Mercredi 25 mai 2016, – lors de la journée nationale de lutte contre les hépatites, Marisol Touraine, Ministre de la Santé, a annoncé différentes mesures permettant de tendre vers un dispositif complet de lutte contre les hépatites virales et de prise en charge des malades.
Des mesures de prévention allant dans le bon sens si les moyens financiers sont mis à disposition.
Pour toucher les publics les plus exposés à un risque de contamination, telles sont les mesures votées dans la loi de santé en décembre dernier, reprenant des revendications déjà anciennes des associations :
- Les salles de consommation à moindre risque, qui ont fait leurs preuves depuis déjà des années dans plusieurs pays, vont enfin voir le jour en France, en commençant par Paris et Strasbourg. Cependant, un déploiement partout où ces salles est nécessaire et indispensable : nous ne pouvons pas nous contenter de touches expérimentales.
- Les programmes d’échange de seringues en prison sont une absolue nécessité, alors que la prévalence du VIH est estimée à 2 % en prison contre 0,35 % en population générale ; et celle du VHC à 4,8 % contre 0,8 %. et que la consommation de produits injectables en prison est une réalité. Marisol TOURAINE l’a affirmé : « la réduction des risques a toute sa place en prison » et de préciser « cette démarche, notamment les programmes d’échanges de seringues en prison, a fait ces preuves chez nos voisins européen. Nous devons nous en inspiré ». Cette réalité n’est pas récente et quatre ans après sa prise de fonction au Ministère de la santé, nous avons du mal à croire que les programmes d’échange de seringues en prison voient enfin le jour !
- La réforme des centres de dépistage du VIH et des IST, avec la création des CEGIDD, permettra probablement une meilleure détection des personnes vivant avec une hépatite sans le savoir et leur orientation vers un parcours de soins. Ce rôle sera également joué par les centres du Planning Familial, pour une prise en charge renforcée de la santé sexuelle des femmes. Toutefois, cette réforme qui rajoute des compétences aux CEGIDD se fait à budget constant, limitant de fait leur capacité d’action et dans un contexte d’austérité au sein de l’hôpital public où 20000 suppressions de postes ont été annoncées…
- En matière de dépistage des publics les plus précarisés ne se rendant pas dans les structures classiques de dépistage, l’action des associations faisant des TROD pour le VIH a fait ses preuves, dans les territoires où elles sont présentes. Nous saluons l’autorisation prochaine des TROD pour le VHC, soumise à la signature imminente de l’arrêté Mais l’efficacité du dispositif se fera à hauteur des moyens mis à disposition.
La question cruciale de l’accès aux traitements en passe d’être enfin résolue ?
La ministre, se sachant attendue au tournant par les associations de patientEs et les professionnels de santé, a annoncé : « s’agissant des patients F2, des patients transplantés ou en attente de greffe ainsi que des populations vulnérables tout stade de fibrose confondu dans la mesure où ils sont les plus exposés, je signerai l’arrêté d’extension, dès les prochains jours. » et de rajouter « Pour tous les autres patients infectés par le VHC, les F0 asymptomatique et F1 » l’accès universel devrait être validé courant septembre, après avis de la HAS sollicitée il y a un mois.
Mais alors, pourquoi avoir autant attendu et ne s’y être pas pris plus en avance pour obtenir des recommandations instaurant l’accès universel effectif dès maintenant, alors que les rapports des associations et des médecins spécialisés, tels l’Afeaf, préconisaient déjà un accès total ? Ces mois d’attente, passé et à venir, ne pourront que dégrader inutilement la santé des patientEs concernées.
L’autre enjeu qui détermine l’accès aux traitements est le prix de ceux-ci. Jusqu’à présent, le gouvernement français, dans son incapacité d’obtenir un prix décent du laboratoire Gilead pour l’accès à son traitement contre l’hépatite C, a instauré une politique de rationnement thérapeutique auprès des malades concernés pour limiter la dépense auprès de l’Assurance maladie remettant en cause le principe d’égalité d’accès aux soins.
Marisol Touraine ose déclarer : « Le temps est venu pour la France de renégocier ces prix. L’extension des indications et l’arrivée de médicaments concurrents doivent permettre de faire diminuer le prix des traitements. Il est plus que temps que le sens des responsabilités l’emporte. Dans leur intérêt même, les laboratoires doivent jouer le jeu ». La réalité est que si la Ministre veut respecter l’agenda qu’elle a présenté lors de la journée nationale contre les hépatites, avec l’élargissement des critères d’accès aux traitements et malgré les négociations impératives avec le laboratoire Gilead, le coût sera beaucoup trop lourd pour notre système de santé qui est déjà mis à mal par les politiques d’austérité de son gouvernement.
Ce n’est pas juste une renégociation conjoncturelle avec un labo que nous réclamons, c’est une remise à plat du système de fixation des prix des médicaments en France et l’utilisation immédiate de la licence d’office, une disposition légale que le gouvernement Valls s’est jusqu’à présent toujours refusé d’utiliser, Marisol Touraine restant muette à ce sujet, alors qu’elle est prévue par l’Organisation Mondiale du Commerce, pour casser un brevet et faire produire des génériques ou acheter ceux déjà existant, comme en Inde, où par exemple une combinaison thérapeutique couterait cent fois moins cher. Si c’est cela, le modèle français, que François Hollande défendra lors du G7, pour inspirer les autres pays, nous n’en voulons pas.
Ce mercredi 25 mai, les annonces de la Ministre ont fait le « buzz » auprès des médias et des associations mais au-delà de sa campagne de communication, nous restons sceptiques sur la réalité de la mise en place de ces déclarations… à elle de nous faire mentir.
Nous exigeons :
- Des licences d’office, pour un accès universel aux traitements, maintenant
- Que les CEGGID et les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) puissent prescrire, maintenant,
- L’augmentation des dotations budgétaires de tous ces centres.
- La mise en place des programmes d’échanges de seringues en prison, maintenant