Le samedi 9 avril, le nouvel arrêté fixant les critères d’inclusion au don du sang a été publié, nouvelle étape depuis l’annonce en novembre dernier des principaux points de la révision. Act Up-Paris participant au groupe de travail don du sang initié par la DGS, nous souhaitons revenir sur quelques points, en association avec Act Up Sud-Ouest.
img8074|center img8075|center Une démocratie sanitaire à la carte / différenciée Même si la DGS se félicite des échanges entre les institutions de santé et les associations de patientEs lors des réunions de travail qui doivent se poursuivre, même si la création d’un comité de suivi est intégrée dans le nouvel arrêté (annexe VIII), sur la base du groupe de discussion actuel, pour analyser les données résultant des changements de critères d’inclusion et éventuellement les modifier dans les années à venir, il est étonnant que certaines associations d’usagerEs n’aient pas été consultées alors que des modifications les concernaient. En effet, en novembre, il a été passé sous silence que les partenairEs des usagerEs de drogue et ceux des travailleuRses du sexe voyaient leur contre indication de 4 mois après le dernier rapport sexuel être renforcée à 1 an, soit, comme les HSH, 1 an d’abstinence. Il est déjà très problématique que ces aspects n’aient jamais été discutés en réunion, dont l’objet central était les modifications concernant les HSH, il est bien plus grave que les associations d’usagerEs de drogue et des travailleuRses du sexe n’aient même pas été consultées et invitées par la DGS et l’EFS. Il a fallu qu’Act Up-Paris demande de façon répétée qu’un contact soit établi avec elles et incite celles-ci à contacter de leur propre chef la DGS pour qu’une réponse leur soit donnée. Ces associations ne seront pas invitées à la table de discussion, elles pourront éventuellement être membres invitées au comité de suivi dans le futur. Belle conception de la démocratie sanitaire que de décider de manière unilatérale pour certains groupes de population ! Act Up-Paris mettra tout en œuvre pour les associations d’usagerEs de drogue et des travailleuRses du sexe puissent avoir leurs places au sein du comité de suivi.Les avancées de la recherche non prises en compte
L’obsession de la « sécurisation maximale » du don pour éviter légitimement une contamination du receveur amène à mettre sciemment de côté les avancées de la recherche qui permettraient de ne plus exclure certaines personnes du don. Comme nous l’avons déjà développé en novembre, le Tasp, « le traitement comme prévention », destiné à faire baisser la charge virale du séropositif jusqu’à la rendre indétectable et non contaminante pour sonA partenairE séronégatifVE, n’est pas pris en compte, alors que les études ont montré son efficacité dans la réduction puis l’absence de transmission du virus. Les partenairEs de personnes séropositives au VIH sont donc toujours excluEs du don s’ilELLEs n’ont pas été abstinentes durant les 4 derniers mois précédant le don ou 12 derniers mois au sein d’un couple homosexuel. Une autre restriction caduque concerne les personnes porteuses du virus de l’hépatite C. Il existe actuellement de nouveaux traitements qui guérissent près de 95% des patientEs qui les ont testés, quelque soit le stade d’évolution de la maladie. Le principe de la guérison de ces personnes pouvant lever l’interdiction permanente au don n’est pas introduit dans cette nouvelle mouture de l’arrêté, même avec une période d’exclusion temporaire de quelques semaines ou mois après la guérison, comme c’est pour la syphilis ou d’autres IST. Les partenairEs d’ancienNEs maladEs du VHC ont même failli être excluEs du don, par oubli, au sein d’une des versions de travail de l’arrêté. La justification donnée par la DGS et même le CNS de la non prise en compte de ces avancées thérapeutiques est le manque de recul temporaire sur ces données nouvelles. Nous veillerons au sein du comité de suivi à faire disparaître ces mesures d’exclusion obsolètes. Un horizon lointain pour une vraie égalité au don du sang En novembre dernier, les errements de la communication entre la Ministre de la santé, la DGS et l’INVS pour annoncer un horizon vers lequel convergeraient les contre indications entre hétérosexuels et homo-bi-sexuels, entre 1 et 4 ans voire plus, étaient symptomatiques de l’empressement du gouvernement à résoudre ce dossier. Nous venons tout juste d’avoir la procédure de l’étude de calcul de risques que mènera l’INVS, nouvellement intégrée au sein de l’Agence Santé Publique France. Pour que des résultats fiables soient produits, il faudra avoir un recul de minimum trois ans et que 78000 hommes répondent à l’enquête, ce chiffre étant minimisé d’après l’EFS, car ne considérant pas assez les refus de répondre à des enquêtes de la part des donneurs. Actuellement il reste beaucoup de questions à éclaircir sur la mise en œuvre pratique de cette enquête. L’EFS a l’habitude de faire participer ses donneurs à des enquêtes faites par elle et Santé Publique France compte beaucoup sur la structure de l’EFS pour mener à bien l’opération qui se monte. Cependant, L’EFS reste sur sa réserve en évoquant des difficultés pratiques à utiliser ses méthodes et façons de faire habituelles pour cette enquête-là, difficultés qui peuvent être compréhensibles pour certaines d’entre elles.L’originale politique de prévention construite par l’EFS et la DGS
