Le 20 février 2021, nous avons publié un texte sur la justice sociale dans un contexte de lutte pour la déconjugalisation de l’Allocation Adulte Handicapé.
Nous n’avons pas obtenu l’individualisation de l’AAH, pour autant ce combat pour la justice sociale ne doit pas cesser bien que cette question ne soit pas au programme des candidats à l’élection présidentielle !
Pourtant la justice sociale est un principe politique moral fondé sur l’égalité des droits, une répartition équitable des richesses, une véritable solidarité collective entre les différents membres de la société.
La justice sociale c’est lutter sans relâche contre les inégalités sociales et de santé, de permettre un accès inconditionnel aux droits les plus fondamentaux pour toutes les personnes, et ce sans discrimination ni distinction, car sans justice sociale l’égalité d’accès aux droits n’existe pas.
Défendre la justice sociale, c’est permettre à tous et à toutes de vivre dans des conditions dignes et décentes sur lesquelles reposent la notion du bien-vivre ensemble. Or la politique néolibérale, menée depuis plus d’une décennie de manière accélérée, est devenue particulièrement violente avec les deux années de crise sanitaire que nous venons de traverser.
Où est la justice sociale lorsqu’on voit que se soigner, se loger, se nourrir, coûte de plus en plus cher. Comment ne pas se révolter lorsqu’on voit de plus en plus de personnes renoncer aux soins, faute de moyens, de couverture médicale, de papiers ou de mutuelle. Comment tolérer que de plus en plus de personnes dorment à la rue, parfois des familles, souvent des femmes avec enfants, que des personnes même âgées se fassent expulser de leur logement y compris HLM. Doit-on rappeler que la France détient le record européen sur cette question. Et que dire du scandale ORPEA qui souligne la maltraitance exercée sur les personnes âgées au nom du profit.
Force est de constater que depuis plusieurs années, nous nous battons beaucoup pour nos droits et nous en avons malheureusement beaucoup perdu comme:
– l’individualisation de l’AAH,
– le complément de ressources pour toutes les personnes reconnues à un taux d’incapacité de 80% par la MDPH qui a été supprimé le 1er décembre 2019 pourtant journée mondiale de lutte contre le sida,
– la suppression du cumul de l’allocation spécifique de solidarité et de l’allocation adulte handicapé en 2017,
– la fin de la gratuité de la complémentaire santé solidaire pour toutes les personnes en situation de handicap qui existait encore en 1993 sous le nom d’aide médicale gratuite,
– la baisse du montant et de la durée des allocations chômage…
– la réforme des APL qui fait beaucoup de perdantEs et qui est un moyen de réduire encore et toujours les dépenses publiques sur le dos des personnes les plus pauvres et les plus fragiles.
L’impact social des politiques néolibérales n’a jamais été aussi violent qu’en cette période de pandémie à travers un état d’urgence concentrant tous les pouvoirs entre les mains du président de la République et du ministère de l’intérieur. N’oublions pas que l’état d’urgence sanitaire créé par la loi de mars 2020 reste un état d’exception qui restreint les libertés individuelles et collectives.
Comment parler de justice sociale lorsqu’on dématérialise les services à marche forcée sous prétexte de covid, sans tenir compte de la fracture numérique que subissent les plus précaires.
Toutes les institutions sont devenues inaccessibles et inadaptées aux publics concernés (les MDPH, les CAF, les CD, les MDS), il n’est quasiment plus possible de s’y rendre sans rendez-vous. Paradoxalement, sont apparues de nouvelles structures censées assurer des missions de service public tel que les 2055 maisons France Service censées faciliter l’accès aux démarches administratives, l’outil France connect, les guichets uniques d’aide aux démarches administratives : services analogues aux GUDA (guichets uniques pour demande d’asile) dont le but est la dématérialisation des demandes de titres de séjour, et dont nous savons qu’ils privent de droits de nombreuses personnes, les services publics à l’insertion et l’emploi (SPIE) mis en place depuis mars 2020 au travers de 14 expérimentations pour une mise en œuvre en avril 2021 et concernant les personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles dans leur accès au marché du travail.
Favoriser l’inclusion numérique pour un meilleur accès aux droits, tel est l’un des objectifs de développement durable ODD 1 « réduire les inégalités » alors qu’on sait pertinemment que la dématérialisation qui se généralise prive et éloigne les personnes les plus fragiles de leurs droits. Cette quête de la rentabilité numérique s’accompagne le plus souvent d’un contrôle social renforcé notamment sur les questions d’accès aux droits sociaux et de santé mais également sur les questions du droit des étrangers et du droit d’asile. Ces structures financées sur la base d’un partenariat public-privé privilégient la rentabilité au détriment de la qualité, l’objectif de ce gouvernement étant de remettre tout le monde au travail sans distinction afin de pouvoir communiquer sur une soi-disant baisse du taux de chômage et sur une croissance plus élevée que jamais.
Toutes ces lois liberticides et ces mesures coercitives sont mises en œuvre au nom soi-disant de la protection des populations mais certainement pas des plus fragiles. La solidarité nationale et la justice sociale ne se monnayent pas, ne se marchandent pas et il ne faut pas confondre l’intérêt général et l’intérêt public, car ce n’est pas la même chose que défendre les intérêts du plus grand nombre ou l’intérêt de tous et de toutes.
