Les poumons des séropos trinquent
Si les effets néfastes du tabac sont avérés, représentant 13% des décès en France métropolitaine en 2013 (soit 73000 personnes)[[BEH, N° 30-31 – 6 octobre 2016 http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2016/30-31/2016_30-31_7.html]], cela l’est d’autant plus chez les personnes séropositives au VIH pour lesquelles les conséquences du tabac sont décuplées. En effet, la fragilisation des défenses immunitaires par l’infection permet aux cancers, en général, de se développer plus facilement, plus précocement et de manière plus agressive et augmente les difficultés à les traiter et à en guérir. La gravité des cancers monte crescendo au fur et à mesure de la baisse de l’immunité. Ainsi, les séropositifVEs ont, à niveau de tabagisme égal, plus de risques de développer un cancer du poumon que les séronégatifVEs. Ce cancer broncho pulmonaire (CBP) est le plus fréquent des cancers non classant sida avec un risque environ 2,5 fois plus élevé par rapport à la population générale et une apparition plus précoce (50 ans en moyenne contre 65 ans). Il est la première cause de mortalité par cancer chez les personnes vivant avec le VIH, soit 9% des décès (Morlat 2013). Cela résulte des chances de survie très mauvaises en fonction des stades d’avancée du cancer et du niveau de CD4 : 43 mois pour les premiers stades, I et II, très localisés, 3 mois pour les stades localement avancés voire métastatiques, amélioration notée au-dessus de 200 CD4/mm3[[British HIV Association guidelines for HIV-associated 2014]]. De plus, l’interaction entre les traitements anticancéreux et les antirétroviraux de la classe des INNTI et des IP peuvent engendrer une réduction de l’efficacité du traitement anticancéreux ou provoquer une augmentation de sa toxicité et des effets secondaires.Tabac et infection à HPV : le duo gagnant du cancer du col de l’utérus
Nous avons déjà rappelé les risques pour les personnes séropositives de fréquence des cancers liés aux HPV (col de l’utérus, anal, du pénis, oro-pharingés)[[https://www.actupparis.org/spip.php?article5497 et http://www.reactup.fr/?HPV-condylomes-cancers-anaux]]. Le tabac se révèle être un facteur favorisant l’évolution des lésions des tissus atteints par le HPV et notamment la souche HPV16, vers un cancer. Dans le cas du cancer du col de l’utérus, une étude suédoise[[Anthony Gunnell à l’Institut Karolinska à Stockholm, Cancer Epidemiology, Biomarkers & Prevention, novembre 2006]] a mis en évidence la conjonction du tabac et du HPV16 dans le risque de cancer : x 14 chez les femmes fumeuses contre x 6 chez les non fumeuses. La charge virage entre également en compte, avec un risque x 27 chez les fumeuses ayant une charge virale élevée. De plus, l’ancienneté du tabagisme et le nombre de cigarettes fumées par jour augmente la sévérité des lésions cancéreuses[[McIntyre-Seltman, 2005]]. La corrélation tabac et cancer se fait également dans le cadre du tabagisme passif. Une étude a montré que le pourcentage de femmes dépistées avec une lésion de haut grade augmentait de 4,6% si le conjoint était fumeur[[Tay SK, Tay KJ, Passive cigarette smoking is a risk factor in cervical neoplasia, Gynecol Oncol, 2004, 93, 116-20]]. Pourquoi ce sur-risque ? Il semblerait que le tabac prolonge la persistance du HPV dans les tissus du col utérin et freine la disparition spontanée du virus (clearence), par l’action d’un des composants de la cigarette, le benzo(a)pyrène, qui stimule la réplication de virions du HPV. Cette persistance serait aidée par l’action négative du tabac sur l’immunité des cellules du col de l’utérus, par la baisse des cellules de Langerhans qui jouent un rôle essentiel dans l’immunité de cette zone. Enfin, lors de relations sexuelles, le liquide séminal d’unE partenairE fumeurSE présenterait des éléments carcinogènes qui entrant en contact direct avec les parois du col de l’utérus jouerait un rôle dans la dégradation vers un cancer des tissus du col[[Lahdetie J., Micronucleated spermatifs in seminal fluid of smokers and non smokers, Mutat Res, 1986, 172, 255-63]]. Tout chemin vers l’arrêt du tabac est fortement recommandé par les instances sanitaires. Cela peut passer par les différents instruments à disposition à l’heure actuelle, réduction du nombre de cigarettes, gommes, patchs nicotiniques, vapotage ou arrêt total. Pour une réussite de ce parcours de sevrage, il faut s’attacher à identifier les causes comportementales et sociales de la pratique du tabagisme, avec un regard spécifique sur les séropositifVEs, dont les vies entachées de discriminations, de difficultés socio-économiques et du vécu personnel de la maladie (enquête Vespa 2) influent sur ce taux élevé de tabagisme chez euxELLES.