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Au menu de ce mardi 14 février : la session plénière a fini sur un air de science-fiction ; session de présentations orales : CROI, laboratoires pharmaceutiques et liens d’intérêts : quoi de neuf dans les antirétroviraux ? Discussion thématique sur la PrEP sans limites : au moins une bonne nouvelle ; symposium sur les IST au titre évocateur pour la saint Valentin : strangers in the night…
La session plénière qui ouvrait la journée nous a embarqués dans le futur, plus ou moins proche selon les orateurs, celui des recherches visant à l’éradication, la rémission ou la guérison de l’infection à VIH, le terme le plus approprié variant selon les chercheurs et les découvertes.
Jintanat Ananworanich (US military HIV research program, USA and The Thai Red Cross AIDS Research center, Thailand) a démarré la journée par un
tour d’horizon du potentiel émergeant pour une guérison du VIH des enfants et des adultes. Le concept de rémission qui a émergé récemment, notamment avec le cas du bébé du Mississipi, est un état difficile à prouver tant il est lié au temps qui s’écoule. Comment affirmer la guérison surtout dans le cas d’une maladie comme l’infection à VIH sinon en observant ce qui se passe au fur et à mesure que le temps s’écoule mais sans pouvoir pour autant prédire l’avenir. La guérison du bébé du Mississipi a eu un temps. Mais cette histoire, entre autres, a mis en évidence qu’en matière d’immunité, les jeunes corps ne réagissent pas comme ceux des adultes – on le sait surtout des réactions à la vaccination – et on le découvre en étudiant les enfants infectés par le VIH. Les cellules infectées latentes qui constituent le réservoir viral des personnes séropositives est pour l’essentiel constitué de cellules à longue durée de vie. Mais elles ont aussi la capacité de se répliquer, grossissant ainsi le réservoir viral. L’objectif à atteindre pour une éradication est donc la réduction du réservoir de cellules latentes.
Quelles solutions s’offrent à nous ? La première est le traitement précoce. Le plus tôt est le mieux pour limiter l’installation de ce réservoir. A ce niveau les enfants ont l’avantage de constituer un réservoir de cellules latentes en général moindre que les adultes. Ce réservoir étant établi, les solutions à l’étude pour s’y attaquer sont celles du « shock and kill », réveiller les cellules latentes et les détruire. Diverses pistes sont à l’étude actuellement, mais les résultats étant plutôt modérés, il est question de retenter l’expérience en les combinant. Ce type d’étude est actuellement en cours d’évaluation sur des modèles animaux.
Il en est de même avec les
recherches utilisant les anticorps neutralisants. La faiblesse des résultats conduit les chercheurs à vouloir tenter des combinaisons de différents anticorps neutralisant à plus fort pouvoir que ceux déjà testés. Là aussi des essais menés sur des modèles animaux sont prometteurs. En particulier un essai d’anticorps neutralisant chez des jeunes singes a conclu par une éradication.
Parmi les défis à relever, il y a la
question de la participation des femmes dans les essais. Les différences physiologiques posent certaines questions difficiles à extrapoler autrement qu’en incluant plus de femmes qu’on ne le fait aujourd’hui. Mais les
questions qui se posent dans les essais humains ont aussi de nature psycho-sociologiques et éthiques. Que signifie pour les participants un espoir de guérison qu’on ne peut pas nécessairement garantir ? Il reste encore bien du chemin à parcourir.
