108 organisations de par le monde réclament aujourd’hui l’accès aux traitements, et signent un manifeste dont la traduction est la suivante :
Aujourd’hui, femmes vivant avec le cancer, leurs familles, militantEs, chercheurEUSEs, professionnelLEs de santé, nous nous unissons et agissons pour demander qu’aucune femme ne soit privée d’accès, en raison de son prix, au traitement du cancer du sein qui peut la sauver.
Nous demandons justice pour Tobeka Daki, une activiste intrépide sud-africaine qui vivait avec un cancer du sein HER2+ depuis 2013. Alors qu’elle aurait pu bénéficier du trastuzumab, elle n’y a jamais eu accès à cause de son prix. Elle est morte, chez elle, le 14 novembre 2016.
Nous ne savons pas si le trastuzumab aurait pu sauver sa vie, car ce traitement ne marche pas dans tous les cas. Mais ce que nous savons, c’est que Tobeka n’a jamais eu accès à cette chance de survivre. Alors que sa santé déclinait et que le traitement existait, personne ne lui a donné la possibilité de l’essayer.
Les prix du trastuzumab varient de par le monde. Ils ne sont pas toujours publics. Ils sont négociés derrière des portes closes.
En Afrique du Sud, le prix dans les hôpitaux privés tourne autour de 38 000 dollars pour une année. Rares sont les hôpitaux publics qui y ont accès, auquel cas le prix est de 16 000 dollars par an. Dans les deux cas, une immense majorité ne peut se le permettre.
Au Brésil, le coût à l’année est de 17 600 dollars, en France, les hôpitaux le paient 30 000 dollars pour un an.
Pourtant, des économistes ont démontré que la production et la commercialisation du trastuzumab ne revenait qu’à 240 dollars par personne et par an. C’est beaucoup moins que les prix actuels ; et pourtant, à ce prix de 240 dollars, le producteur dégagerait encore une marge de 50% !
Roche s’enrichit d’autant !
En 2015, Roche a annoncé des profits de 8,9 milliards de dollars. Sa PDG, Severin Schwan a empoché 12 millions de dollars. Même en réduisant énormément les prix du trastuzumab, Roche continuerait à être rentable.
Mais Roche ne le fait pas, et préfère maintenir les prix les plus hauts en utilisant tous les moyens. Roche continue de détenir de nombreux brevets sur le trastuzumab dans beaucoup de pays, et les prolonge par des innovations à la marge. De la sorte, en Afrique du Sud, les brevets, donc le monopole de Roche, courent jusqu’en 2033.
Dans les pays où Roche n’a pas déposé de brevets, ou dans ceux où ceux-ci ont expiré, Roche recourt à d’autres moyens pour bloquer les équivalents génériques mis sur le marché. En Inde, Roche s’est pourvue en justice contre la décision de l’autorité indienne de régulation du médicament de reconnaître comme produit équivalent le générique de Mylan, et d’en autoriser la mise sur le marché.
Au Brésil, en Argentine, Roche est un des laboratoires qui s’attaque aux gouvernements, lesquels tentent d’appliquer les garde-fous des accords commerciaux internationaux pour garantir la santé publique.
Au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, Roche pousse pour que le prix du T-DM1, le médicament dont ont besoin les patientEs pour qui le trastuzumab s’est avéré inefficace, soit le plus haut possible, à un point qui menace l’accès au T-DM1 même dans ces pays.
Depuis trop longtemps, Roche s’est permis de fixer des prix exorbitants pour des traitements qui sauvent des vies.
Tobeka n’en avait qu’une. Ses deux enfants n’avaient qu’une mère. Nous avions une chance de lui permettre de vivre, et nous l’avons perdue – comme nous continuons de perdre d’autres femmes.
Le plus dérangeant, c’est l’attitude détachée de Roche et leur manque d’humanité. On ne nous fera pas croire qu’ils ignorent que beaucoup n’ont pas accès aux traitements dont ils ont fait le prix inabordable.
Honte à Manfred Heinzer, directeur de Roche Afrique du Sud, pour n’avoir rien fait de plus après avoir entendu parler de la situation de Tobeka six mois avant sa mort !
Honte à Severin Schwan, PDG de Roche, pour faire passer les profits avant les vies sauvées !
Vous auriez pu laisser une chance à Tobeka, mais vous lui avez tourné le dos. Ne tournez pas le dos à toutes les autres femmes du monde.
Nous exigeons que Roche :
- baisse le prix du trastuzumab et du T-DM1 de sorte que toutes les femmes vivant avec le cancer du sein HER2+ qui ont besoin de ces traitements y aient accès ;
- cesse immédiatement de former des recours contre les versions génériques du trastuzumab ;
- mettre un terme aux pratiques abusives de dépôt et de prolongation des brevets sur le trastuzumab et ses autres traitements ;
- abandonne immédiatement ses recours contre le Brésil et l’Argentine qui ont voulu utiliser les facilités TRIPS, négociées au niveau de l’OMC, pour rendre accessibles les traitements.