Une disparition significative est à mettre en lumière dans le questionnaire pré-don obligatoire soumis au candidat : la question « avez vous eu des rapports non protégés dans les 4 derniers mois? » a été tout bonnement supprimée. Mais faut-il réellement s’en étonner? La logique de populations à risque que sous-tend encore la conception de cet arrêté, malgré les discours de la DGS et de l’EFS, s’illustre dans l’absence de volonté de définir ce concept essentiel de la prévention des contaminations par voie sexuelle, qui met tout le monde sur un pied d’égalité, à savoir celui de rapport protégé. Selon la DGS, le CTSA et certaines associations, il est impossible de définir ce qu’est un rapport protégé. ChacunE aurait sa propre conception? Que doit-on y englober? Pénétrations vaginale et anale, mais aussi rapports oraux-génitaux dont la fellation, inutiles puisque la majorité des gens n’utiliseraient pas de préservatifs ou de digues lors des fellations, des cunnilingus et des anulingus? Il faut rappeler que le rapport protégé n’est pas à définir par rapport aux comportements des personnes, c’est un cadre « basé sur une réalité physique » qui a vocation à faire évoluer les comportements vers des pratiques ne permettant pas aux contaminations de se produire. Si, au final, ce ne sont pas les autorités de santé qui fixent ces critères, qui les fixera? Cette non capacité ou plutôt non volonté de définir ce qu’est un rapport protégé pose un souci sérieux pour l’élaboration des politiques de prévention des IST. Même si le rôle de l’EFS est de collecter des poches de sang, en pratiquant une sélection des donneurs en amont, il paraîtrait judicieux de mettre en avant les pratiques qui font diminuer les risques de se faire contaminer par une IST et de risquer alors de donner son sang avec un statut sérologique incertain. Ce n’est définitivement pas l’ambition de l’EFS de trouver davantage de donneurs malgré leurs campagnes régulières de communication, puisque la question « avez-vous besoin de faire un test de dépistage ? » est présente uniquement comme un piège déguisé pour éliminer les candidatEs qui viendraient dans le seul but de faire un test de dépistage au résultat rapidement délivré et à la fenêtre silencieuse extrêmement réduite comparé aux tests classique d’un centre de dépistage et plus encore à un TROD. Distribuer des autotests à la fin du don ou à un candidat refusé, donc se préoccuper de la santé d’unE donneurSE potentielLE n’est pas dans l’optique de l’EFS et de certaines associations de donneurSEs. Nous nous étonnons également que les textes ne parlent pas de la formation et du contenu de la formation que devrait suivre le personnel qui encadre le don. Il nous paraît indispensable que ce personnel soit informé sur les sujets de santé sexuelle au vu des nouvelles dispositions du don, afin de répondre correctement aux éventuelles questions des donneurSEs. La notion de population à risque tjrs présente Même si la DGS présente l’ouverture du don du sang aux homo-bi-sexuels après une période d’un an d’abstinence comme la fin des critères du don se basant sur la notion de population à risque, réaliser une enquête de compliance en s’attachant particulièrement à celle des HSH montre bien que la modification des critères du don est basée sur cette notion. La notion de population à risque est induite parce que l’arrêté ne veut pas parler de rapports protégés comme nous l’avons vu, considérant que c’est une notion floue et variable d’une personne à une autre. Il faut utiliser l’enquête de compliance qui se monte pour poser les bonnes questions afin qu’un jour la DGS sache concrètement ce que représente un rapport protégé pour les personnes interrogées. Il en ressortira le détail des rapports protégés ou non qu’ils ont, l’utilisation d’un préservatif pour les rapports oraux, les rapports vaginaux, les rapports anaux. Nous attendons de Santé Publique France qu’ils prennent en compte cette proposition et ajoutent des questions à ce sujet dans l’enquête. Une procédure bien trop lente Alors que dès 2012 Marisol Touraine s’était dite favorable à une révision des critères d’inclusion des homosexuels vis-à-vis du don du sang, il a fallu trois ans pour que le ministère mette en route les travaux préparatoires et les premières réunions regroupant acteurs associatifs et institutions, pour un an et demi de travail et un nouvel arrêté effectif au mois de juillet prochain. Ce n’est sans doute pas un hasard si le premier bilan à un an sera à la charge d’un nouveau gouvernement, les élections présidentielles passant entre temps, avec l’inconnue de la volonté de celui-ci de faire converger les critères entre homo-bi-sexuels et hétérosexuels.