La deuxième présentation de cette plénière a été faite par
Carl H. June (Univ of Pennsylvania, Philadelphia, PA, USA). Son sujet concerne
les avancées en thérapie cellulaires dans le cancer et le VIH. Le chercheur nous présente le cancer et l’infection à VIH comme deux maladies ayant un caractère commun, celui de mener à un dysfonctionnement des cellules T CD4. Les recherches menées par ce chercheur l’ont conduit à développer une technique de thérapie génique anticancéreuse en ayant recours au VIH. La technique consiste à modifier génétiquement des cellules immunitaires prélevées au patient, à les modifier génétiquement à l’aide d’un rétrovirus, un VIH en fait, lui-même modifié selon l’objectif précis à atteindre puis à réinjecter ces cellules au patent. La modification permet de transformer une lignée de cellules immunitaires tueuses en cellules « tueuses en série personnalisées » selon les termes du chercheur, afin qu’elles ciblent précisément les cellules cancéreuses. Ces cellules modifiées appelées CAR-T cells représentent le must de l’adaptation à chaque cas individuel. L’expérimentation appelée CAR19 a permis ainsi le traitement de plus de 400 personnes avec succès. Le chercheur de Philadelphie considère que la même technique pourrait être adaptée au traitement du VIH. Et puis il explique aussi qu’actuellement c’est une technique expérimentale qui nécessite beaucoup de travail de laboratoire. Pour rendre ce genre de technique accessible au plus grand nombre, il est nécessaire de robotiser les procédures. Tout un travail de développement à faire qui nécessite de gros investissements. Mais les possibilités à la clé sont immenses.
Deuxième session de la journée, retour sur terre pour une série de présentations orales on ne peut plus classiques des chercheurs de l’industrie pharmaceutique sur les nouveaux médicaments à l’étude.
Une session co-animée par un clinicien français, le Pr. Yazdan Yazdanpanah dans laquelle quelques universitaires se sont glissés pour présenter leurs résultats de recherche clinique.
Pour commencer,
Winston C. Tse (Gilead Science) nous présente les
premiers pas d’un nouveau produit, le GS-CA1, inhibiteur de capside. Son action consiste à perturber la formation de la capside virale dans les nouveaux virus formés ce qui les rend inactifs. Mais le produit a aussi une action au niveau des cellules infectées puisqu’il contrecarre le mécanisme de translation vers le noyau cellulaire avant l’intégration. Les doses efficaces de produit étant très faibles, ce produit pourrait très bien devenir un médicament à diffusion lente, ne nécessitant que des prises espacées. Il devrait aussi être efficace contre le VIH-2. Mais, bon, ne nous emballons pas, on est là encore en étude pré-clinique. Il reste à mener les essais chez les humains.
Anderw Owen (Université de Liverpool, UK mais aussi employé de Gilead Science) présente ensuite les résultats d’un
tout nouveau mode de formulation des antirétroviraux en nanoparticules. Les principes actifs utilisés dans cette étude sont le lopinavir, le ritonavir et l’efavirenz. L’étude jusque-là est essentiellement pharmacologique. Elle consiste à étudier la diffusion du produit chez des volontaires sains. A l’évidence, les quantités de produit actif nécessaires sont réduites de moitié par rapport à ce qu’on utilise avec les formulations traditionnelles de ces médicaments (le Kaletra et le Sustiva). On peut donc attendre de ce type de formulation une meilleure tolérance des produits.
Joseph M. Custodio (Gilead Science) nous présente les
données pharmacologiques d’un nouveau produit de Gilead, le Bictégravir (GS-9883), un nouvel inhibiteur d’intégrase. Ces résultats de phase un d’étude clinique ont permis d’envisager la phase 2 qui fait l’objet de la présentation suivante.
C’est
Paul E. Sax (Brigham and women’s hospital, Boston MA, USA) qui nous présente les
résultats de phase 2 du bictégravir, que l’essai compare au dolutégravir, tous deux accompagnés de FTC/TAF, le produit de Gilead censé remplacer le Truvada. L’essai a recruté des personnes séropositives qui n’avaient jamais pris de traitement. Le résultat montre pour le moins une équivalence des deux propositions, voire sur bien des points un avantage pour le bictégravir, notamment en matière de succès virologique à 48 semaines, puisque 97% des participants ont atteint l’indétectabilité de la charge virale à moins de 50 copies par ml de sang contre 91% avec le dolutégravir.
