La présence de condylomes (verrues ou néoformations d’origine virale localisées au niveau des muqueuses génitales ou anales) est le résultat de l’infection par le Papillomavirus humain (HPV), infection sexuellement transmissible la plus fréquente. On peut être porteur de HPV et rester asymptomatique sans développer de lésions telles que des condylomes. L’utilisation du préservatif ne permet pas de se protéger efficacement des HPV. Il suffit d’un simple contact, par exemple avec les doigts ou avec un objet pour les transmettre d’un organisme à l’autre.
Cas particulier des séropos
Se débarrasser de condylomes pour un séropo (porteur du VIH) est bien plus difficile que pour un séroneg et on le comprend du point de vue de l’immunité. Les séropos développent plus facilement des condylomes et ces condylomes sont beaucoup plus envahissants. A peu près un séropo sur quatre développe des condylomes. Par ailleurs, il est bien plus contraignant de traiter et de déloger des condylomes anaux. On ne peut pas appliquer de crème comme lorsqu’ils se situent à l’extérieur du corps, la réponse n’est que chirurgicale.
Suivi médical: un parcours du combattant
La stratégie pour venir à bout de condylomes n’est qu’une stratégie destructrice. Il s’agit de l’application d’une crème (ALDARA® crème dont le principe actif est l’imiquimol) ou d’une intervention au laser ou à l’azote liquide pour retirer les condylomes de la peau et des muqueuses et espérer qu’ils ne reviennent plus. En cas de condylomes anaux, l’anesthésie générale s’impose. Il y a beaucoup à redire sur les médecins peu habituéEs à voir des hommes séropos porteurs de condylomes anaux. Ils ne vous disent pas tout et ne font pas tout ce qu’ils devraient faire. CertainEs oublient au fil des consultations que vous leur avez dit que vous étiez séropositif. Il est bien plus facile de supporter ces soins si on vous dit qu’il faut en moyenne un an pour en venir à bout, si on vous dit qu’en général une dizaine d’opérations ne sont pas de trop pour s’en dépêtrer, étant donné la séropositivité. Chaque récidive est une déception et un échec. Les séropos porteurs de condylomes doivent être patients, les récidives sont bien plus fréquentes que dans le reste de la population. On prend un abonnement chez le gastro-entérologue.
A chaque fois on vous enlève « des pans entiers de chairs », vous avez l’impression qu’on vous a brûlé de l’intérieur et vous avez mal pendant près de deux semaines, le temps que ça cicatrise. Les patients doivent savoir que des crèmes existent pour faciliter la cicatrisation, les médecins oublient ou ne pensent pas à les prescrire. Il ne faut pas hésiter à les demander.
En plus de la douleur des interventions et d’être désespéré par tant de récidives, il faut faire une croix sur sa vie sexuelle. Il faut dire aux personnes en pleine période d’interventions répétées qu’une fois le tout cicatrisé et reposé, elles pourront reprendre une vie sexuelle sans aucune gène. En attendant il faut éviter de s’auto-contaminer, c’est à dire de contaminer une zone de son corps par une autre zone de son corps, notamment par les doigts.
Les médecins ont tendance à oublier de prescrire de l’ALDARA®, permettant aux muqueuses de développer de l’immunité. Il est soumis à prescription médicale et il faut insister auprès des médecins pour en avoir car ils évoquent un caractère irritant de ce liquide.
Où se faire suivre
Se faire traiter à l’hôpital est à conseiller si on ne peut pas supporter les dépassements d’honoraires des cabinets privés. Cependant il y a quatre à six mois d’attente pour avoir un rendez-vous avec un gastro-entérologue à l’hôpital. Dans les cabinets de gastro-entérologues de ville qui exercent à la fois en ville et à l’hôpital, il y a à peu près le même temps d’attente. Ce temps d’attente est réduit à même pas une semaine pour les gastro-entérologues n’exerçant qu’à la ville. Un séropo sous condylome qui peut se permettre ces dépassements d’honoraires aura tendance à aller vers ces médecins étant donné le caractère récidivant très rapide des condylomes. Attendre des mois pour voir unE praticienNE en sachant que la récidive est là à l’intérieur de soi est insupportable. Les condylomes n’attendent pas et repoussent à grande vitesse. Au total, un séropo porteur de condylomes qui supporte les dépassements d’honoraires dépense une somme considérable.
La diminution du nombre de praticienNEs devient évidente. En juin 2016 il ne restera plus qu’un seul cabinet de gastro-entérologue dans le 14ème arrondissement de Paris. La diminution des numerus clausus est une erreur capitale. Moins de médecins, c’est arriver devant unE médecin avec une pathologie aggravée et donc une santé publique à la baisse. Les consultations à l’hôpital durent dix minutes et en cabinet trente minutes.
Le risque de cancer
Les condylomes sont des lésions bénignes à l’origine, résultant de l’infection à HPV. On parle de virus à bas risque oncogène, c’est-à-dire à bas risque de cancer. Mais des papillomavirus à haut risque oncogène existent aussi. Les tissus retirés lors d’une intervention seront analysés pour savoir si un caractère malin était présent. Le risque de développer un cancer de l’anus est bien plus élevé chez les personnes séropositives. Il est recommandé de réaliser une visite par an chez le gastro-entérologue pour les hommes gays séropos.
Par ailleurs il existe la technique d’anuscopie de haute résolution pratiquée dans deux à trois hôpitaux en France, notamment à Georges Pompidou. Souvent on vous y envoie parce qu’on a retrouvé une dysplasie de haut grade dans les tissus et condylomes qu’on a retirés, c’est à dire une lésion qui peut évoluer en lésion cancéreuse dans certains cas. L’anuscopie de haute résolution consiste à aller voir si on n’est pas passé à côté d’autres lésions trop petites pour être visibles à l’œil nu lors de l’intervention.
Jusqu’au mardi 2 mai dernier, le vaccin anti-HPV (GARDASIL®) n’était recommandé qu’aux jeunes filles, ce qui était totalement inadapté puisque les garçons sont par ailleurs les vecteurs des HPV. Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) préconise depuis cette date d’étendre la protection vaccinale HPV aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, car ils sont plus exposés à un risque de cancer anal et ne bénéficient pas de la protection indirecte amenée par la vaccination des jeunes filles. Le HCSP recommande que les garçons et jeunes hommes de moins de 26 ans ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes aient un accès au vaccin dans les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd) et les centres de vaccination. La vaccination des garçons et jeunes hommes existe déjà dans certains pays et ne se limite pas à ceux ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, preuve que les décideurs français sont en retard et préfèrent croire que les hommes ne se sentent pas prêts à se faire vacciner pour des verrues génitales.
Nous souhaitons patience, courage et argent à ces séropos porteurs de condylomes !