Le mardi 8 février 2022, le Planning Familiale a organisé un webinaire consacré aux « Femmes et VIH ».
Eva Vocz, chargée de mission pour Act Up-Paris, a fait un point sur la situation des Travailleuses du Sexe par rapport au VIH.
Voici l’intégralité de son intervention : Replay
Je suis Eva Vocz chargée de mission pour Act Up-Paris, c’est une association de lutte contre le VIH-sida et de lutte contre les discriminations, qui repose principalement sur les actions de militantEs LGBTQI+ et/ou personnes séropositives.
Notre association a pu constater, auprès travailleurSEs du sexe accompagnées ou au contact des associations communautaires de TDS qu’il y avait urgence à agir face à l’exposition des TDS au VIH.
Tout d’abord, je ne vous apprends rien, il y a un manque de données en santé sur ce public et nous devons cela à une volonté politique de continuer à maintenir des lois et réglementations réprimant le travail sexuel dans une logique qui piétine la réduction des risques.
En effet, la France est un pays prohibitionniste du travail sexuel soit de manière directe avec des arrêtés municipaux et préfectoraux anti-prostitution dans la plupart des grandes villes, soit de manière indirecte par les lois sur le proxénétisme interdisant entre autre l’aide aux TDS (même bénévole), l’accès au logement puisque les propriétaires sont considérés comme proxénètes pour le fait de percevoir des loyers de TDS, l’accès à des services bancaires, enfin la plupart des droits fondamentaux mais aussi des arrêtés municipaux et préfectoraux réprimant par exemple les camionnettes comme on peut le voir à Paris ou à Lyon, et enfin, la pénalisation des clientEs qui excentre les TDS des villes et a fait reculer l’usage du préservatif.
L’absence de mesure de l’impact des changements législatifs sur la santé des travailleurSEs du sexe est d’ailleurs pointée du doigt par le Ministère de la Santé dans sa feuille de route en santé sexuelle. En attendant que nous ayons des données épidémiologiques sur les TDS en France, nous savons, d’après l’enquête dirigée par Hélène le Bail et Calogero Giametta en 2018 en 10 partenariats avec les associations de terrain engagées pour les droits des travailleurSEs du sexe
que 38% des travailleuses et travailleurs du sexe rencontrent plus de difficultés à imposer le port du préservatif, 63% des travailleurSEs du sexe ont déclaré avoir connu une détérioration de leurs conditions de vie et 42% se sentent plus exposéEs aux violences dans le cadre de leur activité.
Ces constats, ont été accentués par la crise sanitaire où la perte de clientèle expose davantage les TDS aux transmission de VIH à l’instar de la pénalisation des clientEs, mais aussi à une répression policière plus accrue et violente, à des des difficultés d’accès au séjour pour soin des TDS séropositives (je vous invite d’ailleurs à lire les Observations et recommandations d’Act Up à ce sujet) et enfin à des expulsions de logement de TDS.
Maintenant, nous demandons à ce que les candidates et candidats à la présidentielles soient courageux et prenne la question du travail sexuel sous un angle pragmatique. J’ai bien conscience que c’est sujet touchy mais là c’est une question à la fois de santé publique et de droits humains et cela doit prévaloir sur la pudibonderie et les peurs de débattre des politiciennes et politiciens. Quand je vois que certains sont prêts à rogner toute la lutte contre le VIH-sida de leur programme juste pour occulter les droits fondamentaux des TDS, c’est bien qu’on a régressé. Je m’en inquiète et j’appelle toutes les associations à faire un front commun pour que nos luttes, notre santé, nos vies ne soient pas une option facultative.