Anne Derache (Africa Health Research Institute, Mtubatuba, South Africa) a été glissée dans cette session pour nous parler de la question des
résistances dans l’essai TasP, ANRS 12249, mené dans la région du Kwazulu natal en Afrique du sud. Les résultats principaux de cet essai de l’ANRS mené pour tester l’efficience du caractère préventif du traitement antirétroviral au niveau d’une population ont été présentés en juillet dernier à la conférence mondiale de Durban. Ils n’ont pas montré d’avantage protectif à traiter tôt les séropositifs dépistés dans la population visée. Mais ce résultat n’est pas tant dû à l’absence d’effet préventif sur la transmission qu’à une faiblesse structurelle révélée par l’essai dans la région : si les chercheurs estiment à plus de 92% le taux de dépistage, il n’y a que 46% à 49%l des personnes dépistées qui ont accédé aux soins, les autres ne sont simplement pas venus aux rendez-vous. Ainsi, moins de la moitié des personnes dépistées ont été mises sous traitement, rendant la différence d’effet protecteur du traitement des séropositifs selon la stratégie utilisée (traitement immédiat des personnes dépistées versus démarrage du traitement selon les règles alors en vigueur, à moins de 350 CD4) insignifiant. Ce dont il était question ce jour à propos de cet essai, c’était aussi la prévalence de virus résistants transmis dans cette population, elle est de 9% soit une valeur proche de ce que l’on connait dans les pays industrialisés. Pour autant le succès thérapeutique des personnes mises sous traitement a été bon avec 93% de suppression virale. Cependant, ce facteur sera certainement déterminant dans l’avenir dans cette région compte tenu de l’incidence et de ce qu’elle est la plus touchée au monde par le VIH.
Les deux dernières présentations nous ont permis d’apprendre d’une part que dans les
essais Sword 1 et 2 (ViiV Healthcare) le passage à un traitement composé de dolutegavir plus rilpivirine est capable de maintenir la suppression virale à 95% chez les participants à l’essai, pas mieux ni moins bien que les participants du groupe contrôle restés sous leur traitement initial. D’autre part, dans
l’essai Drive de Merck, la doravirine, un nouvel inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse, fait ni mieux ni moins bien, mais un peu mieux tout de même sur la question des troubles métaboliques (cholestérol principalement) que le darunavir, tous deux en combinaison avec des classiques (truvada ou Kivexa). Les résultats de ces deux essais ont été obtenus au bout de 48 semaines.
La session « PrEP sans frontières : nouvelles options de dispensation »
Bien des surprises révélées.
C’est du moins ce que nous avions traduit du titre en anglais « PrEP without border ». Cette suite de présentations de 5 américains (Seattle Washington, Richmond Virginia, Omaha Nebraska, Seattle Washington, New York) nous a permis de comprendre qu’il s’agissait
juste de franchir les frontières des états à l’intérieur des Etats Unis, ou bien s’agissait-il de dépasser ses propres limites ? Au final, la dernière présentation de Sarit A. Golub (City University of New York) a été d’un grand intérêt pour nous. En effet, la chercheuse newyorkaise a proposé une étude sur l’impact que peut avoir une proposition de counselling accompagnant les usagers de la PrEP sur le niveau de médicament retrouvé dans le sang, autrement dit, l’observance de la PrEP. Et oh surprise ! Le counselling s’avère efficace pour augmenter de manière statistiquement significative le niveau de médicament retrouvé chez les usagers de la PrEP ! Enfin un résultat tant attendu par tous ceux qui, en France, tentent de convaincre les financeurs que l’accompagnement des usagers de la PrEP a un intérêt.
Fin de la journée : réflexion sur les infections sexuellement transmissibles et leur dépistage.
Un symposium à revoir en ce qu’il apporte des clarifications sur bon nombre de questions à propos des IST.
