droits humains ? Il y a là une contradiction que les députés favorables au texte n’ont pas voulu résoudre.Menaces sur nos vies privées et la confidentialité de notre état de santé
De nombreux amendements protecteurs ont été repoussés. Ils visaient à introduire de fragiles garde-fous pour garantir la protection de nos vies privées, notamment des échanges concernant notre santé, mais aussi notre sexualité, nos opinions, nos loisirs. La commission de contrôle, notamment, n’aura pas les pouvoirs suffisants par rapport aux enjeux. Les discussions ont témoigné d’une rare désinvolture chez beaucoup d’élu-es face aux questions de confidentialité et de respect de notre vie privée. Sur les questions de santé, notamment, la majorité des parlementaires estimait que les médecins devaient être en partie protégés, sans se rendre compte que le secret médical appartient au patient, et non au professionnel[[Mardi soir, en séance, Jean-Jacques Urvoas indiquait : « Autant je comprends, du point de vue du fonctionnement de la démocratie et de la vie publique, la nécessité de protéger des professions comme celles de journaliste ou d’avocat, autant il me semble que celle de médecin n’entre pas exactement dans le même champ. ». Et il a fallu rappeler au promoteur du texte, le député socialiste, que le secret médical protégeait le patient, et non le médecin.]]. Sans se rendre compte non plus des conséquences pour notre travail de suivi, s’il était confirmé que nos associations seraient sous surveillance quand elles sont contactées par des personnes vivant avec le virus du sida ou des hépatites virales. Ce texte représente un danger réel pour la démocratie, pour les droits de chacun-e à la vie privée et pour le travail de nos associations. Les député-es doivent s’y opposer, ne pas se contenter de l’abstention et voter contre. Les promoteur-ses du texte doivent cesser de répondre à nos préoccupations par le mépris et se rendre compte de la réalité des menaces qu’ils font peser sur nos droits.