Ça veut dire quoi, être travailleur social au sein d’Act Up-Paris ? Nicolas et Arthur sont travailleurs sociaux à la Permanence Droits Sociaux d’Act Up. Le premier y est depuis bientôt 5 ans, le second depuis quelques mois. Deux points de vues qui convergent vers le même constat : la réduction des moyens et l’augmentation des besoins. Découvrez des travailleurs sociaux tout terrain, dans une Permanence pas comme les autres.

Nicolas : La Permanence Droits Sociaux d’Act Up-Paris existe depuis 25 ans. Concrètement, son rôle est d’accompagner des séropos au VIH ou à une hépatite dans leurs démarches administratives et sociales, mais aussi pour gérer des situations de discriminations. On n’a pas de baguette magique, mais on fait tout ce qu’on peut.

Arthur : La Permanence est un lieu d’accueil et d’écoute. Nous recevons des personnes dans des situations personnelles, médicales, familiales souvent très difficiles. Nous voulons instaurer une safespace bienveillante et contribuer à l’empowerment des personnes.


À gauche,
Arthur, travailleur social.
À droite,
Nicolas, coordinateur social de la Permanence Droits Sociaux.


Nicolas, coordinateur social de la Permanence Droits Sociaux

@hele.pavaleca


Arthur, travailleur social à la Permanence Droits Sociaux
@hele.pavaleca

Une Permanence unique en son genre

Nicolas : Le travail social d’Act Up-Paris a plusieurs spécificités. Fidèle à notre histoire, nous défendons l’empowerment des usagerEs. Concrètement, ça veut dire qu’on n’infantilise personne, on soutient d’une part pour que chacunE reprenne le contrôle sur sa situation et d’autre part que chaque usagerE acquiert son autonomie.

Arthur : Ensuite, les portes de la Permanence Droits Sociaux d’Act Up-Paris sont ouvertes à touTEs les séropos, sans distinction. Nous essayons de répondre à toutes les difficultés que rencontrerait une personne séropositive et qui viendrait nous voir. Sérophobie, discrimination, accompagnement, harcèlement, accès au traitement … Ou tout autre problème en lien ou non avec leur séropositivité.

Nicolas : La Perm est souvent le dernier refuge pour des personnes en grande difficulté. Beaucoup d’associations nous orientent des personnes avec des profils très complexes, que ce soit pour le titre de séjour, l’accès aux droits ou encore l’accès au traitement. La Permanence a appris à gérer les urgences.

Une expertise juridique devenue indispensable

Nicolas : Au fil des années, nous avons également développé une véritable expertise juridique sur les titres de séjour et le droit d’asile. Pourtant, à l’origine, ce n’est absolument pas le métier des travailleurs sociaux. Nous devrions accompagner les usagerEs dans l’accès à leurs droits, c’est-à-dire les demandes d’aides sociales, de logement, etc. Pourtant, la situation s’est tellement aggravée que le métier tout entier a évolué. Et c’était d’autant plus évident pour nous de défendre les droits qu’Act Up le fait depuis son existence. Aussi, nous avons fait le choix d’embaucher Arthur, juriste en droit des étrangers et en droit d’asile, qui est principalement en charge de l’accompagnement juridique à travers des demandes de titre de séjour et des demandes d’asile.

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Arthur : Cette évolution du métier s’inscrit dans un contexte très inquiétant pour les droits des étrangerEs. D’abord, nous constatons un réel manque d’information. Les gens ne connaissent pas réellement leurs droits ni le fonctionnement des différents dispositifs. On assiste même à de la désinformation. Le droit d’asile reste très flou, idem pour le droit au séjour pour soin. Ce manque d’information a un impact direct sur le quotidien des gens qui se retrouvent face à des procédures interminables et laborieuses. L’information est encore plus importante pour des publics souvent précaires et isolés dont l’accès à l’information fiable est difficile. En clair, nous cherchons à déconstruire les croyances et permettre aux personnes de bénéficer d’un accès effectif aux droits qui sont les leurs. Par ailleurs, à la mauvaise information s’ajoute le recul des droits. Depuis des années, les étrangers en France voient leurs droits régresser. Nous luttons contre ces orientations politiques qui portent atteinte à la dignité des personnes.

Une précarisation qui empire de jour en jour

Arthur : Accompagner pour l’accès au droit au séjour est devenu incontournable car le titre de séjour conditionne l’accès aux droits sociaux. Être en situation régulière va conditionner pour nous toute possibilité de faire de l’accompagnement social.

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Nicolas : En très peu de temps, nous avons vu une augmentation significative des besoins financiers des usagerEs. Qu’est-ce que ça signifie ? Qu’on assiste à une explosion de la précarité depuis plusieurs années. On voit des personnes qui n’arrivent pas à se nourrir, alors que la plupart bénéficie d’aides comme l’allocation adulte handicapé (AAH) ou d’un petit salaire. C’est un carnage. En 2023, nous avions 44 personnes dans notre file active qui bénéficiaient des aides financières (principalement tickets services et pass navigo). Depuis janvier 2024, c’est-à-dire depuis 5 mois, on est déjà à 58 personnes, et de nouvelles arrivent chaque jour dans l’espoir d’être soutenues. Ces 58 personnes représentent plus de 20% de notre file active à ce jour ! Certaines qui ont eu des tickets services plusieurs fois devront être écartées pour permettre à des enfants de manger ou prioriser les personnes les plus malades. Bien que les demandes soient très élevées, nos moyens humains et financiers, eux, n’augmentent pas. Nous allons être contraints de trier les pauvres.

Une lutte vitale

Arthur : Cette dérive vers la précarité généralisée est bien-sûr le fruit d’un contexte économique, mais surtout celui de choix politiques ouvertement répressifs. Depuis des années, nous observons une constante dégradation des droits des étrangers et des droits sociaux.

Nous allons être contraints de trier les pauvres

Nicolas : Nous devons lutter pour que les choses changent radicalement. Il faut une réévaluation des aides de la CAF et de l’ensemble des minimas sociaux. Un RSA à 600 euros, c’est déjà un problème. Les APL ne suffisent plus. On rencontre des personnes dans l’incapacité de travailler, pourtant leurs dossiers prennent des mois à être traités, ce qui les condamne à la précarité. Il faut aussi travailler sur l’encadrement des loyers dans le privé. Même les loyers de logements sociaux ont augmenté, c’est criminel ! Il faut revoir totalement les politiques politiques d’accès au et de maintien dans le logement, qui aujourd’hui enfoncent les gens dans la pauvreté. Parce que ces situations sont inacceptables, Act Up-Paris continuera de lutter pour défendre les droits sociaux et les droits des étrangers, aussi longtemps que nécessaire.