R. Scott McClelland (Univ of Washington, Seattle WA, USA) nous a entretenu de la
faune microbienne du vagin et de son éventuel impact sur le risque d’infection par le VIH. Comme bon nombre de nos muqueuses aux portes d’entrées du corps, le vagin est envahi par une population microbienne composite plus ou moins bienveillante à l’égard de son hôtesse. En fait, le microbiome vaginal (BV) peut devenir pathogène, disons pour le moins, causer des désagréments lorsque sa composition varie. Ces ennuis sont essentiellement d’ordre inflammatoire. Il convient alors d’utiliser un traitement pour supprimer les problèmes et rétablir l’équilibre. Le principal souci d’un microbiome vaginal pathogène c’est qu’il accroit la sensibilité aux infections sexuellement transmissibles et au VIH. De nombreuses espèces sont présentes dans ce microbiome vaginal mais il a été établi que la situation saine est celle dans laquelle Lactobacillus domine les autres, situation qui s’avère même protectrice vis-à-vis de l’infection à VIH. Le déséquilibre en faveur d’autres bactéries augmente la susceptibilité à d’autres infections et le caractère inflammatoire propice à l’infectivité par le VIH. Bien qu’encore assez mal étudié, le traitement d’un microbiome vaginal déséquilibré réduit le risque d’acquisition du VIH.
Jean-Michel Molina (Hôpital Saint Louis Paris, France) démontre que
l’utilisation de la prophylaxie contre les IST est une vieille pratique qu’on avait probablement un peu oubliée mais qui mérite un regain d’intérêt. En effet, l’organisation mondiale de la Santé estimait en 2012 le nombre de nouveaux cas d’IST soignables (Chlamidia, gonorrhée, syphilis, trichomonas) à 357 millions dans le monde. Cela représente chaque jour plus d’un million de nouvelles infections. Notre clinicien chercheur national a ressorti pour l’occasion des résultats d’études anciennes sur l’intérêt de la prophylaxie contre les IST, la plus ancienne de 1943 date d’avant l’usage de la pénicilline. Une autre étude de 1948 fait justement état de l’efficacité de la pénicilline en prophylaxie des gonorrhées. Une autre encore de 1979 propose un traitement post-exposition contre le risque de gonorrhées mais conclue à une effectivité limitée en tant que mesure de santé publique. En 1971, une étude s’intéresse au traitement des partenaires potentiellement infectés par la syphilis par la pénicilline. Et puis plus récemment bon nombre d’études ont été menées en Afrique chez les travailleurs/euses du sexe. D’autres études encore sont en cours. Le résultat de la sous-étude incluse dans IPERGAY sur l’intérêt de la prophylaxie anti-syphilis sera rendu demain mercredi. En conclusion, l’usage de prophylaxie antibiotique contre les IST a montré des effets transitoires même lorsqu’elle est efficace. Elle n’est actuellement pas recommandée. Les résultats des essais actuellement en cours sont à examiner avec précision. Le principal risque est la création et la dissémination de souches potentiellement résistantes, spécialement pour la gonorrhée. Les bénéfices à court terme de ces stratégies doivent être considérés en regard des effets à long terme. Des interventions temporaires soigneusement conduites peuvent être tentées si elles font partie d’un ensemble complet de mesures de prévention.
Enfin,
Matthew R. Golden (Univ of Washington, Seattle WA USA)
et Rebecca J. Guy (Univ of new south Wales, Sydney, Australia) ont présenté tous deux
l’intérêt de développer le dépistage des IST, non seulement par une offre plus conséquente mais aussi adaptée aux populations.
Le premier s’est intéressé principalement à la
syphilis dans le milieu gay américain et dans le contexte de la dispensation de la PrEP. Il a montré l’évolution des comportements des gays dans les dernières années et a conclu que l’épidémie de syphilis est mondiale chez les gays. Ce qui s’explique par un nombre de partenaires en augmentation et une baisse de l’usage du préservatif dont les causes sont à chercher dans le renouvellement des modes de rencontre mais aussi l’usage du TasP ou de la PrEP. Ses préconisations incluent l’augmentation de la fréquence des dépistages, la réduction de la morbidité de la syphilis en pratiquant des tests de routine, l’intégration de l’offre de PrEP aux usagers dépistés pour la syphilis, le renforcement de la promotion du préservatif.
La seconde s’est intéressée aux
populations éloignées du soin, que ce soit en Papouasie Nouvelle Guinée ou dans les populations indigènes d’Australie. Elle a démontré l’intérêt de développer une offre de dépistage fait sur place, au rendu immédiat, permettant un taux de mise sous traitement bien supérieur au système traditionnel qui prend du temps et augmente les perdus de vue.
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