La justice sociale est un combat qui devrait nous rassembler touTEs parce qu’il s’agit de défendre les vraies missions de service public dans leur caractère non marchand où la véritable solidarité s’applique. C’est aussi défendre avec force l’hôpital public en lui donnant les moyens humains et financiers de pouvoir assurer ces missions auprès de touTEs, qu’on soit riche ou pauvre, qu’on ait une couverture médicale ou pas, qu’on ait des papiers ou pas, et l’inquiétude est grande lorsqu’on voit le nombre d’établissements en secteur 1 disparaitre, ce qui veut dire que les dépassements d’honoraires même contrôlés deviennent la norme dans la majeure partie des établissements de santé de notre territoire.
L’hôpital n’est pas une entreprise et à ce rythme les plus fragiles et parmi eux les PVVIH ne pourront plus se soigner et cela a déjà commencé.
Comment ne pas voir les dégâts considérables provoqués par la privatisation de l’action, de l’aide sociale et de la santé publique ces dernières années. Le nombre de démissions dans les métiers du soin et du social est alarmant et s’est encore aggravé avec la crise sanitaire.
La lutte contre le sida n’est pas que médicale, elle est sociale et politique comme la lutte contre les discriminations. Elle s’inscrit naturellement dans la lutte en faveur de la justice sociale.
En 2022, cela fera seulement 20 ans que le Fonds mondial pour la lutte contre le sida a été créé sur la base d’un partenariat public-privé visant à soutenir la recherche mais aussi à améliorer la qualité et les conditions de vie des personnes vivant avec le VIH. En 2015, l’ONU a été contraint d’appeler le secteur privé à investir pour la réussite de ses objectifs et pour pallier au manque de financement des États et des dérives ont commencé à apparaître.
La fusion entre l’ANRS et REACTing en décembre 2020 a quant à elle suscité beaucoup d’inquiétude légitime de voir baisser les fonds alloués à la recherche contre le sida.
Et que dire face au constat de la fermeture des services de médecine interne, de surveillance continue pour les personnes atteintes du VIH ou des personnes atteintes de pathologie chronique de longue durée parce que ces malades ne rapportent pas d’argent à l’hôpital.
Le gouvernement Macron a supprimé plus de 17.000 lits depuis le début de son mandat et en a transformé d’autres également au profit de la chirurgie ambulatoire beaucoup plus rentable tel le fameux fast track.
Parallèlement les consultations privées à l’hôpital public ont explosé avec pour conséquence un allongement des délais pour les personnes les plus démunies pour avoir des rendez-vous avec des spécialistes.
La loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades fête aussi ses 20 ans. On ne peut en parler sans évoquer la lutte contre le sida car les personnes séropositives et les associations ont été très impliquées dans l’élaboration de cette dernière et ce dès 1996. Cette loi évoque la question du libre choix, du consentement éclairé, la notion de patient expert et la convention Aéras qui par ailleurs vient de se voir modifier récemment pour permettre aux personnes d’emprunter jusqu’à 200000€ sans questionnaire médical et là aussi c’est un combat des personnes séropositives et de nombreuses associations de lutte contre le sida qui se voit récompensé.
Pourtant, 20 ans plus tard, nous avons toujours le sentiment d’être excluEs des décisions qui pourtant nous concernent, la démocratie sanitaire n’existe pas et quant à l’amélioration des besoins et des attentes des personnes malades ce n’est plus une priorité aujourd’hui.
Nos vies vaudront toujours plus que leurs profits et nous ne devons jamais cesser de nous battre pour la justice sociale et continuer de porter nos revendications :
- L’individualisation de l’allocation adulte handicapé et du RSA pour toutes les personnes qui vivent en couple et un montant qui ne soit pas inférieur au seuil de pauvreté actuellement à 1065 €
- La réattribution du complément de ressources pour toutes les personnes qui y sont éligibles et donc reconnues à 80% par la MDPH
- L’accès à la complémentaire solidaire pour toutes les personnes en situation de handicap et sans participation financière ainsi que pour toutes les personnes étrangères
- La régularisation de toutes les personnes sans papier qu’elles relèvent d’un titre de séjour étranger malade, vie privée et familiale, du statut réfugié, de la protection subsidiaire et pour et toutes les autres qui quittent leur pays au péril de leur vie pour des raisons dites économiques, le droit au travail et la délivrance d’un titre de séjour immédiat comme tel était le cas avant les lois Pasqua de 1993.
- L’arrêt des expulsions des personnes migrantes et des personnes étrangères malades
- La publication de la Bispo et la défense de l’arrêté du 5 janvier 2017 menacé aujourd’hui par des politiques racistes et xénophobes
- L’abrogation de la loi contre la pénalisation des clients et la reconnaissance du travail du sexe
- La suppression du forfait urgence instauré récemment et qui vise à exclure du soin certaines populations
- La possibilité pour toutes les personnes vivant sur notre territoire de vivre et de mourir dans des conditions dignes
Pas de lutte contre le sida sans lutte pour la justice sociale et même si les combats sont de plus en plus nombreux et difficiles, il faudra bien trouver un moyen pour reconquérir des droits. Cela ne pourra pas se faire sans une mobilisation massive autour de la lutte qui nous unit pour vivre dans des conditions dignes et décentes.