Communiqué d’ACCEPTESS-T, Act Up-Paris, Act Up Sud-Ouest et Ouest trans à l’occasion du 17 mai – IDABLHOT 2016
C’est avec beaucoup d’attention que nous avons pris connaissance de l’amendement sur le changement d’état civil des députés socialistes : Pascale Crozon, Erwann Binet et Michèle Delaunay dans le cadre du projet de loi Action de groupe et organisation judiciaire.
Cet amendement propose un changement d’état civil devant « le Procureur de la République territorialement compétent du lieu de naissance ou de résidence ». Nous sommes étonnés : nos revendications ont toujours été les mêmes ; un changement d’état civil « déjudiciarisé », devant l’officier d’état civil. Nous souhaitons que ce changement d’état civil repose sur une procédure déclarative, sans l’intervention de médecin, et qu’il prenne en compte uniquement l’auto-détermination des personnes.
Une proposition inadéquate
Dans la procédure proposée par l’amendement socialiste, le Procureur de la République doit motiver son refus en cas de « doute sérieux » sur la sincérité des éléments apportés par le requérant. Ces éléments sont indiqués à l’article 61-5 du projet de loi Action de groupe et organisation judiciaire : « Toute personne majeure dont la mention relative à son sexe à l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification ».
Une fois encore, nos vies seront soumises à l’appréciation de tierces personnes. Et l’obtention du changement d’état civil pourra être soumis à une appréciation du genre totalement discutable, binaire et stéréotypée.
Faudra-t-il alors attendre d’avoir un passing suffisamment bon – c’est à dire une apparence physique la plus proche du genre dont les personnes se revendiquent, pour espérer vivre dignement ? Faudra-t-il ainsi se résoudre à subir une opération non choisie ou un traitement hormonal non souhaité pour enfin pouvoir vivre dignement ?
Pire encore : les motifs de refus du Procureur ne seront pas clairement encadrés, ce qui rendra les personnes trans tributaires de la bonne volonté du procureur d’appliquer ou non la loi. Ceci revient exactement à la situation actuelle, à la seule différence qu’il s’agit d’un procureur et non plus d’un juge.
Le viol de nos intimités
La « démedicalisation » que nous réclamons avec force depuis tant d’années ne nous sera pas non plus accordée, et nous assisterons comme à ce jour, à une surenchère dans la production de documents médicaux, privés et intimes. Combien de tour de poitrine devra-t-on avoir pour obtenir le petit F sur sa carte nationale d’identité ? Combien de kilos de glandes mammaire en moins pour l’obtention d’un petit M ?
Le respect de nos demandes
Miser sur un amendement avec autant de faiblesses ne saurait représenter une avancée significative, surtout quand la France s’apprête a être condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme à ce sujet. Miser sur un amendement qui n’accède pas à nos revendications les plus légitimes, c’est renier notre travail, c’est oublier 20ans de militantisme du collectif Existrans et surtout fermer les yeux sur les personnes trans que nous suivons au quotidien.
Nous avons un devoir envers toutes les personnes trans, les jeunes trans, celles et ceux qui se confronteront à mille et une difficultés. Nous ne baisserons pas les bras aujourd’hui car ce devoir que nous avons, c’est celui de l’honnêteté : nos vies comptent et nous méritons mieux que ça.
Pour toutes ces raisons, en l’état, nous ne soutenons pas et ne soutiendrons pas cet amendement sur le changement d’état civil proposé par les députés socialistes. Et nous appelons Mme Crozon, M. Binet, Mme Delaunay, ainsi que tout décideur politique de conviction à proposer un texte à la hauteur de l’enjeu : le respect des droits humains de toutes et tous sans distinction de genre.