Avec la fin du mois de juin vient le temps de la marche des fiertés LGBT parisienne. L’occasion de se rassembler, de se compter, de marcher, de danser, d’être visibles en somme.
L’épidémie reste pourtant toujours aussi invisible dans la marche, en dehors des traditionnelles minutes de silence en mémoire des mortEs du sida. Difficile de parler de maladie lorsque l’on veut danser. Difficile d’évoquer la précarité de nombreuxSES séropos parisienNEs lorsque l’on veut se trémousser. Difficile de compter des contaminations toujours plus nombreuses lorsque nous voudrions nous contenter de compter des pédés, des trans, des gouines et des biEs heureuxSES et fiEREs de l’être. Appartenir à des minorités vulnérables face au VIH, voilà pourtant qui nous rassemble. Femmes trans ou pédés, le virus fait partie de nos vies même lorsque nous essayons de l’oublier. C’est le cas pour ceuxLLES d’entre nous, nombreuxSES, qui sont séropositifVEs : près d’un pédé sur cinq fréquentant les lieux de convivialité parisiens était séropo en 2009. C’est aussi le cas pour ceuxLLES d’entre nous qui sont séronégatifVEs : même lorsque nous l’ignorons, ce sont nos amiEs, nos amantEs, nos proches qui vivent avec le VIH. Nous sommes toujours plus nombreuxSES à faire face aux contaminations : chaque année, près de quatre pédés séronégatifs sur cent fréquentant les lieux de convivialité parisiens deviennent séropositifs. Aux Pays-Bas, 70% des nouvelles contaminations sont liées à des personnes qui viennent elles-mêmes d’être contaminées et qui ignorent leur statut sérologique. La situation est vraisemblablement la même à Paris. La stigmatisation des séropos, le sérotriage, l’indifférence quant à l’épidémie alimentent le flot des nouvelles contaminations. L’insouciance ne protège pas. Ce n’est pas une fatalité : les moyens existent aujourd’hui pour enrayer la dynamique de l’épidémie. Cela pourrait devenir une fatalité, si nous nous contentons de fermer les yeux et refusons de combattre ensemble l’épidémie. Combattre l’épidémie, c’est d’abord mettre un terme au relâchement des pratiques de prévention, multiplier les pratiques safes, prendre soin de nos amiEs, de nos amantEs, de nous-mêmes. Capote, gel, dépistage, check-up santé sexuelle au 190, traitement post-exposition sont nos alliés. Combattre l’épidémie, c’est aussi lutter contre les discriminations et violences qui nous visent en tant que minorités sexuelles. L’isolement qui en découle est un obstacle majeur dans l’accès à l’information et aux dispositifs de prévention, de dépistage, de soin. Homophobie = contaminations. Combattre l’épidémie, c’est enfin ne pas craindre de s’aventurer sur des terrains politiques qui semblent au départ plus larges que la seule lutte contre les violences et discriminations qui nous visent. Lorsque près d’un séropo sur cinq suivi à l’hôpital en France se prive de nourriture, nous contenter d’une égalité formelle dans la loi et d’une condamnation des violences homophobes et transphobes, c’est nous tirer une balle dans le pied. C’est sur l’ensemble des terrains politiques, sociaux, économiques que nous devons nous mobiliser. Le sida est une épidémie politique. Pédés, trans, biEs, gouines, c’est d’une politique qui refuse la droitisation généralisée dont nous avons besoin. Contre le sida, danser ne suffit pas.