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Cette dernière journée semble être celle dans laquelle les organisateurs ont mis des tas de choses qui n’avaient pas trouvé leur place avant. L’hépatite C par exemple. Session fourre-tout nommée Hépatite C problèmes et progrès, dans laquelle ont été échangées des données plutôt intéressantes.
L’incidence de l’hépatite C chez les HSH séropositifs
Antoine Chaillon (Univ. of California San Diego CA, USA) a ouvert la session en présentant ses recherches sur
l’incidence de l’hépatite C chez les HSH. Malgré des traitements aujourd’hui efficaces,
il y a toujours un million et demi de personnes qui contractent une hépatite C dans le monde, tous les ans. Cette infection touche
particulièrement les HSH et plus spécifiquement encore, les HSH séropositifs au VIH. En Europe, le taux de réinfection au VHC des HSH séropositifs au VIH est important, de l’ordre de 7,3% des nouveaux cas.
Comme on ne dispose pas de ce type de données aux Etats Unis, l’équipe de
San Diego a réalisé une étude rétrospective afin d’évaluer l’incidence de
l’hépatite C primaire chez les HSH séropositifs au VIH à partir des données locales hospitalières. Le groupe ainsi étudié, de 2395 personnes d’âge médian de 36 ans, se caractérise particulièrement par les usagers de drogues. Deux tiers d’entre eux en consomment, essentiellement la méthamphétamine (42,3%), les injecteurs de drogue ne sont que 0,3% mais les usagers des deux sont 5,3% (on pense évidemment au chemsex) et 20% utilisent d’autres produits. Cela se retrouve dans les résultats puisque l’incidence de l’hépatite C primaire dans ce groupe est de 1,18 pour cent personnes année mais elle est multipliée par 3 pour les usagers de methamphétamine, par 13,2 chez les injecteurs de drogue et par 5 chez les usagers des deux produits. Des valeurs comparables ont été trouvées dans d’autres cohortes américaines.
L’augmentation de cette incidence est fulgurante, elle était de 0,36 pour 100 personnes année sur la période 2000-2003.
L’analyse d’incidence de réinfection à l’hépatite C sur cette cohorte représente 2,89 cas pour 100 personnes années puis qu’il y avait 3 réinfections sur 43 infections primaires. Mais en regard de ces petits nombres, l’intervalle de confiance est large (0,6 – 8,44).
Comparé aux taux européens, celui de San Diego semble donc faible : 7,8 dans la cohorte européenne NEAT, 9,6 à Londres et 15,2 à Amsterdam. Les investigateurs de l’étude ne peuvent qu’encourager à étendre le dépistage de l’hépatite C chez les HSH séropositifs au VIH et promouvoir les nécessaires stratégies de réduction des risques. Il est aussi nécessaire de réévaluer à l’aune de ces résultats le rapport coût efficacité de stratégies de traitement immédiat post test.
L’impact de l’application des stratégies de prise en charge selon le nombre de personnes traitées
La présentation suivante est Lyonnaise.
Victor Virlogeux (Hospices civils de Lyon, France) a travaillé sur des
modélisations d’évolution des hépatites C à l’heure des traitements efficaces pour mesurer l’impact de l’application des stratégies de prise en charge selon le nombre de personnes traitées. A partir des données épidémiologiques (présentées dans le poster 550 à la présente conférence) le chercheur a construit un modèle présentant l’évolution probable dans 8 groupes spécifiques, à savoir, les HSH à faible risque (82% des HSH), les HSH à risque élevé (18% des HSH), les hommes injecteurs de drogue, les femmes injectrices de drogue, les hommes hétérosexuels, les femmes hétérosexuelles, les autres hommes, les autres femmes selon le taux de couverture de prise en charge et de traitement de ces hépatites. Ses résultats montrent qu’
avec une couverture de 30% on est capable de réduire la prévalence de 8000 à 2000 cas d’aujourd’hui à 2026. Mais ce résultat est nettement
amélioré pour une couverture de 50% (1000 cas en 2026) et atteint bien sûr le seuil de 800 considéré dans le modèle comme le nombre de personnes non diagnostiquées. Lorsque l’analyse est faite
par groupes, on obtient des courbes similaires à cette baisse générale pour tous les groupes d’hommes et de femmes et pour le groupe de HSH à faible risque. Seul
le groupe de HSH à risque élevé diverge du modèle général. Dans ce dernier, la baisse ne s’amorce qu’avec une couverture de 50% et reste encore largement au-dessus du seuil de personnes dépistées même à 90% de couverture.
Le chercheur Lyonnais a alors construit un
autre modèle dans lequel la prise en charge est immédiate (test and treat) dès la phase aigüe (ce qui n’est pas actuellement recommandé en France). Cette projection permet une réduction substantielle de l’épidémie dans ce groupe des HSH à haut risque et semble devoir s’imposer pour obtenir une efficacité de la lutte contre l’hépatite C tout au moins pour ce groupe de personnes. En restant à 30% de couverture pour l’ensemble de la population, on atteindrait le seuil de 35% de personnes non prises en charge en 2026. Bien entendu, il s’agit là d’un modèle mathématique, certes construit à partir de données épidémiologiques de la vie réelle, mais dont les limites sont qu’il suppose que les groupes sont homogènes et constants.
Données épidémiologiques aux Pays Bas
Anne Boerekamps (Erasmus University Medical Center Rotterdam, Neederlands) a présenté les
données épidémiologiques résultant du changement de stratégie adopté aux Pays Bas depuis novembre 2015 de traiter toute personne séropositive au VIH atteinte d’hépatite C avec les antiviraux à action directe sans restriction. Elle a collecté pour cela les données des personnes atteintes d’hépatite C de la cohorte Athena des séropositifs des centres médicaux participant à travers tout le pays. Cela représentait 2422 personnes des 22042 séropositifs de la cohorte. Une très nette différence de nombre de personnes traitées est perceptible dès la date fatidique, un triplement de la prise en charge dès l’utilisation des antiviraux à action directe.
A ce jour le nombre de personnes guéries atteint 70% en général. Cette valeur est à 69% pour les personnes ayant une atteinte hépatique sévère et à 75% pour les HSH.
Il reste néanmoins encore beaucoup de personnes à prendre en charge, pour un tiers des injecteurs de drogue (alors qu’ils sont 11% des personnes guéries), 22% de femmes (il y en a 9% parmi les personnes guéries) et puis des personnes sans traitement VIH ou dont la charge virale VIH n’est pas stabilisée ou les CD4 trop faibles.
Chute de l’incidence de l’hépatite C chez les HSH co-infectées par le VIH aux Pays-Bas
Bart Rijnders (Erasmus University Medical Center Rotterdam, Neederlands) prend la suite pour présenter
la chute de l’incidence de l’hépatite C chez les HSH co-infectées par le VIH. D’une manière générale, observe-t-il, l’incidence de l’hépatite C chez les HSH séropositifs au VIH était particulièrement élevée entre 2000 et 2009 en Europe (8,3 pour 1000 pers. année en France, 11 à 17 /1000 PA en UK, 10,5 /1000 PA en Allemagne) à 1% PA en moyenne. Cette forte incidence concerne particulièrement les HSH. Aux Pays Bas l’hépatite C a été considérée comme une infection sexuelle dès 2004 dans ce groupe de population. L’incidence était de 9/1000 PA en 2007 et de 11/1000 PA en 2014 dans la cohorte des personnes séropositives de 19 centres médicaux du pays.
Avec la mise en place du programme de traitement sans restriction des séropositifs co-infectés par les antiviraux à action directe, cette incidence est en 2016 à 5,5/1000 PA. Pour ce qui est des autres IST observées chez les HSH, on est passé de 446 syphilis diagnostiquées en 2015 à 629 en 2016. Et l’augmentation est similaire pour les lymphogranulomatoses vénériennes (LGV, une infection rectale à gonocoque).
Le taux d’infection par l’hépatite C des HSH séropositifs au VIH reste élevé. L’hépatite C aiguë reste difficile à combattre. Le traitement des hépatites C chroniques ne suffira pas à éliminer cette infection dans ce groupe. Mais pour l’instant le traitement des hépatites C aiguës n’est pas recommandé.
Prise en charge des hépatites chroniques avancées en Espagne
D’autres études de cette session ont aussi permis de découvrir qu’en Espagne (
Nicolas Merchante, Hospital Univ. de Valme, Sevilla, Spain) le nombre d’hépato carcinomes avait augmenté avec l’arrivée des antiviraux à action directe mais si un rapport de cause à effet et à exclure, cette hausse pourrait simplement s’expliquer par l’augmentation de la prise en charge des hépatites chroniques avancées.
Recombinaisons de virus de l’hépatite C identifiées aux Etats-Unis
Et puis la biologie moléculaire s’en est mêlée avec
Suqin Cal (Monogram Bioscis, San Fancisco CA, USA) qui nous a appris que son laboratoire avait isolé des
recombinaisons de virus de l’hépatite C (VHC) dans des isolats en provenance d’endroits très éloignés des Etats Unis. Pour être plus clair, ces souches virales ont des génomes issus de la combinaison de deux souches sauvages initiales distinctes. Très commun dans le VIH, cela l’est moins dans le VHC. Cela peut provenir de virus issus de personnes co-infectées par des virus différents. La capacité réplicative de ces nouvelles souches ne semble pas supérieure mais la recombinaison ayant lieu essentiellement dans le gène NS5A, les chercheurs ont observé une moindre susceptibilité de ces souches aux antiviraux anti NS5A.
Dans un contexte de forte prévalence, ce type de découverte doit inciter à une surveillance épidémiologique adéquate pour prévenir le risque de développement de souches résistantes aux antiviraux actuels.
Anticorps neutralisants dirigés contre le VHC
Enfin,
Madeleine C. Mankowski (John Hopkins Univ, Severna Park, MD, USA) nous a présenté les travaux de son équipe sur les
anticorps neutralisants dirigés contre le VHC. Sans spécialement rentrer dans le détail extrêmement technique (allez voir le webcast
ici , vous comprendrez ce que je veux dire, c’est pas de l’anglais, c’est du martien, mais il y a de belles images) de cette présentation, mais seulement à cette évocation, en ayant en tête le compte rendu de la plénière de mercredi de Barney S. Graham sur le centre de recherche vaccinal du NIAID, vous en déduirez assez aisément que là, on entre dans un
sujet d’importance, celui de construire un modèle d’antigène susceptible de servir à l’élaboration d’un vaccin anti VHC.
Et c’est bien ce que la chercheuse a répondu à la question qu’il lui a été posée en fin de présentation sur la proximité de leurs travaux avec l’émergence d’un vaccin : « il faut encore que l’on vérifie l’efficacité de nos anticorps sur une plus grande diversité de souches virale et puis si c’est concluant, on peut passer à l’application clinique ».
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